Mieux que rien...

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    Il frappa trois coup à la porte et attendit en se tordant les doigts. Comme personne ne répondait il recommença. Après la troisième fois il vit la poignée bouger et entendit le bruit de la serrure. Arthur se prépara alors à toutes les éventualités possibles ; il s'imaginait une vieille et horrible femme ou encore un homme faisant dix fois sa taille et son poids. Mais c'était sans compter les petits yeux noirs qui apparurent à l'entrebâillement de la porte désormais ouverte à moitié. Au début il pensa qu'il allait ressentir des papillons dans le ventre mais qu'elle ne fut pas sa déception quand il la vit en entier. La jeune femme qui se tenait devant lui était ce qu'il y avait de plus banale. Cheveux noir, yeux marrons, corps moyen , et un style vestimentaire aussi sombre que la nuit. Mais c'était toujours mieux que rien.
— Tout est toujours mieux que rien, murmura t-il
— Pardon?
Sa voix était aussi inintéressante que le reste.
— Non rien. Je suis bien à la bonne adresse ?
Il lui montra le bout de papier et elle acquiesça .
— Vous devez être l'homme dont on m'a parlé. C'est un plaisir de faire votre connaissance ! Quel est vôtre nom ? D'ailleurs quel âge avez-vous? Vous êtes célibataire ou en couple? Quelle question stupide on m'a déjà dit que vous étiez marié. Au fait, comment est votre femme ? Gentille, belle ou tout le contraire ? Vous prévoyez d'avoir des enfants ? J'ai toujours voulu avoir des enfants mais ça me terrifie en même temps. Vous ne m'avez pas dit votre nom.
— Je m'appelle Arthur M..
— Comme dans Merlin l'enchanteur ! Et vous avez quel âge ?
— Vingt ans...
— La chance ! J'en ai que dix-neuf. Je me suis toujours demandée ce que ça faisait d'être vieux. Tu es là tranquille, vivant ta vie de jeune et du jour au lendemain Pouf ! T'es vieux ! Ça doit être horrible. J'aimerais rester jeune toute ma vie mais malheureusement ce n'est pas possible. Au fait, vu que je vais souvent vous voir je peux vous tutoyer ?
— Non. Je préfère garder mes distances.
— Je comprends, ça ne doit pas être facile de déménager et abandonner tout ce qu'on aime.
Arthur décela une pointe de tristesse dans sa voix mais il n'y fit pas attention. Sa manie à couper les gens en plein milieu de leurs phrases commençait à l'énerver. Il y eut alors un long silence qui en réalité ne dura que quelques secondes et où les deux jeunes gens se perdirent dans leurs pensées.
— Bon. Et bien à demain ce fut un plaisir de faire votre connaissance. Si vous avez besoin d'aide surtout n'hésitez pas à venir me voir. Je m'appelle I...
— Vous n'allez quand même pas me laisser dehors !
— Vous n'avez nulle part où dormir ?
— Évidemment ! Pourquoi serai-je venu ici sinon ?
— Pour dire bonjour...
Arthur se passa une main sur le visage et soupira longuement. Après réflexion il se décida à lui expliquer sa situation car il trouvait qu'elle n'avait pas la lumière à tous les étages. Ce qui ne l'étonnait guère. Le niveau d'alphabétisation de cette partie du royaume était plutôt inquiétant.
— ...c'est pourquoi je suis venu ici. Pour DO-R-MIR en attendant de trouver un moyen de rentrer chez moi.
— Oh je vois. Ça me semble logique.
Elle resta planté là attendant que quelque chose se passe. Arthur lui fit les gros yeux et elle lui répondit par un regard d'incompréhension.
— Je crois que c'est à ce moment-là que vous me faîtes entrer à l'intérieur !
— Ah oui c'est vrai. Désolé. Je vous souhaite la bienvenue dans ma magnifique demeure.

Magnifique était clairement un euphémisme. Tout dans cette maison était vieux et en mauvais état. Chaque pas qu'ils faisaient s'accompagnait d'un grincement du plancher, il n'y avait presque pas d'électricité et la légère brise de la nuit se transformait en fantôme hurlant.
— Vous désirez manger ? Je viens de faire des pâtes à la bolognaise.
Au moment où il voulut répondre que non, son ventre l'interrompit dans un grognement et il se résigna à s'asseoir sur la table à manger dont le pied cassé tenait grâce une petite caisse en bois.
Pendant qu'il observait l'endroit avec dégoût la femme rapportait avec fierté son pauvre plat de spaghettis qui n'avait visiblement pas était prévu pour deux personnes.
— Vous me dites quand c'est bon.
— Mettez tout. Je meurs de faim.
— T...Tout?
— Ça vous pose un problème ?
— Non. Bien sûr que non. En réalité j'ai mangé juste avant que...
— Je ne vous ai pas demandé de me raconter votre vie. Servez moi et taisez vous !
— Désolé.
— Et arrêtez de vous excuser. C'est agaçant.
Elle ne dit rien et vida le contenu de la casserole dans l'assiette vide, elle retourna ensuite dans la cuisine, prit un bout de pain et s'assit en face de son invité. Il y eut un silence. Encore. On entendait seulement le bruit de la fourchette qui tapait contre l'assiette.
—Arrêtez de me regarder.
Elle baissa les yeux en rougissant. Après une bonne demi-heure Arthur finit son assiette et sans attendre lui demanda où était la salle de bain pour qu'il puisse prendre une douche. La jeune femme, dont il ne connaissait toujours pas le nom, lui fit faire une visite de la maison
— ...et donc là c'est la fameuse salle de bain.
— Bien. Donne-moi une serviette et prépare des vêtements.
— Oui mais d'abord je voulais vous demander de ne pas rester trop longtemps sous la douche il n' y a pas beaucoup d'eau chaude.
— C'est ça.
En tout, il resta près de deux heures sous l'eau brûlante qui devint glacée. Quand il retourna dans la chambre qui lui avait été désignée, il trouva un pyjama et une grosse couverture avec un petit mot dessus :" Ça vous évitera de tomber malade." Il froissa le bout de papier et le jeta à terre. Il n'était vraiment pas d'humeur aujourd'hui. Ses parents l'avaient abandonné dans un quartier dangereux et tout cela pourquoi ? Parce qu'il refusait de se marier avec son ex-belle sœur. La vie était contre lui. Et comme toute personne normale, il décida de se venger sur la seule personne qui voulait bien l'aider.

   Ça faisait un mois maintenant qu'il se trouvait dans ce trou paumé. Un mois que la jeune fille devait supporter son comportement exécrable et ses insultes presque limites. Cependant elle continuait à être gentille et lui donnait toute sa nourriture quand il avait faim et obéissait à chacun de ses ordres. Un mois pendant lequel elle prit plusieurs fois sur elle afin de ne pas craquer dans sa chambre la nuit parce qu'elle ne voulait pas gâcher la tristesse d'Arthur avec la sienne. Un mois et ce n'était pas près de se finir.

Arthudora (ancienne version)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant