L'éveil d'Eileen

Chapitre 5

Voilà qu'Eileen se retrouvait de nouveau seule et sans défense. Peut-être aurait-elle dû se montrer plus avenante envers cet herma ? Non ! Mieux vaut être seule que mal accompagné ! Maintenant, elle allait devoir apprendre à survivre dans cette jungle. Si d'autres avaient réussi avant elle, pourquoi ne le pourrait-elle pas ? Même cet herma y était parvenu, alors que... tiens ? Mais oui ! Est-ce qu'il vivait vraiment dans cette forêt lui aussi ? Pourtant, ils détestaient tous cet endroit ! Aucun ne s'y enfonçait de trop. Ils la redoutaient ! Il n'y avait que des fous comme elle, qui pouvaient tout tenter pour survivre.

Elle secoua sa tête et ses pensées se confondirent les unes aux autres. L'heure n'était pas à la réflexion. Son instinct de survie prit le dessus et elle se remit sur ses jambes. Elle avait mal dans tous ses muscles, mais cela ne l'empêchait pas de marcher. Aussi, elle se força à avancer. Il fallait qu'elle trouve un refuge et tandis qu'elle espérait voir cette même brume lapi-lazuli pour la guider, elle sentit quelque chose ou plutôt quelqu'un qui l'observait. Des frissons parcoururent sa peau de cristal et une crainte s'empara d'elle. Elle jetait des coups d'œil devant, derrière, sur les côtés, mais n'aperçut rien qui prenne la forme d'un être vivant. Peut-être commençait-elle à devenir paranoïaque en plus de tous ses problèmes existants ?

Elle leva le nez en l'air, mais le ciel était dégagé et aucun brouillard bleuté ne flottait entre les arbres. Elle se sentit trahie et abandonnée ! Non, mais elle était complètement folle ! Son manque d'affection était tel, qu'elle s'attachait à un nuage inanimé. Elle se cogna le front avec la paume de la main. Peut-être lui avait-elle donné naissance par la simple force de son imagination et cette chose n'existait même pas !

Elle grogna :

— Troek ! Qu'est-ce que je fais ?

Elle choisit de s'enfoncer davantage au cœur de la forêt, en espérant ne pas rencontrer un autre de ces monstres baveux. Son corps était encore secoué par cette dernière rencontre. Cet herma l'avait vraiment sauvé ? Si oui, pourquoi ? Sa nature curieuse regretta de ne pas le lui avoir demandé. A force de s'attendre à être agressée, peut-être avait-elle tiré trop vite les mauvaises conclusions ?

Grrr !

C'était trop tard, maintenant !

Elle pesta contre elle-même. Elle ne l'avait même pas remercié et même si cela lui avait paru la meilleure chose à faire sur l'instant, elle était tout de même prise de remords. Ce n'était pas son genre de se montrer si dure. Il ne fallait pas qu'elle devienne aussi mauvaise qu'eux. Leur méchanceté n'était pas une bonne raison pour éteindre sa propre gentillesse. Elle nota cette idée dans un coin de sa tête.

Maintenant elle se retrouvait de nouveau seule et de toute évidence, cette forêt regorgeait bel et bien de nombreux dangers. Elle décida de chercher une cachette pour la nuit. Demain, elle parcourrait les bois près des villages voisins, à la recherche de... Mais à quoi pensait-elle ? Elle devait arrêter de se leurrer. Elle était complètement perdue et ne savait pas comment s'y prendre. Tout s'était passé trop vite, il fallait qu'elle se pose, qu'elle respire et qu'elle passe une nuit en restant en vie. Demain le soleil brillerait, comme chaque jour, et une nouvelle chance de survivre s'offrirait à elle.

Tandis qu'elle cherchait un endroit sécurisé pour passer la nuit, elle croisa le chemin de quelques animaux. Après ce qu'elle venait de vivre, elle craignait chaque vie, même la plus inoffensive. Le moindre petit bruit lui tordait les boyaux. Elle ne cessait de vérifier derrière elle et à travers les bois épais de la forêt que rien ne risquait de l'attaquer.

Elle croisa une bestiole, au nez allongé, qui se mouvait sur ses deux pattes arrière. Sa taille n'était pas impressionnante, son corps devait faire la taille de son bras. Sa fourrure était épaisse et tachetée de zébrures foncées, de sa queue jusqu'au bout de nez pointu et moustachu. Eileen se stoppa, le cœur battant, et croisa son regard au sien intrigué. Elle pencha la tête sur la gauche puis sur la droite en détaillant la jeune femme de haut en bas. Puis, cette petite bête repartit fureter et grimpa même aux arbres avec agilité.