Les lunettes de Stamford gisaient au sol, brisées par les violences subies par mon ami. Ses mains étaient ligotées dans le dos alors qu'une aiguille plantée dans son cou était attachée à un étrange système qui pendait du plafond et qui m'indiquait un mauvais présage.
J'allais me précipiter sur lui, espérant profondément que notre ami soit en vie, quand Holmes me saisit par le bras et m'empêcha de toucher le sol.
- Holmes ! Nous n'avons pas le temps pour quelques exercices de déduction ! Notre ami est peut-être déjà mort.
- Watson, vous voyez mais vous n'observez pas. Si vous vous jetez sur Stamford pour le sauver, vous le tuerez.
- Mais qu'est-ce que vous racontez ? Demandais-je, incrédule.
- Stamford n'est pas mort, sinon Moriarty ne nous aurait pas envoyé le chercher. Il veut nous tester, pas nous voir secourir quelqu'un. Regardez un peu le système auquel Stamford est attaché : une aiguille contenant un liquide inconnu, suspendue à une structure en bois et en ficelles qui font le tour de la pièce pour venir recouvrir le sol d'un tapis de coton brûlant.
- Vous parlez comme un romancier, Holmes...
- C'est vous qui m'avez contaminé, répliqua-t-il en se raclant la gorge. Je suis certain que si vous touchez une de ces ficelles, vous déclencherez le système qui injectera le poison mortel dans les veines de notre ami. Vous vous doutez que je n'ai pas fait tout ce chemin pour le voir mourir par notre faute... Mais, les criminels étant des hommes comme les autres, je sais qu'ils ont commis une grossière erreur, ce qui est bien dommage puisque leur idée relevait du génie.
Disant cela, il escalada la rambarde et se laissa glisser sur la table qui y était adossée, évitant ainsi les ficelles sur le sol. De là, il saisit délicatement le fil qui rattachait toutes les ficelles au plafond et le coupa tout en le maintenant. Ainsi tendu, il m'ordonna d'aller déloger l'aiguille du cou de notre ami, moi qui avais les compétences pour le faire.
- Mais les ficelles ? Il y en a bien trop pour que je les évite toutes.
- Je ne suis pas debout sur cette table à tenir un fil pour décorer, Watson ! Il était le déclencheur de tout cela et, maintenant qu'il est coupé, ces ficelles ne sont plus effectives. Allez donc libérer notre ami !
Je m'attelais à la tâche et, détachant Stamford de ses liens, j'entendis une voix familière du haut des escaliers. La tête de Lestrade parut, souriante en me voyant, un peu moins en apercevant Holmes sur cette table.
- Est-ce donc un moment pour faire le pitre, monsieur Holmes ? Rit-il en quittant les marches et en me rejoignant au centre de la salle.
- Cessez donc de vous amuser, Lestrade, et servez à quelque chose !
Sherlock Holmes descendit de son perchoir, l'aiguille étant maintenant hors de la gorge de Stamford, et s'avança vers moi.
- Il est vivant, Holmes. Stamford va s'en sortir mais nous devons le conduire à l'hôpital.
Le détective acquiesça et, ouvrant la marche, remonta les escaliers tandis que Lestrade et moi portions Stamford à bout de bras.
En remontant les marches de la cave, j'admets avoir souri lorsque les policiers menottèrent notre tavernier sous les yeux de ses clients et je sus que Holmes avait le même ressentiment puisqu'il applaudit deux fois avant de prendre la porte. Nous déposâmes ensuite Stamford à l'hôpital et attendîmes patiemment les avis des médecins qui, de toute évidence, n'étaient pas inquiets pour son sort, en écoutant attentivement ce que Lestrade nous rapportait des événements qui avaient suivi notre départ de l'entrepôt. Après avoir été contacté par le biais de Wiggins, Lestrade avait sollicité l'ensemble de sa brigade, si ce n'était tout Scotland Yard, pour faire venir un maximum de voitures à Stepney Way et coincer le criminel qui menaçait Holmes.
- Comme vous l'aviez noté sur votre télégramme, votre bonhomme avait fui avant que nous n'arrivions. En même temps, comment vouliez-vous qu'on attrape un homme dont on ne sait rien et contre qui nous n'avons aucun motif ?
- Je ne sais pas... J'espérais que vous prendriez Moriarty la main dans le sac, avec le diamant de Russie sur lui...
- C'est lui qui possède le diamant ? S'étonna Lestrade en manquant de s'étouffer.
Sherlock Holmes me jeta un regard de détresse, comme pour demander mon soutien face à la longue explication que nous devrions donner à l'inspecteur.
- Pour faire court, Lestrade... Oui, c'est Moriarty qui la détenait. Mais je suppose que même si vous allez chez lui pour le fouiller, elle aura déjà disparu. C'est certainement peine perdue pour la retrouver, dis-je en fournissant le moins de détails possible sur l'intervention de Holmes dans cette affaire.
- De toute façon, cela ne relève plus de mes capacités. Messieurs, en vous souhaitant une bonne soirée.
Lestrade nous quitta d'un pas pressé, content de retourner à Scotland Yard pour interroger son tavernier.
Nous restâmes une bonne partie de la nuit à St Bart's jusqu'à ce qu'un médecin vienne nous confier que Stamford était réveillé, mais qu'il lui faudrait le plus grand repos pour se remettre de tout cela. D'un commun accord, le détective et moi regagnâmes Baker Street dans le silence le plus complet, observant les étoiles briller dans le ciel londonien, moi en priant pour que la paix nous enveloppe de ses bras pendant des semaines, Sherlock en espérant qu'une nouvelle affaire se présente vite à sa porte.
![](https://img.wattpad.com/cover/315300607-288-k200786.jpg)
VOUS LISEZ
Le retour d'Irène Adler : a Sherlock Holmes story
Ficción GeneralAprès les événements d'un Scandale en Bohême, qui pouvait penser qu'Irène Adler reviendrait à Londres avec plus de secrets qu'à son départ ? John Watson consigne ici une affaire survenue cinq ans après celle de l'affrontement entre La Femme et Sher...