Chapitre 12

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Le 22 juillet arriva plus vite que ce que je ne l'aurai pensé. Il y a encore quelques mois, cette date n'était rien de plus qu'un simple jour d'été. Aujourd'hui, ce jour représente pour moi de la frustration, mais aussi beaucoup de tristesse. C'est aujourd'hui, qu'elle aurait fêté ses 16 ans, avec sa famille, Louise et moi. Je l'avais attendu pendant si longtemps. J'étais pressée de lui organiser une journée de rêve. Ça aurait été son premier anniversaire avec moi.

Cette année, les anniversaires avaient été un peu spéciaux. Nous n'avions fêté que le mien, en début janvier. Celui de Louise avait été le 4 février, mais nous n'avions pas eu la tête à faire la fête. J'avais été la voir. C'était la première fois que j'avais accepté de sortir de chez moi depuis... depuis. On avait passé la journée ensemble, ce n'était pas la grande forme mais ça nous avait un peu changé les idées.

En attendant ce jour, j'ai rencontré ma nouvelle psychologue. Elle était assez jeune, très gentille. En une seule séance, je m'étais déjà plus confiée qu'avec ma psychiatre en un an de temps. Je vais la revoir la semaine prochaine, et toutes les autres semaines qui vont suivre. Je vais vraiment faire des efforts, et faire tout ce que je peux pour qu'elle puisse m'aider. En une séance, je n'ai pas eu le temps de lui parler de tout. On a brièvement parlé de ma mère. Je n'avais pas envie d'en parler. C'était juste pour qu'elle puisse comprendre comment j'en suis arrivée là. On a parlé de Charlotte, on a beaucoup parlé d'elle. Je lui ai raconté comment j'étais avec elle, comment elle avait réussi à me faire sentir vivante.

Aujourd'hui, je vais mal. Je le sais, je le sens. Ce n'est pas comme d'habitude où je n'ai envie de rien et que je déprime. Non. C'est beaucoup plus profond. Je suis profondément triste. La haine est partie, et la tristesse m'a envahie. En ce jour, absolument toutes mes pensées sont pour elle. En temps normal, j'arrive à y faire abstraction, au moins pendant un petit moment. Elle me manque, et le vide dans ma poitrine n'a jamais été aussi grand, il n'a jamais été aussi douloureux. Je savais qu'elle allait mal. Je savais de quoi elle était capable. Je savais que ça pouvait arriver. Malgré tous les signes, tous ses signes, j'ai nié. Pour mon propre bonheur, j'ai préféré croire qu'elle allait bien alors que je savais que ce n'était pas le cas.

Après un long moment, je me lève de mon lit et attrape mon bloc-notes avec un stylo. En 6 mois, je n'ai pas pu m'adresser à elle. Aujourd'hui, pour elle, je vais le faire. Je me réinstalle sur mon lit. Je branche mes écouteurs et je lance la musique en boucle : toujours la même. Celle qu'elle écoutait quand elle allait mal, c'est-à-dire presque tout le temps. Je commence à écrire, et mes mots coulent autant que mes larmes.

« Charlotte,

C'est la première fois que je t'écris. J'ai tellement de choses à te dire si tu savais.

Pardonne-moi de ne pas l'avoir fait avant : j'en étais tout simplement incapable. T'écrire revenait à me dire que tu étais partie, pour de bon. Je savais, depuis un moment, que c'était impossible, mais une partie de moi voulait et veut toujours croire que c'est un mauvais rêve et que je vais me réveiller. C'est ce que j'imagine, souvent.

J'avais souvent pensé à ce jour que j'attendais avec impatience. Je voulais te faire vivre ton anniversaire comme tu as su me faire vivre le mien.

Je serai venue chez toi la veille au soir. On aurait rigolé toute la soirée. Peut-être qu'on aurait même pu s'abandonner l'une à l'autre, comme nous l'avions fait, encore mieux que ce que nous avions fait la dernière fois que je t'ai vue. Je me serai endormie dans tes bras, heureuse et en te répétant, encore, à quel point je t'aime. Je me serai réveillée, toujours dans tes bras, nos jambes entrelacées, comme si nous avions peur d'être séparées. Je t'aurai embrassée, même avec mon haleine du matin. On serait restées un moment profitant de ce câlin avant de se lever. On aurait fait des crêpes, parce que je sais que tu adores ça. On serait sortie, on se serait amusée jusqu'à l'épuisement. Et encore une fois, nous nous serions retrouvées dans les bras de l'une à l'autre. Puis on se serait embrassées, jusqu'à ne plus avoir de souffle. Je t'aurai déclaré tout l'amour que je te porte. Je t'aurai expliqué à quel point tu es importante pour moi. Je t'aurais montré à quel point tu me rendais heureuse. Je t'aurai dit que ta présence à mes côtés était vitale pour moi. J'aurai fait de mon corps le tiens, et de mon âme la tienne. J'aurai fait de toi ma femme, parce que c'est ce que je souhaitais le plus au monde.

Mes pensées bleuesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant