Les jours passent, deviennent des semaines, et bientôt, ça fait un mois que j'ai exprimé mon souhait de partir d'ici. Un mois, donc, que j'ai tout avoué à Mac, et qu'il s'est révélé être le plus grand soutien imaginable, plus que tout ce que j'aurais pu rêver.
J'avais si peur pourtant, si peur de tout lui dire, de remettre en cause une nouvelle fois toute notre vie. Partir de la Société, ça voulait aussi dire quitter une situation stable, un avenir simple, l'espoir de former vraiment une famille, d'être heureux près de nos proches. Mais en voulant quitter la Société, je ne pensais pas à tout ça. Au contraire, tout ce que je voulais, c'était précisément avoir un avenir qui nous ressemble, dans un endroit que nous aurions véritablement choisi, et pas une cité, comme celle-ci, qui nous aurait été imposée à la suite d'évènements tous plus invraisemblables les uns que les autres.
Je ne cesse de repenser à cette tarte aux fraises que Mac m'a faite, l'autre soir. Cette tarte a des pouvoirs magiques. Alors que Mac semblait si fragile, si hors d'atteinte, enfermé dans cette tour d'ivoire qu'est son esprit, il s'était enfin permis de s'ouvrir à moi. La nuit a été courte, mais pleine de discussions, de rires et de larmes, de baisers, de tendresse. Grâce à cette tarte aux fraises, j'ai pu retrouver Mac, et j'ai pu me retrouver un peu, moi aussi, au passage. Cependant, je n'arrivais pas à trouver le courage en moi pour quitter ce confort et ce semblant de retour à la normalité que nous offre la Société.
Je n'y arrivais pas, jusqu'à ce matin. Quand j'ai ouvert les yeux, à l'aube, quelque chose avait changé. Je ne saurais pas dire de quoi il s'agit, ni d'où ça vient, mais le fait est là : si hier soir en me couchant, je ne pensais toujours pas être prête, aujourd'hui je le suis, bien plus que je n'aurais jamais cru.
Mac n'a pas eu besoin que je lui dise quoi que ce soit. Quand il a ouvert les yeux à son tour, quelques heures après moi, il a tout de suite senti ce changement qui s'était opéré durant la nuit. Les étoiles lui portent conseil, comme le sommeil le fait avec moi.
« Tu vas lui parler ? m'a-t-il demandé alors qu'il avalait une grande tasse de café tout chaud que je venais juste de préparer. »
Ce à quoi j'ai simplement hoché la tête. Les mots ne sont pas nécessaires entre nous. J'ai l'impression d'enfin comprendre ce silence entre mes parents, ce silence qui pourtant n'était pas pesant, ce silence au sein duquel vivaient milles et un mots. Je pouvais enfin imaginer ce qu'ils ressentaient lorsqu'ils se regardaient, parce que c'est ce qui est en train de naître entre Mac et moi. Nous ne sommes pas ensemble depuis assez longtemps pour que l'on puisse totalement se passer des mots, mais, le plus souvent, nous avons la capacité de nous comprendre en un regard, en un geste. C'est une situation confortable, agréable.
Plusieurs fois ces derniers jours, je me suis dit que nous pourrions peut-être rester ici, dans la Société, et devenir des habitants de cette cité pour de bon. Je me disais que je n'avais peut-être pas besoin de chercher un endroit où je pourrais me sentir chez moi, parce que je n'avais besoin que d'une seule chose : une personne. C'est avec Mac que je me sens bien. Un endroit est-il vraiment nécessaire pour se sentir chez soi, lorsque nous sommes aux côtés de la bonne personne ?
La matinée est bien avancée lorsque je me décide enfin à sortir de notre petit dortoir. Je ne parviens pas à l'appeler autrement. Ce n'est pas vraiment chez nous, et au fond de moi, je sais pertinemment que ça n'aurait jamais pu le devenir. Alors ce n'est rien d'autre que cela, un dortoir, une chambre, une enfilade de pièces dans lesquelles je peux manger, me laver, me reposer. Lorsque j'en sors enfin ce matin, alors que le soleil est déjà bien haut dans le ciel et que les gens s'affairent à différentes activités, allant des récoltes et du soin des bêtes à la cuisine ou à la confection de produits de première nécessité, je me dis que c'est l'une des dernières fois que je le fais. D'ici quelques jours, tout au plus, ce dortoir sera bien loin de moi.
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Le Refuge - Renaissance
Science Fiction[Le Refuge, tome 3, Renaissance - dernier tome de la saga] Ces derniers mois dans le Nouveau Système ont été plus que mouvementés. Entre morts et menaces de morts. Entre corps à corps et utilisation d'armes à feu. Pour Cassie, Mac et tous les autres...