Chapitre 5

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5.Grace

L'homme en face de moi a beau être ultra canon, il me tape sur les nerfs. Un sentiment que je suis incapable de m'expliquer alors qu'il me sourit avec un air séducteur qui distille des frissons sous ma peau. C'est probablement pour cette mimique à damner un saint que je ne bouge pas quand il incline la tête pour m'embrasser. J'entrouvre les lèvres et... merde ! C'est quoi ce baiser baveux ?

Je sursaute lorsque mon bellâtre commence à me lécher le nez et les joues. Sérieux ? Mais d'où il sort ce type ?

De tes rêves, idiote ! braille une voix dans ma tête.

Il me faut une seconde pour enregistrer l'information et émerger du sommeil. Un sommeil qui, sur le petit matin, a bazardé mes terreurs nocturnes pour prendre un tournant plus... sensuel.

Je cligne des yeux, perplexe, et tressaille lorsqu'une masse marron/beige, étrangement poilue, apparaît dans mon champ de vision. Les battements de mon cœur s'accélèrent tandis que je bondis sur mon séant, chassant l'indésirable bestiole qui s'est invitée dans mes rêves... et chez moi.

Une chèvre... Oui, parce qu'il s'agit bien d'une chèvre, ne paraît pas déstabilisée par mon cri strident ou mon indignation. Au contraire même. Elle me détaille avec paresse, tout en mordillant le bout de ma couverture. Et, cerise sur le gâteau de cette rencontre improbable, une poule blanche campe sur son échine.

Interloquée, je me pince le bras pour vérifier que je suis bien réveillée.

— Merde ! grommelé-je quand la douleur me tire des derniers lambeaux du sommeil.

Ma visiteuse surprise secoue la tête, comme si elle se moquait de moi, et bêle une sorte de rire démoniaque. Tout ça sous l'œil placide de la poule sur son dos. Une poule qui écarte brutalement ses ailes lorsqu'un bruit de moto vrombit à l'extérieur.

Inquiète à l'idée que Cassidy et Emmy se réveillent après notre nuit entrecoupée de biberons et de cauchemars, je me saisis de mes béquilles et clopine jusqu'à l'entrée, sans prendre le temps d'enfiler ma prothèse. Avec mon pantalon de jogging, de toute façon, ma jambe reste adroitement dissimulée, si ce n'est le tissu ballant dans le vide au niveau de mon mollet droit.

La porte est entrouverte et laisse filtrer la luminosité d'un matin ensoleillé. La chèvre est évidemment passée par là. Je n'ai pas réussi à refermer le battant hier soir, et les chaises entassées devant le trou béant ont été bousculées. Je me renfrogne à l'idée que ce tintamarre ne m'a même pas tiré du sommeil. Pour moi qui sursaute au moindre son, c'est carrément la loose !

Une moto est garée devant le perron, son conducteur occupé à ôter son casque. Mais c'est son étrange side-car qui retient mon attention. Si le bolide a plutôt des lignes élancées, voir racées, la carriole qui y est accrochée tient de la loufoquerie. De la forme d'une cuve, elle est montée sur de larges roues qui ne parviennent pas à faire oublier les pochoirs sur le métal. Des fleurs ultras colorées ornent toute la surface, comme si elles voulaient cacher les traces d'usure et la vétusté de la machine.

— Salut, entonne le motard, une main enfouie dans son épaisse chevelure brune pour ébouriffer ses mèches. Je suis Hunter Lucas, votre voisin. Je suis désolé de vous déranger, mais...

Hunter Lucas... Je me souviens de son nom, évidemment, même si je ne l'ai jamais rencontré. Quand j'ai dû me résoudre à vendre des parcelles pour payer ses parts du manoir à Beverly, j'ai été très exigeante sur l'acheteur potentiel. Hunter Lucas était un ancien vétéran, membre du corps des marines, veuf depuis peu, et il souhaitait s'installer dans un coin tranquille pour élever quelques têtes de bétail. Ça m'a paru être le candidat idéal pour respecter les hectares de nature que je lui confiais.

Beyond the rulesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant