— Non ! Je ne suis pas d'accord !
Eileen sursauta dans son lit et la couverture tomba de ses épaules. Qui venait de crier ainsi ? Son cœur battait à toute vitesse d'avoir été réveillé par ces cris. Elle coiffa ses mèches bleues en tendant l'oreille.
— Je ne veux pas attendre une minute de plus ! Je dois sauver ma sœur, Hérick !
— Tu sais bien que rester quelques jours de plus ne va pas la tuer, Oksana !
Une violente dispute sévissait entre les amoureux. Eileen n'osait pas venir voir, mais sa curiosité la poussa tout de même à se lever et s'approcher de la porte, afin de ne pas en perdre une miette. Elle fut étonnée de ressentir, tout juste, quelques courbatures quand elle fit ces quelques pas. Sa sœur lui avait dit vrai, être à ses côtés avait le pouvoir magique d'alléger son fardeau.
Quelle chance de l'avoir retrouvée ! Le bonheur qu'elle ressentait était aussi agréable que de pouvoir bouger sans douleur.
— S'il te plaît, Oksana, reprit la voix calme d'Hérick. J'ai besoin de retrouver mes amis. Ils sont comme mes frères. Tu devrais me comprendre plus que quiconque, enfin !
— Je... je sais... balbutia la voix enrouée d'Oksana. Mais...
— Quelques jours de plus dans la forêt d'Akalandra, ce n'est pas la mort quand même ! En plus, on ne peut pas repartir comme si de rien n'était. Voyager jusqu'à Zami ne sera pas de tout repos, tu devrais prendre le temps d'enseigner à ta sœur comment survivre ici. Elle a failli se faire dévorer par des nitudilas, je te signale ! Mets ce temps à profit ! Apprends-lui des techniques de chasse et de défense ! J'ai envoyé un message à mes amis, je suis certain qu'ils me retrouveront !
— Mais ce sont nos ennemis... comment peux-tu les appeler ainsi ?
Eileen passa un œil dans l'entrebâillement de la porte. Elle vit Hérick attraper le visage de sa femme entre ses mains. Il lui jura :
— Je t'assure qu'ils sont très différents ! Nous pouvons avoir confiance en eux ! Je les connais depuis que je suis né !
— Bon, très bien.
Alors ils s'embrassèrent sous le regard curieux d'Eileen. La douceur de leurs gestes lui fit chaud au cœur. Elle recula à pas feutrés et retourna dans son lit. Elle s'allongea quelques minutes. Maintenant que le calme était revenu, elle mit ce temps de solitude à profit pour réfléchir à tout ce qui venait de se passer.
Elle avait une sœur jumelle. Tous les maâlins devaient en avoir, mais la plupart mouraient dans l'ignorance. Quelle torture que de goûter à la vie et à la mort en même temps. Cela expliquait les terribles souffrances qui s'ensuivaient pour le restant de leurs vies. Ce sentiment de solitude disproportionné que celui de leurs contemporains, ce besoin de fusion, leur douleur dans la poitrine, à l'estomac et dans le cœur. Cette impression qu'un morceau de soi n'existe pas, ce vide impossible à remplir.
Mais voilà, sa sœur à elle était vivante. Des larmes de joie perlèrent de ses yeux noirs. Elle fit une brève prière de reconnaissance à qui voudrait bien l'entendre. Les étoiles peut-être ?
Dire que ses parents avaient tout fait pour qu'Oksana meurre, mais ils n'y étaient pas parvenus, grâce au Rebel de la forêt. Le cerveau d'Eileen tournait à mille à l'heure et comme ses douleurs ne l'empêchaient pas de réfléchir, elle réalisa soudain que quelque chose n'était pas logique ! Comment le Rebel avait-il fait pour sauver sa sœur ? Il aurait fallu attendre sa naissance et d'ici là, Valônn et Kirshôn auraient très bien pu l'assassiner.
Décidée à tirer toute cette histoire au clair, elle sauta du lit et retourna dans la seule pièce à vivre de la petite cabane.
Hérick était sorti, seule Oksana se trouvait en cuisine.
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L'éveil d'Eileen
FantasyQuand trouver l'amour est votre seule chance de survie... Dans un monde dirigé par un peuple hermaphrodite, où aimer est une notion anormale et répugnante, survivre est un véritable défi pour les maâlins de naissance. Ces êtres ne ressemblent en rie...