Mon soleil, bonjour. Même si ce jour n’est pas bon. Comment vas-tu, même si la réponse m'est égale. Excuse ces platitudes. Je ne sais pas de quelle manière commencer ce long laïus.
Longtemps, avec toutes les mauvaises excuses du monde, j’ai retardé ce moment. J’aurais dû le faire à l'oral face à toi, avec mes yeux ou mes gestes quand ma voix se coupait. J’aurais dû le faire par écrit quand je connaissais encore ton adresse, ou quand je n'avais pas encore supprimé ton numéro de mon répertoire, de ma vie. J’aurais dû affronter ton jugement au lieu de l’anticiper, au lieu d’imaginer tes réactions. Incidemment, l'expérience m'a montré que la réalité n'est jamais aussi affreuse que les possibilités que m'impose mon imagination pessimiste. Je n’aurais pas dû me faire peur en pensant que tu ne pouvais que me rejeter. Quinze ans plus tard, cette seule pensée me perturbe encore. Pourtant, j’ai enfin intégré le fait que même venant de toi, le rejet me serait bien égal à présent. Mon masque obéissant et gentil n’est pas plus aimé, mon armure reluisante n'est pas plus admirée, mon langage humble n'est pas plus accepté, ma tête baissée n'est pas moins moquée. Alors à quoi bon m’obstiner à cet effort ? La fatigue et l’indifférence m'ont finalement aidé à m’accepter, sans plus chercher à être aimé pour ce que je ne suis pas. Alors je décide de jeter ce personnage plus acceptable par la société. Ma véritable personnalité semble plus respectée. Quelle ironie ! Un connard poli semble mieux traité qu'une personne bienveillante qui essaye d’écouter son prochain, quitte à se taire et à se perdre elle-même.
Mon soleil, tu ne connais pas cette personne. Tu ne connaissais que l’immature qui s’accrochait à toi puis te fuyait. Qui te réclamait des mots d’amour avant de te reprocher de ne pas les mettre davantage en pratique. Dont tu recherchais l'originalité sans accepter les différences. Que tu rabrouais quand il ne pouvait plus vivre loin de toi.
Sans toi, j'ai cru grandir. Cet inconnu raisonnable, mesuré, est l’individu que j’étais devenu après ton départ puis ton retour éhonté. En rejetant tes bras, j'ai cru me respecter. En fuyant ton souvenir, je pensais avancer. En persistant à nier nos sentiments, je croyais pouvoir t’oublier. En contrôlant toute ma personnalité, j'ai essayé de me comporter mieux, d’apprendre de mes erreurs. Pour ne plus jamais ressentir cet ouragan d'agonie. Il me donnait envie d’arracher mon cœur qui t'abritait, de griffer ma cervelle qui te conservait, de détruire ce corps qui t'avait accueilli. De couvrir le mirage de ton odeur avec les fumées de cigarettes. De brouiller les images de toi au fond des verres de shot alignés. De disperser la familiarité de ta chaleur avec celle d'inconnus. De réduire au silence le fantôme de tes « mon amour » grâce au brouhaha des fêtards. En te détestant, je me haïssais moins. Seule la colère a maintenu mon cœur au bord du ravin. Elle a empêché ma chute. En revanche, elle m'a noyé. Trempé de compromis, submergé de fausses certitudes. Elle m'a étourdi de promesses jamais réalisées, de lendemains inexistants, de solitudes partagées.
J’aurais dû accepter cette tristesse déchirante au lieu de la nier pendant si longtemps. Seulement l’année dernière, caché dans le silence de la nuit, ai-je pu murmurer à ton spectre « Pourquoi m'as-tu abandonné ? »
Il est trop tard pour obtenir la réponse. Il est peut-être trop tard pour que tu me reconnaisses seulement. Mon esprit argumente que tu n'as pas pu m’oublier. Mon âme dans sa grotte tremble en pensant que si.
Un jour, plutôt que te parler avec des mots perdus dans l’océan binaire, je voudrais avoir l’occasion de te voir. De t’expliquer pourquoi je faisais des plaisanteries stupides pour ne pas hurler. Pourquoi je riais pour ne pas pleurer. Pourquoi j’aurais voulu t’offrir cette normalité qu'on ne pouvait atteindre ensemble.
Pour le moment, je peux seulement t’écrire : Je suis désolé de t’avoir fait souffrir. Je suis encore fâché contre toi, contre nous, pour la façon dont nous avons conclu notre histoire. Mais enfin, je peux le dire de façon sincère : Merci pour ces moments d’éternité. Je suis heureux de les avoir partagés avec toi, mon soleil, même si mes ailes ont brûlé. On n’aime pour la première fois qu’une seule fois.
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Chat-pitre 2
RandomParce que le précédent rantbook aura bientôt un an, et que ses 200 chapitres ont presque tous été utilisés ; parce que je rends hommage à cet animal décalé qu'était mon chat ; parce que les stats semblent indiquer que ma vie suscite plus de lectures...