Chapitre 2

27 6 0
                                    

Chapitre 2

— Ah ! Eileen, tu es rentrée ! Comment vas-tu, minaÿ ? l'accueillit son parent au visage fardé.

Depuis sa toute petite enfance, ses géniteurs s'occupaient d'elle à tour de rôle, car les hermas n'éprouvaient aucun sentiment particulier d'attachement les uns pour les autres, si ce n'était un minimum de camaraderie voire d'affections. Aussi, ne ressentaient-ils pas le besoin de partager une intimité, un quotidien. Cette semaine, c'était Valônn qui s'occupait d'elle et Kirshôn ne faisait que des apparitions éclair dans la soirée, pour ensuite retourner chez lui.

Minaÿ... se répéta-t-elle, intérieurement.

Elle ne méritait plus ce terme affectueux. Bien que cela soit rare, on l'utilisait pour les hermaphrodites, or elle n'en était plus un, l'avait-elle seulement été ? Bientôt, elle ferait partie, de façon officielle, de ces rares personnes rejetées de la société. Elle savait qu'être née femme était la pire chose qui pouvait lui arriver. Elles étaient plus faibles et bien souvent on les tuait avant qu'elles ne puissent prouver le contraire.

Si au moins elle avait pu obtenir plus de gamètes mâles, elle aurait peut-être pu espérer vivre une vie meilleure. Les mâles avaient plus de force, paraissait-il et plutôt que de les anéantir, on les esclavageait jusqu'à qu'ils meurent de façon naturelle. Cependant, elle n'en avait jamais vu par ici et personne dans les villages alentour n'avait mentionné que des maâlins mâles y avaient survécu. Cela ne lui laissait que très peu de chances de trouver celui qui pouvait s'allier à elle... De toute façon, les gens se comportaient comme les derniers des rustres dans ces contrées à l'écart de toute civilisation, alors cela ne l'étonnait guère. Si d'autres maâlins étaient nés pas très loin, soit ils avaient réussi à fuir, soit ils s'étaient fait tuer lors de leur dixième année osangus.

— Minaÿ ? insista Valônn.

Elle haussa ses frêles épaules et croisa son regard. Il était installé sur un siège à bascule, fabriqué dans un bois noir et velouté. Un tapis fait d'écorce de chaâz recouvrait le sol, dans un dégradé de vert et de cyan. Leur demeure était construite dans du verre de cristallite, dans lequel la lumière du jour était conservée et s'échappait naturellement. Ils n'avaient donc pas besoin de lampe, de bougie ni de feu pour s'éclairer.

— J'ai peur, avoua-t-elle.

Elle passa ses doigts le long du mur frais et délicat, en avançant d'un pas mal assuré. Valônn s'élança et la pressa contre lui, car il savait qu'en tant que maâlin, elle avait besoin de témoignages d'affection différents d'eux, les hermas.

— Minaÿ, ne pleure pas. Tout ira bien ! On t'aidera à trouver ton symbiote, tu ne mourras pas ! Kirshôn et moi te l'avons promis !

C'est bien ça qui la préoccupait. Elle ne voulait pas être forcée de choisir le premier venu pour vivre en bonne santé et heureuse ! Quelle injuste conception de la vie ! Eileen respira l'odeur de son parent afin de penser à autre chose. Elle n'était quand même pas suicidaire, n'est-ce pas ?

Valônn portait une tunique lacée sur les côtés, d'une couleur bleu-gris. Elle contrastait légèrement avec sa peau translucide comme du verre, dont la couleur variait en fonction de son exposition au soleil. Ses cheveux tiraient vers le gris et étaient coupés court, comme la plupart de ses contemporains hermaphrodites. En sentant le corps plat et complètement différent de son aîné, Eileen rejeta cet élan d'affection et fit trois pas en arrière.

— Arrête... je... ne mérite pas que tu m'accordes une telle tendresse. Je ne suis qu'une femme à présent et nous devons nous y faire.

— Mais qu'est-ce que tu racontes, mon enfant ?

L'éveil d'EileenOù les histoires vivent. Découvrez maintenant