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Le crayon grattait sur la demi-feuille que tenait faiblement Oly. Les mots s'enchaînaient sur la surface papier, elle avait trouvé l'inspiration.

Le fiasco de la réunion lui avait permis de composer quelques lignes en l'honneur de la félonie de la maison de disques. En effet, pour la chanteuse il était inconcevable que le label ne se sente pas plus concerné par la division de ses artistes.

« Ça gratte à ce que je vois. Tu veux tenter d'enregistrer quelque chose ? La voix de la présidente surprit la jeune étudiante.

— Les situations de conflit m'ont toujours inspiré il faut dire. Tu en penses quoi ? » Em regardait son artiste d'un regard intrigué avant d'attraper la feuille que lui tendit Oly.

Les grands yeux émeraudes de l'ancienne interprète prêtaient une attention particulière à la forme des rimes de la brune. Em s'impressionnait de la facilité qu'Oly démontrait pour créer des textes pertinents et poignants dans le bref temps de pause qui lui était souvent imparti.

« Je ne suis pourtant restée que trente minutes avec Lady Leshurr, impressionnant. Elle redonna la feuille à la jeune femme avant de lui sourire sympathiquement. Oly remarqua le piercing « smiley » qui arborait la bouche de sa patronne. Il lui plaisait, objectivement.

— Merci du compliment. D'ailleurs, pourquoi elle s'est-elle déplacée ? Birmingham c'est pas à côté tout de même.

— Tu connais sa ville ? S'étonna Em.

— En réalité je suis une grand fan de son travail ! Quand je l'ai vu débarqué dans l'ascenseur pour monter à la réunion, j'étais incapable d'en placer une ! Elle est tellement impressionnante...

— Sympa ça ! La prochaine fois tu arriveras à lui dire « bonjour » j'espère.

— Moques toi de moi ouai ! Bon mon texte, tu en penses quoi ?

— C'est percutant, j'apprécie le moment où tu parles des artistes comme de vulgaires trophées que les agences trimballent sans forcément leur donner le soin qu'ils méritent. Par contre, ton refrain est trop long, enlèves quelques mots. Voir une ligne entière.

— Mais ça n'aura plus aucun sens...

— Si, fais moi confiance. Bon, je vais devoir filer, tu m'appelles si tu as un souci. Aussi, réponds à mes messages quand je te contacte, ça m'éviterait de penser que tu es morte.

— Quoi ? Oly bégaya face à la remarque de la manageuse. C'est quoi cette pensée d'américain là ? Les gens ne crèvent pas aux quatre coins de rue ici.

— Je suis américaine Oly, ce n'est pas une reproche que tu me fais là. Pour autant, je ne suis pas toujours fière de faire partie de cette nation... S'exaspéra la colorée en cherchant les clés de sa voiture.

— Tu m'étonnes ! Em ?

— Quoi ?

— Je me demandais, est-ce que la semaine prochaine tu aurais de la place pour placer une session sur un après-midi entier pour que je puisse enregistrer quelques pistes ? À cette demande, Em ne put s'empêcher de sourire, à tel point qu'Oly crut que son visage se craquerait. En peu de temps, Oly se familiarisait au rythme de l'agence, aux habitudes à prendre, la présidente appréciait cela.

— Vendredi prochain, à 13 heures au studio. Pas de retard.

— Merci ! Tu gères Em !

— On verra ça vendredi, en attendant dors parce que ton anti-cernes ne sert à rien. J'veux pas que le public croit que t'es en pleine désintox lors de ta première séance photo.

— Quelle séance ? Em ! Em tu m'écoutes ?!

— Mardi prochain à 15 heures. J'ai planifié une séance photo suivie d'une interview avec le magazine Longueur d'Ondes. J'ai jeté un coup d'œil à leur boulot, je pense qu'ils pourront rédigé une bonne présentation des nouveaux artistes d'Hope. Ils sont basés sur Bordeaux mais le journaliste et l'équipe de photographie acceptent de venir jusqu'ici.

— Tant mieux. Si je ne me trompe pas, ce n'est pas ce média qui a défendu Troye Sivan quand il a fait son coming-out ?

— Sans doute. En tout cas, je compte sur toi pour répondre au rendez-vous. Aller, t'es tranquille jusqu'à mardi, profites parce que ce sont tes derniers moments paisibles d'étudiante fumant je ne sais quelles substances illicites.

— Je rêve ou tu me tapes un portrait cliché ? Ce n'est pas parce que j'ai des piercings, les cheveux rasés et que je suis en études d'art que-

— Oly, détends toi. Em pointa sa tête en formant une tête amusée, la manageuse savait qu'elle ne représentait pas le « typique » portrait de la femme d'affaires que les investisseurs s'attendaient à saluer à chaque conseil. Elle connaissait ce monde de jugements, ou tout le monde se disait mieux savoir que tout le monde ce que les autres devaient ou ne pas représenter. Parfois, le jugement apparaissait bien plus vite qu'à l'instant où les investisseurs découvraient sa chevelure bleue. Le simple fait qu'elle soit une femme suffisait pour réfréner ses homologues. Tout ça ce sont des clichés ma grande, on s'en fout de savoir s'ils sont vrais ou pas. Moi ce que je veux ressentir c'est ta musique, tu fumes bien ce que tu veux et tu traînes où bon ça te chante. Là tu m'excuseras mais il faut vraiment que j'y aille ! À mardi !

— À mard- »

Em était déjà partie... 



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