UN PEU DE CHALEUR

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Chapitre 28 : Un peu de chaleur

Vendredi 30 avril

"Tu vois la réplique de Roméo juste avant celle que j'ai dite ? Demanda Tenshi en fixant le ridicule bout de soleil qui restait.

-Pas vraiment, je ne connais pas tout par cœur.

-Roméo dit : Elle parle. Oh, parle encore, ange lumineux, car tu es aussi resplendissante, au‑dessus de moi dans la nuit, que l'aile d'un messager du Paradis quand il paraît aux yeux blancs de surprise des mortels, qui renversent la tête pour mieux le voir enfourcher les nuages aux paresseuses dérives et voguer, sur les eaux calmes du ciel.

-Et... Ça signifie quoi ?"

Il tourna la tête vers moi puis m'adressa un sourire timide avant de se tourner et prendre son sac à dos. Il m'ignorait encore et ça me rendait furieux quand il faisait des trucs comme ça. Soit il ne disait rien, soit il disait tout, mais rester vague me frustrait plus qu'autre chose. Tenshi sortit une grosse couverture coralline et l'étala soigneusement sur l'herbe en tassant les parties mal équilibrées. Il s'asseya dessus et m'invita à le rejoindre, ce que je fis immédiatement.

"Il y a quoi dans ton sac ? Lui demandai-je en lui faisant signe de la tête.

-Une couverture.

-C'est tout ?

-Oui je n'ai pris que le nécessaire. Répondit-il naïvement. Et toi ? Tu as quoi dans ton sac ?

-Oh hum, quelques vêtements, des affaires de toilettes, un peu d'argent, mes clés, carte de bus, carte d'invalidité~

-T'as une carte de handicap !? Me demanda-t-il surpris.

-Bah évidemment pourquoi ?

-Je n'en ai jamais eu moi. Répliqua-t-il avec une petite moue.

-Tu te doutes bien qu'être en phase terminale ce n'est pas rien.

-Phase terminal ?

-Yep. Et je ne sais toujours pas comment j'ai fait pour y échapper. Lui avouai-je en regardant le ciel. Des fois... Je me dis... que c'est trop beau pour être vrai et que tout ça n'est qu'un rêve. Faudrait p't'être que je me réveille un jour. Fis-je en riant jaune. Je me réveillerais pouf dans mon lit et... Rien de ce qui est arrivé dans cet hôpital n'a existé.

-...

-...

-Je pense la même chose. Moi aussi au fond de moi, j'espère que tout ça est un mauvais rêve qui se terminera vite." Lâcha-t-il sur un ton grave.

Je tournai la tête vers lui et me mordis les lèvres, Tenshi posa ses yeux clairs sur les miens puis rougissa comme une tomate. Il joua avec ses doigts quelques secondes avant de venir subitement poser ses lèvres contre les miennes. Ses baisers étaient tout doux et lents, c'était clairement une tuerie et je crois que j'y serais rapidement addict. En plus de ça, cette sensation d'apaisement et de légèreté s'amplifièrent grâce à cette impression que mon sang devenait du coton, des papillons dans mon ventre et de son odeur qui me rendait totalement fou. À peine je réalisai, que je sentis sa langue entrer dans ma bouche et ses paumes gelées se caler sur ma mâchoire. Je ne bougeai plus puis glissai lentement ma main dans ses cheveux blancs en intensifiant le baiser. Il se retira presque aussitôt, ultra gêné puis il se blottissa contre moins afin de se cacher. Je ne le pensais pas aussi rétreint pour un simple baiser, mais je trouvais ça vraiment mignon.

"Ce n'est pas un si mauvais rêve que ça." Lui déclarai-je d'une voix douce tout en passant ma main dans ses cheveux pâles.

Je le sentis sourire puis il resserra son emprise sur moi en collant davantage son visage contre mon torse. Un vent glacial balaya la falaise et je me mis à trembler en cherchant le peu de chaleur sur le corps de Tenshi. Voyant que je commençais à avoir froid, il proposa qu'on sorte sa deuxième grosse couette afin qu'on s'y réfugie dessous. Ce n'était pas comme si on était juste en avril, et qu'on dormirait à la belle étoile au bord de la mer. Il sortit alors une deuxième couverture de son sac puis on se blottit dedans, l'un contre l'autre, se couvrant du vent frais qui nous brûlait les joues. Mister Jack Frost s'allongea sur le dos puis contempla les étoiles juste au-dessus de nous. Je souriai bêtement et fis de même. Il n'y avait que lui et moi face à ce néant, à ce vide astral, à cette mer d'étoiles. Il n'y avait que l'infiniment grand régnant sur l'infiniment petit, nous deux.

"Il doit être vraiment tard s'il fait nuit. Constata-t-il en commençant un conciliabule.

-Surement entre vingt-et-une heure trente et vingt-deux heures.

-Tu ferais mieux de dormir maintenant si tu veux qu'on se lève à la première heure demain pour visiter un nouvel endroit.

-On ira où ?

-On verra bien." Finissa-t-il en se tournant de l'autre sens.

Je me mordis nerveusement les lèvres puis me tourna du côté opposé à mon tour. J'étais assez frustré, je m'attendais à ce qu'on parle toute la nuit de tout et de rien, qu'on fasse l'amour au bord de cette falaise sous les étoiles, qu'on aille se promener ou seulement juste un baiser de bonne nuit, mais rien. Il s'était juste tourné et il ne faisait plus un bruit. Je changeai rapidement de côté puis admirai son dos. Je sentais son odeur méllifluente jusqu'ici. J'avais envie de toucher sa peau blanche. J'hésita quelques secondes puis approcha finalement ma main vers lui, je passai mes doigts sous sa chemise puis les posèrent sur son corps.

Il ne réagissait pas, comme s'il savait d'avance ce que j'allais faire. Je fixai avec insistance le morceau de tissu que je relevais, puis je vis finalement une parcelle de sa peau. Encore plus blanche que la neige, on y voyait ses veines bleues et violettes serpenter le long de son corps. Je remontai ma main le long de sa colonne où les vertèbres ressortaient tellement que ça faisait des bosses sous la pulpe de mes doigts. Je vrillai sur le côté et sentis chacune de ses côtes, une, deux, trois, quatre, cinq... Je stoppai ma trajectoire en me remettant en tête qu'il me mentait. Il était malade. Je soufflai en silence puis je traçai une ligne droite en partant de ses côtes droites à celles de gauche. Mais avant d'arriver au bout, Tenshi se retourna subitement en m'attrapant la main.

Ses yeux bleus glace me fixaient avec insistance et je n'arrivais pas à comprendre quel message il voulait me faire passer mais je compris rapidement que je devais arrêter ce que j'étais en train de faire.

"Qu'est-ce que tu fais Eden ? Me demanda-t-il simplement d'une voix calme.

-Hum... Tu veux vraiment qu'on dorme ?

-Pourquoi ? Tu voudrais qu'on fasse quoi, on est au milieu de nulle part...

-Je ne sais pas... À toi de me dire."
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~Eden - Tenshi~

Qui sont les vivants ?Où les histoires vivent. Découvrez maintenant