Bungou Stray Dogs x OC // Alter Ego (Tome I)

Chapitre 13

Ne pas connaître l'identité de son interlocuteur était quelque chose qu'elle n'appréciait pas vraiment, ironiquement. Mais, pour cette fois-ci, elle avait fait une exception. Sans nom, aucun moyen pour son père de faire une recherche sur cet homme inconnu, et aucun moyen de se rendre compte du métier que ce dernier pratiquait réellement.

Un étranger en tous points, avec qui elle n'avait apparemment aucun lien.

L'Agence avait été à la hauteur de ses attentes, c'était le cas de dire. Non seulement car elle était parvenue à déchiffrer l'intégralité de sa petite lettre, de l'écriture en braille jusqu'aux instructions du rendez-vous (déduisant avec brio que leur potentielle cliente était aveugle), mais également car le détective qu'elle avait rencontré avait été assez malin pour comprendre sa situation, somme toute délicate.

Cet homme à la voix légèrement grave, mais qui possédait des intonations plus aigues lorsqu'il racontait quelque chose d'amusant (c'était du moins ce qu'il prétendait avec succès auprès des autres), il lui avait semblé très intelligent. La confortant dans ses décisions : cette Agence était celle qui lui fallait, que ce soit pour mener à bien sa requête ou même pour garder tout ceci secret.

Ce détective avait deviné qu'elle était surveillée, qu'elle parlait par des chemins détournés, et si tout allait bien il s'était également rendu compte de ce qu'elle avait caché sous le banc à son arrivée dans le parc.

Elle n'avait pas eu besoin d'insister de trop pour convaincre ses gardes du corps d'aller dans cet endroit bondé, leur rappelant gentiment que son père, leur employeur, l'avait autorisée à prendre une journée de congés. Même si elle n'en avait jamais eu depuis son adoption, elle savait ce que cela signifiait : pouvoir faire ce qu'elle voulait.

Et elle avait voulu se rendre à ce parc en particulier, alors personne n'avait eu son mot à dire. Lorsque le détective s'était assis, agissant comme un passant ordinaire, elle avait bien senti que ses gardes s'étaient agités. Mais elle leur avait fait comprendre d'un geste de la main que leur présence n'était pas souhaitée, du moins pas plus que nécessaire.

Ils avaient déjà écouté le moindre mot de leur conversation pleine de sous-entendus, c'était déjà suffisant, non? Surtout que, elle le savait parfaitement, cette petite "rencontre fortuite" allait être remontée jusqu'aux oreilles de son père, car jugée assez importante pour que leur patron soit au courant.

C'était peut-être pour cette raison que, depuis plus de deux ans, Yui n'avait jamais eu un seul ami? En plus de paraître inaccessible à cause du statut de sa famille, de sa vie contrôlée dans les moindres aspects et de ses cours exclusivement à domicile, bien évidemment. Qui serait assez fou pour risquer de contrarier un membre de la tant redoutée, et paradoxalement si respectée, famille Uemura?

Hormis des connaissances superficielles et des clients, qu'elle reconnaissaient exclusivement à la voix, elle ne côtoyait personne, en dehors de sa famille et de ses domestiques. Alors, dans un sens, cette petite conversation, même si elle était montée de toutes pièces et anonyme, lui avait fait un bien fou.

Une joie qui s'était bien vite fanée lorsque la sonnerie stridente de son téléphone avait retenti dans le parc rempli de passants et de gaité. Un vulgaire et horrible bruit de réveil typique, qui représentait parfaitement le sentiment qu'elle avait en décrochant, une fois qu'elle avait pris congé du détective.

Seulement, comme d'habitude, ces quelques sentiments se retrouvèrent enfouis au fond d'elle, alors qu'elle laissait un faux sourire poindre sur ses lèvres.

Elle s'assura que plus personne ne se trouvait aux alentours, indiquant à ses gardes de surveiller que son appel ne tombe pas dans des oreilles indiscrètes, avant de parler.