Chapitre 12

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Grace

— C'est l'heure des jeux ! annonce Didi dès le dessert terminé.

— Trop cool ! s'exclame Cassidy.

— Désolée, ma chérie, interviens-je, il est déjà tard et, toi, tu as collège demain. Il est l'heure que tu ailles te coucher.

— Naaan, c'est pas juste ! se lamente-t-elle en me jetant un regard suppliant.

— Je suis navrée, mais tu as manqué trop de cours pour arriver en mode koala.

— Écoute, on a prévu notre soirée comédies musicales vendredi, mais on peut s'en planifier une autre, samedi, propose Didi. Tu choisiras les jeux que tu voudras.

— Et on achètera une montagne de popcorn et de crème glacée, ajouté-je.

— OK, bafouille Cassidy à contrecœur.

— Allez, viens là ! dis-je en lui ouvrant les bras.

Petite, Cassidy était un véritable pot de colle. Malgré sa retenue des derniers jours, elle se pend à mon cou et m'embrasse un peu plus longtemps que nécessaire. Je devine son étreinte raidie qu'elle lutte contre ses émotions.

— Je t'aime, tu sais, lui murmuré-je à l'oreille.

— Je t'aime aussi.

— Bonne nuit, Cassidy, déclare Didi avant de lui tendre la joue. Dors bien, ma belle.

— Bonne nuit, renchérit Jay.

Je suis des yeux Cassidy tandis qu'elle s'éloigne, l'air trop sérieux pour son âge. Je souhaiterais effacer ses angoisses, mais tant que nous ne saurons pas où crèche Beverly, je doute de pouvoir l'apaiser.

— Bon ! s'exclame Didi. À nous, maintenant ! On joue à quoi ?

— Pas de « jeu à boire de Bob », cette fois, précise Jay avec une grimace penaude. Didi enfile les verres comme une véritable... pro.

— Tu allais dire ivrogne, pas vrai ? ricane-t-elle.

— Je n'oserai pas, grande sœur, même s'il est avéré que tu tiens l'alcool bien mieux que le pire des soulards.

— L'une de mes nombreuses qualités ! fanfaronne-t-elle. Mais à ce petit jeu, Grace me bat à plates coutures !

Jay me décoche un regard indolent, plus moqueur que véritablement surpris. Comme à chaque fois que toute son attention se concentre sur moi, ma peau se couvre de délicieux frissons.

— Vraiment ? J'aimerais bien voir ça, tiens !

J'ai trop bu ces derniers mois pour que le goût de l'alcool ne se répande pas dans ma bouche à ce simple défi. Je crispe les poings, éperonnée par une soif qui me dessèche la gorge. Résister à la tentation n'a jamais été aussi difficile, peut-être parce que cette addiction effaçait une bonne partie de mes angoisses et que je voudrais me couler de nouveau dans les brumes de cette paix factice.

— Emmy, mentionné-je d'une voix enrouée. Pas d'alcool, donc.

— De toute façon, moi, j'ai envie de musique ! intervient Didi, comme si elle avait perçu mon malaise. Ça vous dirait un quizz musical ? Évidemment, il faut un enjeu pour rendre la partie intéressante.

Ma gêne se dissipe sous un éclat de rire spontané. Didi perd rarement quand la mise en vaut la peine, et elle est la spécialiste des gages les plus débiles. C'est à cause d'elle que je me suis retrouvée à déambuler dans les rues de Falcon Creek affublée d'une crinière hirsute en chantant à tue-tête « I just can't wait to be king ».

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