Chapitre 4
Cela faisait plusieurs heures qu'elle avait quitté son village et ses parents ; bien que personne d'autre ne lui manquât là-bas, elle regrettait déjà d'être loin de sa famille. Son cœur se comprimait à mesure qu'elle s'éloignait des seuls alliés qu'elle avait connus. C'était peut-être la meilleure décision pour eux, mais la plus dangereuse pour elle. Elle en avait pleinement conscience.
Les bois dénudés aux teintes chocolat s'éparpillaient dans un désordre presque structuré. La neve saupoudrait le sol comme du sucre glace sur un moelleux gâteau. Les arbres, revêtus de feuilles émeraudes, bleues et blanches, venaient habiller ce décor glacial et funeste. Il régnait en ce lieu une pesanteur et une légèreté qui se mêlaient à la perfection. Entre inquiétude et paix, Eileen ne savait quoi choisir. Quel sentiment l'emporterait au final ? Elle n'en avait aucune idée, mais la prudence était de mise.
La terre mouillée exhalait une forte odeur, mais Eileen parvenait à sentir les effluves d'une verdure fraîchement coupée et des notes plus parfumées qu'elle ne sut identifier. Même si la température n'était pas plus fraîche que son corps, elle ressentit le froid pour la première fois de sa vie. Mais elle savait très bien que c'était la peur qui la faisait frissonner.
Les brindilles craquaient sous ses pas et parfois, elle confondait ce bruit avec les douleurs de son corps. Il lui arrivait de percevoir des mouvements à travers les branches ou derrière les troncs, mais chaque fois, elle doutait que cela soit dû à son imagination. Elle avait beaucoup de mal à s'orienter et la pénombre augmentait à mesure qu'elle avançait. Plus elle s'engouffrait, plus la végétation était recouverte de cette poudreuse opalescente que les courants d'air qui traversaient la forêt faisaient s'envoler. Quelques cristaux de quartz ambré ou de topaze dorée grimpaient sur les arbres séculaires qui poussaient de travers. Leurs branches retombaient avec grâce et leur bout arrondi, d'une teinte mauve, balayait la poudreuse sur le sol.
Ils dégageaient à la fois force et fragilité, tout comme les anciens qui venaient de la capitale chaque année, à l'allure chétive, mais à l'esprit ardent ; faible et robuste à la fois. Tout comme ces arbres, ces personnes âgées, étaient les témoins vivants d'une histoire riche et ils renfermaient en leur sein des trésors inestimables dont la beauté ne pouvait être révélée qu'en creusant.
Eileen expira. Obtiendrait-elle la chance de vivre jusqu'à l'âge de la sagesse, elle aussi ? Deviendrait-elle l'héroïne de sa vie ou resterait-elle une éternelle victime ?
La brume lapis-lazuli chassa ses sombres pensées. Elle chatouillait les branches et virevoltait autour d'elle, comme une amie joueuse et indomptable. Elle avait envie d'y mêler ses doigts, de la respirer et de se laisser totalement envoûter par celle-ci. Encore une fois, elle guidait son chemin, alors, sans crainte, elle la suivit.
Mais petit à petit, elle ne put empêcher son esprit de divaguer à nouveau et des doutes s'infiltrèrent en elle. Qu'est-ce qui lui avait pris ? Pourquoi venait-elle se perdre ici ? La mort l'attendait à chaque tournant, car la forêt regorgeait de dangers inimaginables. Pourtant, elle espérait au fond d'elle que d'autres dans son cas avaient eu la même réaction. Cet instinct de survie les pousserait à chercher l'être aimé, même dans les lieux les plus inhospitaliers possibles. A moins qu'ils aient commis la même erreur que la princesse guerrière ?
Son ventre gargouillait depuis dix minutes, elle décida donc de s'installer sur la souche d'une plante verte. Elle balaya de ses doigts la neve et prit place. Elle sortit les maigres vivres qu'elle avait emmenés et les ingéra avec une extrême lenteur, car même mâcher lui était devenu difficile. Elle ne put contenir ses larmes plus longtemps. A présent, la détresse de son âme s'entendait jusqu'à l'autre bout des bois. Elle passa ses doigts sur sa figure pour vérifier que son maquillage n'avait pas coulé, par chance, elle l'avait bien réussi et la matière tenait.
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L'éveil d'Eileen
FantasyQuand trouver l'amour est votre seule chance de survie... Dans un monde dirigé par un peuple hermaphrodite, où aimer est une notion anormale et répugnante, survivre est un véritable défi pour les maâlins de naissance. Ces êtres ne ressemblent en rie...