Dixième chapitre

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« - Érèbe ? »


Lorsque j'essayais de comprendre la situation, ma tête se mettait à tambouriner tellement fort que je devais fermer les yeux plusieurs secondes avant de les rouvrir. J'observais ma nouvelle amie qui s'était endormie sur sa chaise, comme beaucoup d'autres enfants autour de nous. Moi aussi je voulais dormir, mais je n'y arrivais pas. J'étais beaucoup trop excité pour ça. L'univers avait entendu mon vœu de m'emmener le plus loin possible de chez moi.

La porte s'ouvrit dans un fracas qui réveilla tous les enfants de la salle. Je reconnaissais un des messieurs qui m'avait fait jouer à pleins de jeux différents. Ma nouvelle amie Gaïa m'avait dit qu'elle aussi avait dû jouer. Elle semblait avoir oublié tout ce qui venait de se passer avant notre arrivé ici. Alors je lui avais expliqué que nous avions voyagés dans un vaisseau spatial mais elle ne m'avait pas cru. Les autres enfants non plus d'ailleurs.

- Les enfants que j'appellerai devrons me suivre. Les autres resterons ici.

L'homme appela beaucoup d'enfants. Et lorsque Gaïa fut appelée, elle m'attrapa la main et la serra fort.

- Gaïa Gabrieli, répéta l'homme d'un air mécontent.

- Elle veut rester avec moi, expliquai-je.

- Ce n'est pas vous qui choisissez !

L'homme se dirigea vers nous en poussant quelques enfants sur son passage. Alors je fis ce que j'avais l'habitude de faire à la maison. Je me levais de mon siège et me plaçais devant ma nouvelle amie, empêchant l'homme de l'atteindre.

- On est tous les deux, criai-je.

L'homme s'arrêta devant moi, soupira et se pinça le nez quelques secondes.

Je n'allais pas abandonner Gaïa. Jamais. Nous nous étions rencontrés dans le vaisseau et même si elle ne s'en souvenait plus, on s'était promis de ne jamais se quitter. Quoi qu'il arrive.

J'observais le plafond de ma chambre d'hôtel depuis cinq bonnes minutes environs, nullement décidé à bouger dans les prochaines heures. Une partie de moi refusais encore de faire face au bordel qu'était devenue ma vie.

Comment les choses avaient-elles pu changer aussi vite ? Que c'était-il passé pour que la seule personne qui comptait le plus dans ma vie décide de partir vivre ailleurs sans m'en avertir ? J'avais tellement été dans le déni les premiers jours que je refusais de croire qu'elle était partie pour de bon. Je me disais qu'elle avait besoin d'espace, qu'elle finirait par revenir quoi qu'il arrive. Parce que je refusais de croire qu'elle serait capable de m'abandonner. Mais depuis que j'avais réalisé qu'elle ne comptait pas revenir, une boule s'était logée au travers de ma gorge et le sentiment de colère ne me lâchait pas. J'étais devenu distant avec le peu de personnes faisant encore partie de ma vie. Je ne ressentais plus le besoin de socialiser avec qui que ce soit. Et lorsque je n'en avais pas le choix, mon esprit fuyait la situation, m'emmenant souvent visiter des souvenirs du passé.

L'ironie de la situation était que j'étais capable de tout donner à une personne qui avait tout lâché en une fraction de seconde. Et ça faisait un mal de chien. Je me sentais à nouveau comme le petit garçon de six ans que j'avais un jour été, le cœur meurtri par le sentiment d'abandon de personnes qui comptaient le plus pour moi. Un sentiment, à l'époque, que je ressentais à longueur de journée tout en continuant à vivre avec les personnes en question.

Je n'aimais pas me remémorer le passé, en particulier celui-là, mais Gaïa m'y avait renvoyé contre mon gré.

Le claquement de la porte d'entrée résonna dans toute la maison, faisant trembler les fondations à tel point que cela me réveilla en sursaut. Cela faisait des années que je ne dormais que d'un œil, j'étais habitué. Je savais d'ores et déjà les évènements qui allaient suivre et j'en était terrifié. J'aurais voulu m'enfuir en courant, ou me cacher dans un trou, quelque part où personne ne pourrait plus jamais me retrouver. Je rêvais d'un jour où je n'aurais plus peur.

CADELLOù les histoires vivent. Découvrez maintenant