Beyond the rules

Chapitre 11

11.Grace

— Dinde farcie, gratin de légumes au fromage, purée de panais et tarte aux noix de pécan ? Tu sais que Thanksgiving, ce n'est que dans un mois et demi ? énoncé-je en contemplant, ahurie, les préparations en cours de Didi.

Cassidy ne partage pas mes réticences. Un large sourire sur le visage, elle s'occupe de laver les cranberries, les lèvres rouges de celles qu'elle a déjà gobées.

— C'est trop cool, me lance-t-elle en balayant une mèche de ses cheveux derrière son oreille. On va même faire des cocktails !

— Sans alcool, précise Didi en malaxant sa farce. Et, pour ta gouverne, on n'a pas fêté Thanksgiving ensemble depuis... une éternité ! Alors on en a quelques-uns à rattraper !

Je lève les bras de désappointement, même si, au fond, l'idée me plaît bien. J'en oublie que je ne suis pas ravie à la perspective que Jay se joigne à nous.

— OK, dis-je en retroussant mes manches. Qu'est-ce que tu veux que je fasse ?

— Rien ! Ou plutôt, si ! Va donc te relaxer dans un bon bain, le temps qu'on termine ici.

— Emmy va bientôt se réveiller et...

— On gérera ! File et fais-toi belle. N'oublie pas que nous avons un invité. Un invité très spécial, ajoute-t-elle avec un clin d'œil significatif.

— Ah ! Ah ! Très drôle. Tu me revaudras ça, cupcake !

— Tu sais que vos planètes sont parfaitement alignées ? C'est un signe, ça !

Je lui tire la langue en guise représailles, mais décide de suivre son conseil. Je ne me suis pas offert le luxe d'un long bain moussant depuis... trop longtemps pour que cette perspective ne m'enchante pas. Le rire de Didi résonne encore dans mon dos lorsque je m'attaque à l'escalier. Une gageure qui me sera épargnée à la fin des travaux, puisque Finn doit m'installer une douche dans ma chambre au rez-de-chaussée. Selon les médecins, je devrais pourtant être capable d'affronter ce genre d'obstacles. Peut-être que je devrais songer à reprendre ma rééducation, au risque, sinon, de me retrouver avec un étage inutilisé... Une préoccupation que je renvoie dans les méandres de mon esprit, dans la case des « non prioritaires ».

Des trois salles de bains disponibles, je choisis celle nantie de la plus grande baignoire. Montée sur pied, cette dernière servait à l'usage exclusif de ma mère. La nostalgie m'étreint devant la collection de ses flacons de parfum. Les bouteilles sont encore à moitié pleines, vestige d'une autre époque. C'est sans regret, pourtant, que je les fourre dans la poubelle. Je traîne assez de fantômes pour ne pas m'encombrer de ceux de mon passé.

Lorsque je redescends, une heure plus tard, les muscles détendus et délicieusement huilés, je me sens parée pour profiter d'une bonne soirée. Peu importe l'ombre de mes cauchemars et de mes douleurs, je suis décidé à m'accorder un moment dénué de tensions. Et si Didi compte me fourrer Jay dans les pattes, elle va vite comprendre que je ne suis pas intéressée. Ni même tentée !

Ouep ! Ouep ! Ouep ! se moque une petite voix dans ma tête.

— Hum ! Ça sent bon, ici, déclaré-je en rejoignant la cuisine.

— Je prends le compliment, même si je n'y suis pour rien, me répond un Jay au sourire décapant. Enfin, sauf si tu considères qu'arroser la dinde en berçant une jolie petite princesse relève du chalenge. Perso, je dirai que oui, mais je m'en voudrais de passer pour un mec imbu et prétentieux.

Aucune méprise possible, vu son expression espiègle. Génial ! Après la version bon Samaritain, voici la version clownesque. Je ne devrais pas être étonnée ; après tout, c'est le frère de Didi, non ? Je grimace, ma bonne humeur menaçant de s'évanouir devant cette avalanche de... de quoi d'ailleurs ? De sexy attitude craquante ?