Jusqu'à la fin de l'été...

Chapitre 1

L'été après la dernière année de lycée a toujours une ambiance particulière. Souvent on se sépare de gens qu'on a vu presque tous les jours pendant des années et on ne les reverra jamais. Les amitiés qui survivront à cette étape cruciale dureront peut-être toute la vie.

Mais avant la fin de l'été, tout peut changer.

...

- Je te dis que je vais en cours demain, tu devrais venir il y aura sûrement tout le monde, je suis sûre qu'il ne manquera que toi, disait Joy en posant le téléphone en haut-parleur à côté d'elle pour libérer ses mains.

Quand Eddy l'appelait le soir comme ça, ça pouvait durer des heures. Elle avait pris l'habitude de regarder ses vidéos de true crime sans le son, uniquement avec les sous-titres. Elle ne retenait quasiment rien de ces histoires, n'en voyant que la moitié, trop occupée à discuter avec son meilleur ami jusqu'à s'endormir avant de raccrocher. Ils n'avaient pourtant qu'une rue à traverser. Ils auraient pu les regarder ensemble ces enquêtes. Mais Eddy détestait ça. Il ne savait pas rester sagement devant un écran plus de 5 minutes si rien n'explosait ou si personne ne criait. Combien de fois avaient ils débattu tous les deux sur qui regardait le moins pire ? Entre l'un qui adorait voir des gens se faire découper à la tronçonneuse et l'autre qui se passionnait pour des faits certes moins hollywoodiens mais bien réels.

Ce soir-là Eddy finit par céder. Il lui promit de venir pour le tout dernier jour de cours même s'il n'avait qu'une envie, c'était d'entamer enfin ses vacances. Les dernières. Il était entendu avec son frère qu'il rejoindrait l'entreprise familiale dès la rentrée pour offrir à son père l'occasion de prendre sa retraite. Une longue carrière de charpentier l'attendait, ça ne l'enchantait pas tellement. Il n'avait aucune passion pour les charpentes ou les chalets préfabriqués. Mais il n'était pas très courageux et se laissait souvent placer là où on voulait bien le mettre sans avoir à choisir lui-même. Et puis il n'avait pas l'impression d'avoir son mot à dire.

Pas comme Joy qui ne laissait personne lui imposer quoi que ce soit. Elle avait passé les dernières semaines à réaménager le van de ses parents pour y vivre. Elle voulait partir sur les routes sans projet précis et juste voir ce qu'il y avait ailleurs. Loin, aussi loin que possible. L'adolescente avait autant la bougeotte que ses parents. Ces derniers n'hésitaient plus à partir plusieurs semaines en voyage en lui laissant les clés de la maison. Elle avait même 1 an de plus que ses camarades parce que sa famille était arrivée en ville alors qu'elle avait 10 ans. Et comme elle n'avait connu que l'école à la maison avec des parents pour qui l'école n'était qu'une option, elle avait pris un peu de retard. Très vite rattrapé.

Pour les deux amis c'était le destin. Une classe de différence aurait pu les empêcher leur amitié.

...

Le lendemain, elle attendait appuyée contre la voiture de son ami devant chez lui, qu'il sorte de sa maison. Quand il daigna enfin se montrer, en t-shirt blanc sur un short gris les épaules basses et les mains dans les poches, elle trépignait comme tous les autres matins où elle craignait d'être en retard.

- Allez dépêche !

- Mais on s'en fout, c'est le dernier jour.

- Justement c'est important, on va sûrement jamais revoir tout le monde !

- On va les voir tout l'été...