Le Joker courait à vive allure sur la même route qu'il avait empruntée avec ses compagnons quelques minutes plus tôt. L'inégalité des pierres ne semblait plus si terrible à présent, maintenant que l'adrénaline était en jeu. Le mécréant n'avait pas couru aussi vite depuis qu'il avait causé la panique au laboratoire de Double-Face en brisant le DimensionMatic.- Ah, cette belle époque où tout était si simple..., murmura-t-il en prenant son souffle, au coin d'une chaumière. Avec la manche de son costard violet, il s'essuya le front, puis reprit sa course avant de s'arrêter de nouveau en frottant le bout de ses talons sur le sol, tel un personnage de dessin animé. Le méchant palpa ses poches et se mit à avoir des sueurs froides dans la nuque.- La boîte à musique! Elle a dû tomber aux pieds d'Harley quand je suis parti de la mairie. Merde! Merde! MERDE!Le but même de la fuite du Joker était de profiter à lui seul des avantages incontestés de cet objet magique, puissant et surtout meurtrier. Bien qu'il aimait son petit arlequin de tout son cœur, elle pouvait parfois se révéler collante et omniprésente. Le Joker était un électron libre, un véritable chaos sur pattes. La stabilité ne lui convenait pas, tout comme le maire de cette ville cauchemardesque. Se faire contrôler par un stupide monstre qui fait une entrée aussi glauque et être acceuilli par un salaud en paille et un espèce de chose gluante et grise? Non merci! - Bon. On dirait bien qu'il va falloir que je me trouve un plan B.- EEEEEUUURRRGGGHHHH!Un long grognement venait de se faire entendre. Immanquablement surpris, le vilain se retourna, mais ne vit personne autour de lui. Sentant son cœur battre la chamade, il reprit sa course afin d'éviter de voir la chose qui avait produit ce son. Sous ses pieds, la continuelle brume commençait à se dissiper, laissant apparaître des flaques d'eau dans les pierres les plus plates. Comme tout bon physicien pourrait le confirmer, l'eau reflète des images avec la lumière. L'image que le Joker vit dans les flaques d'eau, c'était celle d'un dégoûtant corps en décomposition. Il fut si terrifié qu'il cessa de courir sur-le-champ, paralysé par le reflet du mort-vivant.- EEEEEAAAARRRRRGGGHHH!, dit le Zombie, derrière le clown. Ce grognement semblait vouloir dire : «Retourne-toi! J'ai besoin de te parler!»D'un mouvement lent et réfléchi, le méchant se retourna et remarqua avec horreur que le Zombie était à deux pouces de son visage. Il portait une tunique marron assortie avec un pantalon déchiré à de multiples endroits. Ses bottes noires semblaient parfaites pour se déplacer dans des forêts obscures, bien qu'elles aient perdu leurs semelles. Le pauvre monstre était dépourvu de son œil gauche, tandis que l'autre, globuleux, fixait le Joker avec attention.- AAAAEEEEERRRR!, hurla le mort-vivant, en ouvrant sa bouche où trônaient quelques dents solitaires.Le prince du crime fit la moue en reniflant l'odeur putride qui émanait de l'homme. Ce dernier pointa le cimetière au loin, au-dessus de l'épaule de l'intrus. Au bout du doigt cadavérique du Zombie se trouvait la tombe qu'avait malencontreusement détruite le Joker à son arrivée.- Oh, je vois. Vous devez être ce vagabond dont j'ai entendu parler par votre copain l'Épouvantail.- NNNNNOOOOONNNNN!, dit le Zombie en agitant la tête frénétiquement. C'était le premier mot humain qu'il prononçait depuis le début de la «conversation».- Ce n'est pas votre ami? Que faites-vous ici alors?- UUUUOOOORRRRGGGG!, s'époumena le monstre, revenant à ses cris habituels.«Mais qu'est-ce que je fais à l'écouter, lui?», se demanda le Joker. Au même moment, un ver rose sortit de l'orbite vide de son interlocuteur. Le méchant de bandes dessinées croyait devenir fou, car il pouvait jurer que le petit invertébré lui avait fait un signe de tête, avant de s'écraser sur la chaussure du Joker. En retenant un cri de dégoût, il récupéra l'animal du bout des doigts et le plaqua dans le visage du Zombie.- C'est assez! Vous me faites perdre mon temps! Ne vous demandez pas pourquoi on vous appelle le vagabond, vous êtes piètrement incapable de communiquer en plus! Hors de ma vue!D'un pas dramatique, il s'engouffra dans un tortueux passage qu'il ne connaissait nullement, prêt à affronter tout ce qui pourrait s'y trouver. Derrière lui, le ver glissa dans son orbite d'origine, puis se logea dans le cerveau décrépit du Zombie. Avec sa queue rosâtre, il frappa sur un neurone éteint. Le mort-vivant roula son unique oeil vers le haut et prononça ces mots : - Personne ici ne croira que j'ai besoin de leur aide.***Le Vampire, les deux pieds sur son bureau d'un bois aussi massif que celui composant la porte de la pièce, regardait les trois visiteurs de Monsterland. Ces derniers s'étaient installés dans les fauteuils de cuir de l'endroit, selon les directives du maire.- J'ai peut-être été trop dur à votre égard, minauda-t-il. C'est sûrement ce qui a fait fuir votre compagnon d'ailleurs.À cette mention, Harley se renfrogna et fut sur le point de se lever et de s'insurger, mais elle fut arrêtée par Hannah.- Voyons ce qu'il a à dire avant tout, chuchota-t-elle.Le maire prit une petite dague incrustée de topazes qui traînait sur son bureau et la fit rouler entre ses doigts. - Cet endroit a été réfléchi, créé, construit par mon unique génie. Tout a été prévu, jusqu'à la moindre pierre pointue des allées.- Mais quel choix horrible et si peu ergonomique!, explosa Harold. Vous ne savez vraiment pas faire la déco, visiblement.- HAROLD!, hurla Harley. Si je ne peux rien dire, tu te tais toi aussi.- Madame Quinn, laissez-le s'exprimer. Je vous déteste au plus profond de mon âme, mais j'adore vous entendre pour mon simple divertissement.- C'est MADEMOISELLE Quinn, espèce de mort-pas-vivant! Tes belles phrases sans aucun sens, tu peux les mettre dans...- Monsieur le maire?Harley, qui s'était levée debout sur son siège de cuir pour se révolter, se rassit poliment en voyant l'Alien au seuil du bureau.- Vraiment désolé, si désolé de vous déranger, mais.. elle demande à vous voir de nouveau.- Ce n'est pas vrai. Elle ne peut pas venir quand j'ai rien sur le feu, elle réserve ses visites uniquement quand j'ai les mains pleines d'intrus à gérer!L'Alien se mit à danser un pied sur l'autre, ne sachant pas quoi répondre à cette espèce de cri du cœur.- Dites-lui que j'arrive dans un instant.- Bien, bien. Encore une fois, si désolé, je-D'un mouvement de main, le Vampire fit claquer la porte. Harold leva la main.- Elle? Qui est «elle»? Une autre intruse?- Mêlez-vous de vos oignons. Écoutez-moi bien. Pendant les cinq minutes durant lesquelles je serai absent, je ne veux entendre aucun son, aucune plainte, ni intervention stupide comme vous venez de le faire, monsieur Wilkins.- Monsieur le gentil maire est parti aussi vite qu'il est arrivé, huh?, dit Harley avec un sourire goguenard.Le Vampire présenta ses crocs, ce qui fit reculer l'arlequin de quelques pas. Hannah fit de même, étant un loup-garou hors-pair. Le maire reprit son visage habituel, puis quitta la pièce en faisant virevolter sa cape.***À l'entrée de la mairie se trouvait la plus fidèle ennemie du Vampire, la Gorgone. Ses serpents qui remplaçaient ses cheveux semblaient plus enragés que jamais, ses longs ongles fourchus cognaient contre le comptoir de la réception, où l'Alien avalait difficilement sa salive. Sa queue serpentine glissait sur le tapis, semblant sur le point de se braquer à tout moment.- Il... Il devrait être là à tout moment, madame, toutes mes excuses, dit l'Alien en essayant de briser le silence.La Gorgone ne fit pas attention à lui, gardant les yeux fixés sur son rival qui dévalait les marches juste en face d'elle.- Quel plaisir de te revoir, Serpentine.- De un, ce n'est pas mon nom. De deux, je ne vous ai jamais permis de me tutoyer. De trois, vous mentez aux habitants de Monsterland et cela. Doit. Cesser. Maintenant.À chaque point, la Gorgone se rapprochait du visage blafard du maire, qui restait de marbre.- C'est la douzième fois que vous vous présentez ici avec exactement le même discours. Vous avez pensé à l'effet que cela a sur votre crédibilité?- Ça fait longtemps que j'ai abandonné cette idée, monsieur le maire. Il est temps de rétablir la vérité. La rumeur court que de nouveaux venus sont arrivés ici. Allez-vous les bannir, comme ce pauvre revenant de Nemesisland?- CHUT! On ne parle pas de ça ici!L'Alien se retira de son bureau et monta les marches quatre à quatre pour vérifier si les captifs étaient encore dans le bureau. Dans la pièce, Harold, Hannah et Harley écoutaient ce qu'il se passait dans le hall, les oreilles collées contre la porte. En entendant l'Alien arriver, Hannah saisit la poignée de porte et fit signe aux autres de se taire.- B... Bonjour?D'un coup sec, Hannah ouvrit la porte, frappant l'Alien au visage de plein fouet.- Chérie, wow! Comment as-tu pu savoir qu'il arrivait?, s'exclama Harold.- Mon instinct de loup-garou ne ment pas, minauda la lieutenante en touchant son nez. Maintenant, allez, on sort d'ici par l'arrière.S'il y a une porte arrière..., se demanda Harley en suivant le couple de lycanthropes.Les captifs enjambèrent l'Alien sonné, puis empruntèrent un escalier dissimulé derrière le bureau du maire. D'ailleurs, ce dernier n'avait même pas entendu le coup qu'avait reçu son assistant, trop embourbé dans sa conversation avec la Gorgone.- Vous savez que c'est une question de temps avant que je révèle votre secret au Savant fou, à la Sorcière, au...- Vous savez quoi? Je n'ai pas le temps de débattre avec vous encore une fois! J'en ai que faire de mes secrets! Que voulez-vous qu'ils fassent? Qu'ils partent d'ici? Bonne chance pour sortir d'une dimension parallèle que J'AI CRÉÉE!En un mouvement de cape, le maire fit sortir la Gorgone de la mairie en un coup de vent. Les lourdes porte se refermèrent sur la militante, qui s'écria :- JE REVIENDRAIS, SALAUD!La Vampire roula des yeux en entendant la queue de la Gorgone glissant au loin. Il remonta les marches, espérant que l'Alien ait jeté un coup d'œil aux captifs. Il arriva au pied de la porte de son bureau en sursautant.- MON SECRÉTAIRE!Craignant le pire, le maire entra lentement dans son antre pour y découvrir son bureau vide, ainsi que l'un des ses fauteuils de cuir renversé. Empli de rage, il sortit ses crocs et ses yeux devinrent rouges. Il se transforma en chauve-souris en laissant s'échapper un cri de désespoir, semblable à celui du Zombie.- NNNNNNOOOOOOOOONNNNNNNN!
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Monsterland
Fiction généraleAprès le vol de la fameuse boîte à musique, le Joker et Harley Quinn se retrouvent coincés à Monsterland, une nouvelle dimension parallèle à Nemesisland, accompagnés de Hannah Brooks et de Harold Wilkins, un couple de loups-garous de Salem. Rapideme...