Chapitre 10

9 5 0
                                    


Le lendemain matin, bien que les deux sœurs se soient "querellées" la veille, Eileen se réveilla sans douleur, preuve qu'Oksana avait passé quelques heures à ses côtés, encore. La jeune femme en fut plus que touchée. Elle avait enfin trouvé quelqu'un prêt à la soutenir. Cela la fit réfléchir... Quels sacrifices avait dû faire Oksana pour venir la retrouver ? Elle espérait qu'ils ne furent pas trop nombreux, autrement la culpabilité l'achèverait.

Avant de rejoindre les autres dans la pièce à vivre elle croisa Rôn qui l'interpella :

— Bonjour, minaÿ ! Bien dormi ?

Il lui offrit un clin d'œil et l'invita à le suivre.

— Ne m'appelle pas comme ça, bredouilla-t-elle.

— Pourquoi ?

— Je ne suis pas un herma...

— Alors il faut qu'on te trouve un petit surnom tout mignon, spécialement pour toi !

— Ça n'existe pas dans la langue des hermas, bougonna-t-elle.

Il réfléchit en fronçant les sourcils.

— Viens prendre un petit-déjeuner avec nous, ma belle ! l'invita-t-il.

Elle arqua un sourcil et son humeur se troubla. Jamais les hermas n'avaient fait de compliment sur le physique d'un autre puisque de toute manière ils se ressemblaient tous ! Parfois ils se félicitaient pour le maquillage de l'un ou la maison de l'autre en parlant de l'esthétique, mais qu'on la considère elle comme jolie lui réchauffa le cœur. Elle esquissa un timide sourire et Rôn s'écria, avec des gestes théâtraux :

— Wah ! Que dis-je, pas belle, mais magnifique ! Somptueuse !

Il réussit à décrocher un rire chez Eileen, qui pouffa comme une petite fille. Ses joues allaient en rougissant derrière les rosaces magentas et turquoises sur son visage. Il était sincère et c'était cela le plus étonnant... qu'un herma se comporte avec spontanéité et amabilité ne cessait de la surprendre.

— Tu n'as jamais vu mon visage démaquillé, comment tu peux dire ça ? tenta-t-elle de répondre en reprenant contenance malgré tout.

Elle ne voulait pas y croire. Elle n'était pas belle, elle était une erreur de la nature. C'est avec cette idée qu'elle avait grandi et elle mettrait sûrement longtemps à penser différemment.

— Pas la peine ! Je vois bien que les traits de ton petit minois sont dessinés avec plus de finesse que les nôtres et tes yeux étincellent ! Je suis sûr qu'ils brillent dans le noir même !

— Tu es vraiment gentil, Rôn... murmura-t-elle, sans oser le regarder.

Il s'approcha avec des pas mesurés, comme s'il craignait d'effrayer un animal sauvage.

— Vraiment tu trouves ? Pourtant, je...

Il s'interrompit en apercevant les yeux humides de la jeune femme. Il fronça les sourcils et s'installa à côté d'elle sur le matelas.

— On t'a fait beaucoup de mal avant de venir ici, c'est ça ?

Elle hocha la tête. Ron lui sourit avec tendresse puis lui attrapa la main qu'il caressa avec douceur, telle une invitation à s'exprimer.

— Lorsque j'ai eu dix ans, mes parents semblaient déterminés à montrer à tous que j'étais une femme. Ma façon de m'habiller et de me maquiller a radicalement changé du jour au lendemain. Ils n'avaient pas honte de moi, mais...

— Oui ?

— Mais j'aurai préféré qu'ils me cachent ! Comme tu t'en doutes, on m'a rabaissé plus bas que terre un nombre incalculable de fois. On a même essayé de me tuer.

L'éveil d'EileenOù les histoires vivent. Découvrez maintenant