Chapitre 9

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- Avec Joy, waw, je l'ai pas vu venir, s'amusa Hugo assis à côté de son frère.

Ils s'étaient mis à l'ombre contre le mur encore brut de la maison en chantier pour manger leurs sandwich. Et Eddy avait fini par dire à son grand frère ce qui le rendait si pensif et souriant.

- C'était pas Elsa la fille qui te plaisait ?

- Je l'ai pas vu venir non plus mais maintenant, je vois rien d'autre.

- Profite tant que ça dure, conclut son aîné en s'appuyant lourdement sur son genou pour se relever.

Il faisait exprès, trente ans c'était pas si vieux. Et une fois debout, il leva les yeux vers le toit, ils avançaient vite, plus vite que prévu. Avant de se lever, Eddy vérifia son téléphone. Elle lui avait répondu. Depuis ce matin ils se parlaient comme avant, c'est leur façon de ressentir chaque mot qui était nouvelle.

- J'ai envie d'un kebab, avait répondu Joy quand il lui avait demandé ce qu'elle voulait manger ce soir.

- On peut pas manger un kebab comme premier rencard.

- Qui a dit ça ?

- Choisis autre chose.

- Un maxi kebab ?

Il riait, elle était tellement bornée.

- Le restaurant italien ? proposa Eddy.

- Donc pour toi des pâtes ça passe, mais un kebab non.

- Tu mangeras les pâtes bien plus proprement, je pense à ta fierté, négocia-t-il.

- Tu m'as pourtant déjà vue manger des pâtes au pesto, tu m'as appelé Hulk pendant des semaines après.

Il s'en souvenait et ça le faisait toujours autant marrer.

- Ok, sushis alors ? tenta-t-il.

- Y'en a jamais assez, on devra quand-même se prendre un kebab après.

- La soirée n'en sera que plus longue, envoya-t-il.

Elle lui répondit avec un gif de célébration pour seule réponse, parce que l'idée de faire durer la soirée lui plaisait autant que de gagner pour le kebab. Et il rangea son portable pour le reste de la journée. Finalement c'était juste la même relation qu'avant, en mieux. Ça pouvait être aussi simple et facile, il en était certain.

...

Elsa envoya un message sur le groupe qu'elle partageait avec ses amies en acceptant de les rejoindre plus tard dans l'après-midi. Il était déjà presque 13h et le bras de Mahdi était toujours enroulé autour de son ventre, comme ils s'étaient endormis hier. Elle n'oserait en parler à personne, même s'il ne s'était rien passé, rien de compromettant.

Quand Théo était revenu hier soir, parce qu'il avait oublié son téléphone, elle avait hésité à saisir l'occasion de se sauver avec lui. Si la soirée avait déjà été plus que surprenante, une fois qu'elle s'était retrouvée seule avec Mahdi, tout était parti en « cacahuète » comme disait sa mère.

Rien qu'y penser faisait accélérer son pouls dans ses veines.

Elle l'avait regardé fermer la porte d'entrée derrière ses amis, perdant lentement la maîtrise de sa respiration. Et il était revenu vers elle en mettant ses mains dans les poches de son short jusqu'à s'arrêter devant elle. Mahdi s'était déjà retrouvé tout seul avec une fille qui lui plaisait, c'était un peu le but de la manœuvre quand l'attirance était réciproque. Pourtant elle était là, et il se sentait comme un enfant timide qui ne sait plus quoi dire.

- Et maintenant ? dit-il pour lui demander ce qu'elle voulait faire du reste de la soirée.

- J'aurai peut-être dû partir avec eux en fait...

- Je peux te ramener chez toi si tu n'es vraiment pas à l'aise avec moi, je peux le comprendre.

- C'est juste que je fais jamais ça, je suis jamais la fille qui reste avec le mec à la fin.

- C'était pas écrit dans tes livres ? plaisanta t-il pour la détendre.

- Si, c'est tout le temps écrit dans mes livres mais ça me donne toujours pas la marche à suivre.

- Je peux faire une proposition ?

Il se rapprocha jusqu'à l'obliger à pencher sa tête en arrière pour le regarder.

Elle fit oui, en déglutissant.

- On va regarder un film, celui que tu veux, tu continueras à te moquer gentiment de moi et je vais adorer ça comme depuis tout à l'heure et quand tu seras fatiguée tu décideras si tu veux rentrer ou si tu veux dormir ici, toute seule, parce que je dormirai dans le canapé et tu prendras ma chambre. OK ?

C'était à nouveau oui. Sauf qu'aucun des deux ne semblait vouloir bouger pour suivre le programme. Elsa ne sentait même plus ses jambes, elle flottait. Son regard allait de sa bouche à ses yeux sans savoir sur quoi se fixer. Et lui de se mouiller les lèvres en essayant de respecter sa promesse.

- Je t'embrasserai pas Elsa, murmura-t-il alors qu'il en crevait d'envie.

- Moi non plus, dit-elle se hissant irrémédiablement sur la pointe des pieds.

Il se pencha en avant parce qu'il ne savait pas s'en empêcher. Mais il ferma les yeux en luttant intérieurement pour la laisser choisir. Si elle ne le voulait pas, alors ça ne se passerait pas. Les paupières closes, il ne vit pas combien leurs visages étaient proches tant elle s'était approchée. Il ne devina que son souffle chaud sur sa peau, que la brûlure sur sa lèvre inférieure, avant que quelqu'un ne sonne à la porte.

- C'est encore moi, avait lancé Théo, j'ai oublié mon portable !

- Ah, vas-y , le laissa passer Mahdi en ouvrant grand la porte.

- Elsa tu veux que je te dépose du coup ? s'enquit le jeune homme en passant devant elle sans se rendre compte de la tension palpable.

- Tu habites pas du même côté...

- Non mais je peux faire le détour.

Il criait ça depuis la terrasse. Et elle cherchait ce qu'elle devait décider dans le regard de Mahdi. Il se frotta le bas du visage, sentant ses lèvres fourmiller d'un acte manqué et tourna la tête pour la fuir. Peut-être que c'était mieux qu'elle rentre chez elle ?

- Alors ?

Théo attendait sa réponse, prêt à repartir.

- Je vais la déposer, décida Mahdi, t'inquiète.

Et le jeune homme se rendit enfin compte de ce qui pesait dans l'air. Entre un Mahdi qui se grattait nerveusement la nuque et une Elsa qui s'empourprait.

- Bonne nuit alors, fit-il en se sauvant littéralement pour ne pas plus les interrompre.

- C'est plus moi qui décide ? demanda alors Elsa en le rejoignant près de la porte ouverte.

- Il est pas encore parti... répondit Mahdi en se rapprochant jusqu'à ce qu'elle recule contre le mur.

Elle n'essayait même pas de lui cacher son stress, entamant un semblant d'exercice de respiration en posant sa main contre le ventre du jeune homme pour imposer une distance aussi infime soit-elle. Et après quelques secondes, entendant le moteur s'éloigner, elle demanda :

- Et maintenant, il est parti ?

Mahdi ferma la porte pour seule réponse sans cesser de la dévorer des yeux. Elsa n'avait absolument aucune idée de ce qu'elle faisait. Ce matin elle avait un mec en tête, un garçon qui l'avait tenue en haleine pendant pratiquement un an sans jamais, pas une seule fois, lui faire ressentir aussi fort ce qu'elle ressentait à cet instant avec Mahdi. Ce presque inconnu qu'elle avait croisé mille fois sans le voir alors que maintenant ses yeux ne savaient plus s'en détacher.

Jusqu'à la fin de l'été...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant