Chapitre 2

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Je m'appelle Alice, et elle s'appelait Charlotte.

Les gens ne comprennent pas. Perdre un être cher est la chose la plus douloureuse qui puisse exister. Ils disent qu'ils te comprennent, que demain ça ira mieux, que tout ça va passer et qu'il faut profiter de l'instant présent sans ressasser le passé. Mais c'est faux, ils ont tort. Comment peux-tu oublier ne serait-ce qu'un instant ce qu'il s'est passé ? Comment ne pas penser à ce soir-là, ce matin-là, cette journée ? Ce n'est pas qu'une mauvaise passe, ça ne va pas mieux aller et tu le sais très bien. Quand tu as perdu tout ce que tu aimais, quand il n'y a plus rien pour te rendre heureuse, alors tu flanches sans jamais pouvoir te relever.

Avec elle, j'avais combattu la mutilation et la dépression. Mais sans elle, comment pourrai-je tenir le coup. Sans elle, je ne suis plus rien.

Je me sens tombée, de jour en jour, sans que je puisse me relever. Je ne dors plus, je ne mange plus, je ne souris plus, je ne vis plus. Je suis un corps sans vie. Mon âme déjà meurtrie par le passé vient de se briser, encore une fois. Sur le moment, j'étais très triste, en colère aussi. J'étais en colère parce que je n'ai pas réussi à la sauver, parce que j'ai l'impression que tout se retourne contre moi, que je n'ai pas le droit au bonheur. Je pourrais en vouloir à la Terre entière, mais je n'ai plus la force. Je ne ressens plus rien. J'ai arrêté de pleurer il y a quelques jours. Même la colère est partie. Je me sens juste.. vide. Je sais que ça ne va durer qu'un temps, et que tout va me revenir à la figure un jour ou l'autre. On connaît tous ce moment où on se sent comme neutre, où aucune émotion ne nous affecte plus que d'autres. Ici, c'est encore plus profond. C'est comme si mon âme avait quitté mon corps, qu'elle le regardait faire sans réagir. Et mon corps continue sa routine sans se poser de questions.

Plus rien n'a de sens. Je ne passe pas un soir sans faire de crise, je sens cette tension monter en moi, ce vide devenir de plus en plus grand, et ces souvenirs qui m'imprègnent. Et le pire dans tout ça, c'est que je m'en rends compte, mais je ne peux rien y faire.

Je ne suis plus que la spectatrice de ma propre vie, je n'ai plus aucun contrôle.

Quant à Louise, elle va mal. Je le vois bien, mais elle ne le montre pas. Certainement parce qu'elle ne veut pas que je m'inquiète. Elle est très triste, et je sais qu'au fond d'elle, tout comme moi, elle s'en veut énormément. Est-ce vraiment de notre faute ? Est-ce de la faute de quelqu'un d'autre ? Est-ce la faute de personne ? Je ne pourrai jamais vraiment le savoir.

Quelques jours après, une Vanessa est venue nous parler, à Louise et à moi. Elle m'avait d'abord contacté sur Messenger :

« Bonjour, je m'appelle Vanessa. Je suis allemande, et je connais Charlotte. Je lui ai parlé pendant son dernier jour. À son arrivée dans notre école, des filles de notre classe ont harcelé. Plusieurs fois, elles ont insultés et moqués de elle. Je avais déjà parlé avant, pendant nos heures de cours. Le dernier jour, les filles ont renversé son plateau sur elle. J'ai aidé et j'ai partagé ma assiette avec elle. Nous avons parlé le après midi. Elle était triste et elle a parlé de vous. Elle avait dit « j'ai ma copine, Alice, je l'aime et elle me manque », elle a aussi parlé de Louise. Je ne connaissais pas très bien Charlotte, mais nous avons beaucoup parlé ce jour. Et j'ai pensé que c'était bien de vous dire. Bon journée. Pardon je parle pas beaucoup le français. »

Cette Vanessa lui avait parlé lors de son dernier jour. C'était peut-être même la dernière personne à qui elle avait parlé. Je lui ai donc répondu :

« Vanessa, tout d'abord merci pour ton message. Je ne savais pas tout ça, elle me parlait très peu de ses journées. Je te remercie sincèrement de l'avoir aidé ce jour-là. Je suis sûre que ça lui a fait du bien. La connaissant, si elle avait accepté de te parler, c'est qu'elle t'appréciait assez bien. Je l'aime aussi, encore beaucoup et je n'arrêterai jamais. Tu as bien fait de me dire tout ça, merci. Et je trouve que tu parles plutôt bien français. »

Mes pensées bleuesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant