Bungou Stray Dogs x OC // Alter Ego (Tome I)

Chapitre 3

-S'il-vous-plaît, père. Je vous demande simplement de pouvoir me laisser me rendre une ville qui m'attire tout particulièrement, et que je sais pleine de ressources utiles pour notre famille.

A force de rester dans cette demeure, elle était parvenue à augmenter considérablement son niveau de langue. Et cela faisait la grande fierté de ses parents, eux qui n'avaient eu que des enfants aux propos barbares jusqu'ici.

Son père, un homme imposant de par sa taille et de par sa prestance, la toisait du regard, ce regard argenté où brûlait un feu de détermination et de supériorité en permanence, et même si elle ne pouvait pas le voir elle pouvait le sentir l'observer. Yui, si elle avait été quelque peu intimidée par cet homme à son arrivée dans cette maison, ne l'était plus au jour d'aujourd'hui.

Elle se comportait extrêmement bien, répondant aux moindres exigences de ses parents, et en particulier de son père, aux cheveux poivre et sel parfaitement coiffés. Elle se trouvait actuellement dans le bureau de ce dernier, debout, les mains superposées sur le devant de sa jupe, ce qui lui donnait une prestance presque aristocratique. Le dos droit, un sourire de convenance sur ses lèvres, la jeune femme attendait patiemment la réponse de son père, son cœur battant un peu plus rapidement que la normale.

Le silence qui s'éternisait ne faisait qu'augmenter l'angoisse dont elle était victime. Puis, enfin, elle entendit son père ouvrir la bouche, répondant de sa voix autoritaire habituelle.

-Je suppose que tes efforts doivent être récompensés par quelque chose, déclara-t-il, faisant éclater un sentiment de joie à l'intérieur de Yui. Mais je ne veux pas que y aille pour faire du simple tourisme, ma fille. J'ai deux conditions ; si tu les remplis, je t'autoriserai à partir.

Les choses n'allaient pas se dérouler aussi facilement, mais la jeune fille l'avait pressenti. Elle cohabitait depuis suffisamment longtemps avec cet homme pour savoir que le mot "vacances" n'était pas dans son vocabulaire. Et que le mot "profit" détenait une place toute particulière.

-Je vous écoute, père, répondit Yui d'une voix douce, presque angélique.

Elle entendit le grincement du cuir, signe que l'homme devant elle s'était appuyé contre le dossier de sa chaise.

-Premièrement, je veux que tu amènes ta domestique avec toi. Et, deuxièmement, je veux que tu puisses nouer des liens avec une entreprise en particulier, que j'ai déjà essayé de contacter sans qu'ils ne me répondent de façon positive. Le fait de les avoir comme alliés serait hautement bénéfique pour nous, que ce soit en termes de profits ou d'influence.

Elle distingua le sourire dans la voix de son père, sans même avoir besoin de le voir.

-Tu sais garder un secret ma fille, n'est-ce pas? C'est ainsi que je t'ai éduquée après tout.

Yui se contenta d'hocher la tête de haut en bas, approuvant silencieusement les dires de son père, comme pour lui confirmer qu'elle serait muette comme une tombe. Durant les deux années précédentes, elle avait été formée pour reprendre un jour l'entreprise de ses parents, et était de ce fait au courant de nombre de choses hautement confidentielles.

Mais ce qu'elle s'apprêtait à apprendre dans l'immédiat eut sur elle l'effet d'un coup de poing.

-Cette entreprise a pour nom la Mafia Portuaire. Je vais t'arranger un rendez-vous avec l'un de leurs dirigeants, alors tu n'as pas à t'inquiéter de cela. Fais-leur juste comprendre à quel point nous pourrions profiter l'un de l'autre si seulement nous pouvions nouer un contrat. Ils n'ont pas accepté la première fois, mais depuis leur situation a légèrement changé.  Je suis certain que la donne ne sera pas la même qu'autrefois.

La jeune femme resta immobile de longues secondes, avant de se reprendre, affichant comme toujours un sourire de convenance qui dissimulait ses émois intérieurs.

Elle accepta les conditions de son père, même si elles étaient... spéciales. Mais, si elle pouvait profiter de ce voyage pour aller rencontrer les détectives qu'elle recherchait depuis tout ce temps, alors tout irait pour le mieux. La seule problématique allait être la domestique chargée de l'accompagner.

Cette dernière allait très certainement être sommée de rapporter ses moindres faits et gestes à ses parents, en particulier son père, comme il en était déjà le cas à longueur de journée. Comment allait-elle pouvoir s'éclipser et aller à la rencontre des membres de cette fameuse agence?

Elle avait déjà une petite idée, de toute manière, se dit-elle en sortant du bureau, s'inclinant gracieusement, les portes se refermant derrière elle sans un bruit. Sa canne en main, elle remonta les longs couloirs menant à sa chambre, dans laquelle elle vint s'allonger sur son lit, épuisée par les cours qu'elle avait eu toute la journée durant, et bien entendu la conversation avec son père.

La journée était loin d'être terminée pour elle. Non seulement parce qu'un certain bal de charité l'attendait dans quelques heures à peine, mais également car elle devait désormais préparer une partie de son futur voyage "d'affaires". C'était la première fois depuis son arrivée dans cette demeure qu'elle allait pouvoir sortir de Tokyo, et elle se sentait étrangement excitée à cette perspective.

Même si cette histoire de Mafia Portuaire ne l'enthousiasmait pas le moins du monde. Pourquoi son père voulait-il travailler avec une telle entreprise, au juste? Au fond, elle savait pourquoi, et cela la rendait légèrement anxieuse.

Sa famille et eux avaient de nombreuses choses en commun. Et, comme l'avait si bien dit son père, les deux entreprises pouvaient s'entendre sur nombre de choses. C'était à elle de bien choisir ses mots, de taire ce qui ne devait pas être dit ou de souligner les différents avantages, afin de signer un contrat qui jouerait en la faveur de la famille Uemura, sa famille adoptive.

Elle avait eu assez de cours, d'expériences et d'observations pour réussir à se débrouiller seule pour ce genre de chose. Son père ne pouvait faire confiance à personne pour un travail pareil, pas même à ses collaborateurs, vu le risque qu'impliquait un contrat pareil. Tout devait se passer dans le secret le plus total, sous peine de voir des conséquences désastreuses arriver.

Yui avait déjà réalisé des contrats auparavant, avec de grands groupes qui étaient aujourd'hui des clients, des collaborateurs ou même des fournisseurs. Ce n'était qu'un simple déroulement des choses que son père lui confie une telle tâche, que lui-même n'avait pas su concrétiser, à son grand désespoir.

La jeune femme était consciente que faire ce que son père attendait d'elle l'éloignait toujours plus de sa quête ultime. Mais, au fond d'elle, elle savait que ce n'était que l'histoire de quelques années tout au plus. Le fait d'aller trouver cette Agence de Détectives allait être une étape décisive, elle le savait.

Elle se redressa prestement lorsqu'elle écouta quelqu'un frapper à sa porte, maudissant le geste brusque qui lui avait donné des vertiges soudains, et intima à la personne d'entrer. Sans surprise, elle reconnu le pas de sa domestique personnelle, Aiko, qui était sans aucun doute là pour la préparer pour le bal de ce soir.

Docilement, Yui se laissa habiller, toujours avec cette fringance richissime qu'elle ne pouvait voir, et avec cette longue natte qui était drapée sur son épaule, noué par un ruban en satin d'une couleur qui allait certainement de pair avec le reste de ses vêtements, une robe tout aussi lourde et encombrante que les précédentes.

-Je serai celle qui vous accompagnera pour votre voyage d'affaires, Mademoiselle.

Les nouvelles allaient vite dans cette maison, et son père était très largement connu pour son efficacité à toute épreuve. A l'heure actuelle, le rendez-vous avec la Mafia était sûrement déjà fixé, l'hôtel dans lequel elle allait résider déjà privatisé, et le voyage aller-retour déjà organisé.

Elle n'avait plus qu'à suivre les flots qui l'amèneraient une fois de plus vers une destination bien définie, sans possibilité de faire une halte ou de prendre un autre chemin.

Enfin, ça... C'est ce qu'ils croyaient, pensa Yui en se relevant du siège sur lequel elle était assise, sa robe traînant gracieusement derrière elle.