Chapitre 1

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-Ce sera ta maison à partir d'aujourd'hui.

Cette phrase, elle l'avait déjà entendue par le passé. Elle y était habituée, désormais. Et ces quelques mots avaient progressivement perdu de leur saveur, pour ne devenir que des paroles creuses, sans réelle signification.

Mais, comme elle l'avait appris, parfois à ses dépends, elle se contentait de sourire, d'un sourire tout aussi dénué de sens. A force, elle était parvenue à mentir sur ses sentiments presque aussi facilement qu'elle respirait, et était devenue experte dans l'art du secret. Du mensonge.

De toute manière, elle ne pouvait pas voir ces personnes qui étaient supposément sa nouvelle famille. Un bandeau noir recouvrait hermétiquement ses yeux, l'empêchant d'apercevoir quoi que ce soit du monde extérieur à l'obscurité de ses rétines. Résultat de sa vue perdue il y a déjà bien longtemps.

Comme d'habitude, l'adolescente de quinze ans était coiffée d'une tresse drapée sur son épaule droite, lui arrivant un peu plus en-dessous de la poitrine. Désormais vêtue d'un tissu extrêmement doux, et qui avait l'air incroyablement cher, elle avait dit adieu à ses anciens vêtements rapiécés de toujours, ce qui n'était pas une si mauvaise chose en soi.

Ce qui la dérangeait, c'était le fait que ces vêtements représentaient bon nombre de choses pour elle. Mais, comme de nombreuses fois auparavant, on ne lui avait pas laissé le choix. La liberté?

On lui avait déjà appris que ce n'était rien de plus qu'une utopie irréalisable. Et, même si elle finissait malgré tout par trouver ce qu'elle cherchait tant, à quoi cela servirait-il, si elle ne pouvait pas contempler ce qu'elle avait obtenu?

Elle ne méritait pas une telle chose, de toute manière. Une fille de quinze années seulement, qui avait déjà du sang sur les mains. Qui voudrait lui accorder la liberté qu'elle recherchait tant, après tout?

Dans ce genre de moments, elle ne pouvait s'empêcher de se demander si sa mère avait également ressenti cela. La sensation d'être sans cesse balloté par les flots déchainés, sans un espoir d'un jour pouvoir s'en extirper.

Cette liberté qu'elle n'avait jamais pu trouver encore aujourd'hui.

Son sourire se crispa légèrement, alors qu'elle repensait à cette époque qu'elle aurait peut-être préféré oublier, si on lui avait laissé le choix. Sa nouvelle famille ne paru pas s'en apercevoir, cependant, puisque les pas devant elle continuèrent aussi tranquillement que précédemment, une démarche à la fois élégante et autoritaire.

Apparemment, c'était son nouveau père, qui lui faisait visiter quelques pièces de sa nouvelle demeure gigantesque. Lorsqu'on lui avait demandé si elle avait besoin d'aide, puisqu'elle ne pouvait rien voir, elle avait gentiment répondu qu'elle pouvait parfaitement se repérer dans l'espace avec ses propres moyens, et ce même si elle ne distinguait rien des alentours.

Elle avait encore ses oreilles, son nez, son toucher et son cerveau pour se situer, même dans un environnement inconnu. Elle comptait les pas qu'elle faisait, les mémorisait, et s'aidait d'une canne pour apprécier les distances, les gravant à tout jamais dans ses souvenirs, afin de pouvoir se débrouiller toute seule aujourd'hui et surtout demain.

Ainsi, elle parvenait sans mal à suivre son nouveau père, qui lui expliquait d'une voix grave certains prérequis indispensables à sa future vie en ces lieux, alors même qu'elle n'était jamais venue ici. Elle avait déjà retenu combien de pas il lui fallait pour aller du hall d'entrée au salon, à la salle à manger, à la salle de bain, et bien entendu jusqu'à sa chambre.

De ce qu'elle pouvait sentir et entendre, la maison était effectivement gigantesque. Le bruit de leurs chaussures était certes étouffé par le tapis moelleux qui recouvrait le long couloir sans fin, mais elle pouvait sans aucun doute l'affirmer. Leurs voix résonnaient étonnamment bien, témoignant encore une fois de la grandeur de l'endroit.

Bungou Stray Dogs x OC // Alter Ego (Tome I)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant