Parfois, la nuit nous attire à elle, nous happe, nous engloutit, jusqu'à ce qu'il ne reste plus rien. Absolument plus rien.
Et c'est exactement ce qui se passe à cet instant alors que le camion fonce à travers le désert en direction du Nouveau Système. Nous nous enfonçons tous dans la nuit. Tous autant que nous sommes, nous ne vivons pour rien d'autre que la victoire. La vie n'importe plus. Le soleil non plus. Seule la nuit interminable semble avoir de l'importance. Elle, et la victoire, la déchéance d'Acragas, la supériorité du Nouveau Système. C'est tout ce qui importe. Et la nuit est toujours là, vivante, alors que moi, je me meurs petit à petit.
Dans le ciel, il y a peu d'étoiles. C'est une nuit noire comme il y en a peu. Les nuages cachent la Lune, l'empêchant de nous éclairer. La nuit gagne du terrain. L'ombre. L'obscurité. Acragas.
La main de Mac se pose sur la mienne. Je ne le regarde pas, je n'ai pas besoin de ça pour savoir exactement la tête qu'il fait, parce qu'il doit avoir la même expression que moi. Déterminée. Apeurée. Un cocktail qui n'est pas bon, mais qui est foncièrement utile. Dans ma poitrine, mon cœur s'emballe. Je sens le sang taper contre mes tempes. Je n'entends plus rien, ni les voix à l'avant du camion, ni le bruit des roues sur le sable humide. Les cris des filles ont cessé de résonner dans mon crâne. Je n'ai plus peur de perdre la vie, c'est fini. Ce dont j'ai peur, c'est qu'il arrive quelque chose aux gens que j'aime. Et ça aussi, la nuit me l'a déjà pris. Je ne dois plus avoir peur. Alexandre n'est plus là pour crier haut et fort qu'il est le meilleur et qu'il nous sortira tous de là. Cette femme sur le sol, la première dont j'ai vu le visage sans le reconnaître, celle qui portait ces vêtements noirs, les mêmes que Mac, elle aussi est morte pour m'empêcher d'avoir peur. Je devrais pleurer, crier, hurler même. Mais rien ne sort. Rien de vient. La main de Mac sur la mienne me fait me dire que tout va bien se passer, et que, si jamais ce n'est pas le cas, alors il sera toujours là pour moi. Mon cœur se calme. Au tour de mes pensées de s'emballer sans que je ne puisse rien y faire.
Nuit noire, pensées noires. Tout est étrangement assorti ce soir. La couleur du ciel et celle des vêtements. La méchanceté de la nuit et celle de mes pensées. Je ne suis qu'un pantin, je réalise à cet instant. Je ne suis qu'un foutu pantin, et c'en est fini de moi. Si la nuit est noire et sans étoile, pourquoi devrais-je vivre ? Si la nuit est noire, pourquoi devrais-je pleurer ? Le ciel est déjà bien assez triste pour moi, finalement. Ma vie n'est plus que l'ombre d'elle-même. Je n'ai plus de joie. Mes amis vont tous y laisser la peau, je le sens, et moi aussi. Mac est là, lui, mais il ne parle pas. Il ne me rassure pas comme il le fait toujours. Il est précipité, dans ses gestes, dans ses paroles avant de monter dans le camion. Ça arrive, a-t-il dit, La guerre. Acragas. Et puis, je me rends compte qu'il n'a pas évoqué la mort. La guerre, Acragas, et la mort. Voilà ce qui nous fonce dessus pendant que nous, nous nous enfonçons dans la nuit. Au fond, la mort est déjà arrivée. Alexandre. Cette femme au visage déformé par la douleur. Tous ceux qui étaient étendus sur ce sol dur. La mort n'est pas une suggestion, elle n'arrive pas, elle ne va pas nous tomber dessus, elle est déjà là, féroce, impitoyable. Comme la nuit.
« Cassie. »
Je redresse la tête et plonge mon regard dans celui de Mac. La cicatrice sur son visage est blanche, livide, pâle comme la mort. D'un geste du menton, il désigne nos mains. Sans m'en rendre compte, j'étais en train de lui broyer les os. Mes jointures sont blanches. Les siennes sont bleues. Un peu de couleur au milieu de cette nuit noire, voilà ce à quoi je pense en voyant ça. Et les larmes ne viennent toujours pas. La peur s'est enfuie. Seule la colère est là, elle m'habite.
« Je n'ai pas peur, je déclare à voix haute, comme s'il s'agissait de ce que tout le monde attend de moi.
- Moi, si, me répond Mac. »
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Le Refuge - Renaissance
Fiksi Ilmiah[Le Refuge, tome 3, Renaissance - dernier tome de la saga] Ces derniers mois dans le Nouveau Système ont été plus que mouvementés. Entre morts et menaces de morts. Entre corps à corps et utilisation d'armes à feu. Pour Cassie, Mac et tous les autres...