Le Refuge - Renaissance

Chapitre 10

Un silence de mort règne dans le désert. Le jour s'est levé depuis plusieurs heures déjà, mais le Soleil n'apparaît pas. Le ciel est gris, les nuages sont gonflés de pluie. Bientôt, les premières gouttes commencent à tomber sur le sol. Le macadam fendillé se noircit au contact de l'eau.

Je regarde le triste spectacle, accoudée à la fenêtre de mon appartement. Le ciel pleure pour le sort du Nouveau Système ce matin. On doit tout laisser, tout abandonner, partir et fuir tant qu'il en est encore temps. Et mon cœur se brise à cette pensée. Tous ces combats, toutes ces peines, tout ce que nous avons affronté et enduré, tout ça pour rien. Rien, et moins encore : les pertes ne font qu'augmenter.

Après l'affrontement avec l'Officier, nous avions rassemblé quelques personnes à la Mairie, pour discuter, pour nous préparer à ce que l'avenir nous réservait. Dans la nuit, alors que nous pensions être enfin seuls, en paix, que nous pouvions avoir l'occasion de dire au revoir en toute quiétude à cette cité pour laquelle nous étions tous prêts à donner nos vies, une missive nous est parvenue. De l'autre côté du désert, la fête battait toujours son plein. Le tintamarre des tambours parvenait toujours à nos oreilles. Je n'avais plus le courage de lire ces terribles mots d'Acragas, je n'avais plus la force d'annoncer une mauvaise nouvelle, une fois de plus. Mac avait pris le relais. Il lut d'abord en silence, puis, après ce qui parut être une véritable éternité, il s'adressa à ceux qui se trouvaient encore à nos côtés, à tous ceux que le sommeil fuyait.

« Si nous ne leur livrons pas au moins la moitié des femmes du Nouveau Système avant demain midi, alors ils nous traqueront tous, jusqu'au dernier, pour nous exterminer. »

La nouvelle tomba comme un couperet. Personne n'eut à dire quoi que ce fût. Il n'y avait rien à dire : nous étions tous conscients de la réalité. Si nous ne donnions pas ces femmes à l'Officier, alors il nous tuerait. Non seulement il en était capable, mais surtout il en avait les moyens. De plus, il savait très bien qui était notre allié principal, et nous refusions tous de mettre en danger la vie de centaines d'autres personnes. Cependant, ce n'était pas tout. Mac, la gorge serrée, finit par nous donner la dernière information :

« Nous n'avons plus que quelques heures devant nous. À la tombée de la nuit, ils détruiront tout. »

« Le Nouveau Système est mort, je déclare subitement alors que Mac ferme son sac à dos. Nous avons fait tout ça pour rien. Austin est mort pour rien. Tous nos amis, tous ceux qui se sont battus ces derniers jours et ces dernières années, ils sont morts pour rien. Leur sacrifice à tous a été inutile.

- Je ne suis pas d'accord avec toi, me répondit-il. » Il s'accoude à la fenêtre, à mes côtés, puis repris. « Nous ne nous sommes pas battus pour des bâtiments, pour des murs et des tables. Nous n'avons pas fait tout ça pour sauver une cité.

- Alors pourquoi, pourquoi Mac, pourquoi est-ce qu'on s'est infligé tout ça si on savait pertinemment qu'on allait perdre ?

- Je ne sais pas toi, mais moi je ne me suis pas battu en pensant que j'allais perdre. Je me suis battu dans l'espoir de gagner, et tu sais pour quoi je me suis battu tous les jours ? Tu sais ce qui m'a fait tenir ? Cassie, c'est toi. Toi, Austin, Oliver, et tous nos compagnons. Finch, Samia, Justine, Elia, Liza. On ne s'est pas battus pour une cité, on s'est battus pour nos idées, pour nos convictions.

- Mais on a quand même perdu.

- On a peut-être perdu le Nouveau Système, mais ce n'est pas pour autant qu'on a été vaincus. Les idées sont toujours là, et nous pourrons tout reconstruire ailleurs, recommencer à zéro.

- Ce ne sera pas pareil...

- Le but n'est pas de remplacer ce que nous aurons laissé ici, mais de faire honneur à tous ceux qui ont perdu la vie pour que nos convictions restent.