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Le week-end commençait, Oly s'était réveillée aux aurores. Premièrement, parce que son voisin de palier avait fait tellement de boucan en sortant pour aller travailler ce matin, qu'elle n'eut d'autre choix que de se réveiller de ce vacarme. Ensuite, elle savait que sa petite-amie animait un atelier de débat pour les collégiens de son quartier au sein de son association luttant contre les inégalités des sexes.

Oly admirait le dévouement d'Ange depuis deux ans, elle lui avait souvent promis de l'accompagner lors d'un atelier mais Oly n'eut jamais le courage de se retrouver devant une vingtaine de gamins, tous aussi vifs les uns que les autres sur les erreurs de langage des plus âgés. Elle ne se sentait pas d'intervenir auprès d'eux, jugeant sa légitimité pas assez justifiée... Ce qu'Ange réfutait à chaque fois. Etant une humaine de ce monde, au genre et au sexe féminin, de ce fait, Oly avait pleinement sa place pour partager ses expériences en tant que femme dans son époque actuelle.

Ange lui avait partagé l'adresse il y a deux semaines, elle s'empressa de la retrouver pour pouvoir assister à l'intervention. Ce qu'Oly oublia, c'est que même si sa petite-amie avait bien appuyé sur le fait qu'elle animerait le matin... Ce ne serait certainement pas à 5 heures du matin ! Telle était l'heure affichée sur la majorité des réveils de la ville marseillaise... Et de toute la France d'ailleurs.

Oly se maudit, car jamais elle ne réussissait à se rendormir une fois qu'elle était réveillée.

« Quelle merde... Je fais quoi maintenant ? » Bougonna-t-elle en faisant les cent pas dans son appartement.

Une idée lui vint...

Elle ouvrit son compte Twitter, demanda à ses followers de lui proposer jusqu'à dix thèmes pour l'aider à trouver des inspirations pour son nouvel album. Sa communauté ne connaissait pas de répit, car même à l'aube, les réactions furent nombreuses, une trentaine d'internautes avaient déjà re-twitté ou aimé le post d'Oly.

La jeune artiste scrutait son écran la bouche béante, elle n'en revenait pas, sa demande avait été lue, sa « secte », comme elle aimait l'appeler, n'était pas une armée de haters ou de « twittos » fantômes, ils étaient là et tous disposés à l'aider dans la plus grande sympathie.

...

L'accord fût passé, les poignées de mains serrées. La rappeuse anglophones, Lady Leshurr venait d'accepter la proposition d'Em, elle le fit à cœur joie. Le défi était le suivant : faire apparaître Lady Leshurr sur un morceau d'Oly. Certes leur association consistera un featuring cependant, Em avait l'intime conviction que la participation d'une des artistes préférées de sa nouvelle artiste la motivera à engager les hostilités. Em ne le partageait pas spécialement avec tout le monde néanmoins, elle pensait réellement que ce nouveau projet de plateforme virtuelle mettrait plus en péril qu'elle ne le pensait la cohésion de ses artistes...

L'engagement étant validé, Em décida de passer un coup de fil à Oly, celle-ci répondit presque instantanément, Em eut quelques secondes de latence en s'étonnant de la disponibilté soudaine de son artiste, elle en fût heureuse.

« Oly ? Comment tu vas ?

— Actuellement ? Je me fais engueuler par un môme de quatorze ans parce que je n'ai pas validé son « projet de loi du futur » sur les égalités salariales. Sans déconner, à quatorze qui pense à ça ? S'il veut des chiffres il n'a qu'à entrer à Polytechnique, j'en sais rien moi !

— Je vois... Un dur début de matinée effectivement, ce petit à de la ressource, j'aime bien.

— Tu ne l'as jamais vu ! Et puis si tu le voyais, tu vrillerais ! Il est insupportable à tout ramener à- Oui Ange j'arrive ! Deux minutes ! Bon laisses tomber Em, j'dois filer. Je me fais déjà descendre par un gosse alors je vais éviter de l'être par ma copine ! On se rappelle, à plus ! »

Oly raccrocha sans même avoir pu donner le temps à la manageuse de développer ses raisons d'appel. Em resta bouche bée en fixant le vide, Lady Leshurr qui avait observé la scène du coin de la salle, souriait en voyant le visage figé de la responsable. La londonienne fût persuadée de n'avoir jamais vu Em aussi expressive qu'à cet instant, du moins devant elle. Elle s'en amusait.

« Girl you know what ? »

L'artiste haussa les épaules en pouffant de rire avant de comprendre la suggestion d'Em, oh il n'y avait rien d'extravagant, Em demandait seulement à l'artiste de choisir un studio pour finir d'enregistrer son EP. Invitation que la londonienne accepta jovialement, elle se plaisait réellement à développer sa musique en ces lieux.

...

Le groupe de collégiens quitta les locaux, le débat venait de prendre fin et Oly crut se désintégrer quand le dernier adolescent passa la porte de sortie. Elle avait été épuisée à répondre à toutes les questions incessantes de la jeunesse, elle n'avait jamais été très douée et à l'aise dans la communication avec les adolescents. Même au sein de sa grande fratrie, Oly n'était pas celle qui apparaissait comme la plus ouverte auprès de ses cadets, bien qu'elle les aimait de tout son cœur, elle ne parvenait pas à le faire transmettre comme elle l'entendait.

« Tu me dis si ça t'arrache le cul de venir ici Oly, je ne t'obligeais à rien...

— Quoi ? Tu te fous de moi Ange ? J'suis ici parce que premièrement, j'ai donné ma parole. De plus, ils n'étaient pas tous terribles ! J'fais des efforts et tu le sais qu'ils ne sont pas le public avec lequel je suis le plus à l'aise. Pourquoi tu m'attrapes dès le matin comme ça ? Si tu veux me dire quelque chose dis le moi clairement.

— Demain après-midi tu viens avec moi ? »

Ange croisa les bras sur sa poitrine, adoptant une position stricte devant sa petite-amie pour tenter de la faire réagir.

« Demain ? De quoi tu parles ?

— Putain j'en étais sûre ! Franchement j'commence sérieusement à me dire qu'est-ce qu'on fout encore ensemble Oly !

— T'es pas un peu extrémiste là ? Tu ne m'as pas envoyé un seul message ces derniers jours ! Quand une personne nous manque on lui dit, on n'attend pas dans son coin en lui crachant tous les défauts du monde dans l'espoir qu'elle fera de son mieux ! En tout cas, ça ne fonctionne pas sur moi. J'suis pas ta petite Ange, alors s'il faut que ça se finisse comme ça parce que t'es pas foutue capable de comprendre que mon quotidien change avec mon nouveau contrat, j'peux rien pour toi. T'as toujours été au courant de mon rêve d'artiste, c'est juste purement égoïste de ta part de m'en vouloir parce qu'il commence enfin à se réaliser. »

Ange s'accablait de son propre comportement, elle réalisait que sa possessivité amenait une véritable animosité entre elles. Le sacrifice n'était qu'un mot qu'Ange connaissait, elle ne réalisait que très lentement qu'elle entrait dans cette notion de perte, la perte d'une personne qu'elle aimait. Bien que ce ne soit pas au sens littéral, Ange ressentit une peur viscérale de perdre Oly. D'une manière ou d'une autre, Ange apparaîtra comme un lointain souvenir dans le périple de sa copine, car la vie d'artiste se couvrait de rencontres toutes aussi atypiques les unes des autres. C'était la vision qu'Ange nourrissait depuis la signature du contrat d'Oly, ce qu'ignorait la concernée, c'était ce qu'Ange craignait le plus profondément.

Oly l'ignorait. Elle ignorait les plus profondes insécurités de sa copine.

De ce fait, elle réagissait sur la défensive, qui à ses yeux lui paraissait justifiée car Oly aussi voulait se protéger psychologiquement de l'intensité de leur relation. Sans s'en rendre compte, les deux femmes agissaient en étant dictées par leur mécanisme de protection, comportement purement humain et légitime d'un être ne souhaitant pas ou peu souffrir.  



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