Chapitre 11

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Ben

J'ouvre la porte d'entrée de la maison de mes grands-parents avec une émotion particulière, qui s'estompe petit à petit avec les années, mais qui est toujours présente. Après leur décès à mon adolescence, ma mère et mon oncle n'ont pas eu le courage de se séparer de ce mas provençal dans lequel ils passaient tous leurs étés depuis leur enfance. En y venant chaque année, je perpétue une tradition qui me tient à cœur.

Je retrouve l'odeur familière et les murs teintés de couleur jaune orangé. Le piano et la guitare sont toujours là, dans le salon, encerclés par trois canapés pour accueillir les spectateurs des représentations intimes qui s'y jouent. Sur la gauche, la cuisine traditionnelle offre un accès direct à la terrasse, avec vue sur la piscine. La balancelle dans laquelle j'ai été bercé pendant des heures est là, fidèle au poste depuis plusieurs années.

Valise en main, je dirige chacun de mes invités vers leurs chambres. Je ne peux m'empêcher de sourire à Flavie qui, l'air émerveillée, découvre pour la première fois cette maison chère à mon cœur. Toutes les chambres du rez-de-chaussée étant désormais occupées, je la dirige vers l'étage, où nous aurons chacun notre chambre. Je lui ai réservé celle avec un balcon qui offre une vue imprenable sur la mer.

Chacun aillant pris ses quartiers, nous décidons de passer notre première soirée en pique-niquant à la plage.

Affairé à garnir un panier de tout le nécessaire pour notre repas, mon regard est attiré par un mouvement dans l'escalier. Flavie descend pieds-nus de l'étage, vêtue d'un mini short en jean et d'un débardeur blanc. Ses cheveux sont remontés dans un chignon désordonné qui met en valeur son port de tête. Alors que mes yeux dévalent le long de ses jambes longilignes, Jimmy rompt le charme en émettant un sifflement admiratif derrière moi. Flavie lui sourit de façon un peu gênée, je crois même qu'elle rougit, ce qui a le don de me crisper.

Nous rejoignons la plage par le petit portail dissimulé dans la haie qui borde la propriété. Romain a emmené la guitare du salon et joue sur les cordes comme pour chercher l'inspiration d'un nouvel air. Attirés par le son de l'instrument, nous sommes rapidement rejoints par les voisins que je côtoie depuis mon enfance. La soirée ne pourrait pas être plus parfaite. Mes orteils enfoncés dans le sable encore chaud, je scrute avec apaisement l'horizon d'où reviennent les vagues dans un rythme régulier, presque hypnotisant.

Après avoir fait bande à part quelques minutes, je rejoins le groupe et ose un regard vers Flavie qui discute avec Jane en farfouillant le sable à la recherche de coquillages. Je capte son regard complice qui me déstabilise, me renvoyant aux souvenirs de la veille où elle a dormi tout contre moi. Cette soirée où tout semblait possible et impossible à la fois, notre complicité criante mise à mal par un code moral implicite me liant à son frère.

Quelques heures plus tard, la nuit est bien installée, avec la Lune pour unique source de lumière. Romain, grisé par l'ambiance bon enfant de la soirée, se met à crier en courant vers la mer :

- Bain de minuiiiiiiiit !!

Nous nous regardons, surpris par ce soudain élan de motivation et rigolons de bon cœur. Allongé dans le sable, les bras croisés derrière la tête, je me redresse sur les coudes pour observer mes amis courir vers l'eau. Décidé à les rejoindre, je me lève et retire mon t-shirt en marchant avant de marquer un temps d'arrêt lorsque je m'aperçois que Flavie, désormais en maillot de bain, semble hésiter.

- Qu'est-ce que tu attends frangine ? l'interpelle Romain depuis la mer.

- J'ai peur de me blesser sur un truc, je n'y vois rien.

- Oh t'exagères, t'es pas en coton ! Attends je viens te chercher !

Sans réfléchir, je fonce vers Flavie et la bascule sur mon épaule pour la porter jusque dans l'eau. D'abord surprise, elle pousse un petit cri aigu avant de s'agripper comme elle peut à mes hanches, m'envoyant une décharge électrique à travers tout le corps.

- Prête ? lui demandé-je sur un ton amusé avant de la laisser plonger.

- Oui ! cria-t-elle gaiement.

Je la libère, un peu à regret, puis rejoins le reste du groupe en nageant pour dissiper le trouble ressenti au contact de sa peau nue contre la mienne.

De retour à la maison, je monte à l'étage, suivi de près par Flavie dont la chambre est contiguë à la mienne. C'est un peu comme à Londres, en définitive, nous sommes voisins. À la différence près que seule une petite cloison me sépare d'elle ici, pas tout un couloir. La main prête à actionner ma poignée de porte, je me tourne vers elle et l'observe quelques secondes. Ses cheveux désordonnés par notre sortie en mer n'enlèvent rien à son charme, bien au contraire.

- Bonne nuit, lui chuchoté-je sans vraiment vouloir mettre fin à notre tête à tête.

- Merci, toi aussi, me répond-elle dans un petit sourire avant de disparaître de mon champ de vision.

Je me laisse tomber sur mon lit, la tête dans l'oreiller. Des flashs me parviennent de la soirée dès que je ferme les yeux, m'empêchant de trouver le sommeil. Flavie et son sourire envoûtant. Flavie et ses jolies jambes dénudées. Flavie et sa peau douce.

Lorsque c'est le visage de Romain qui s'impose finalement dans mon cerveau, je soupire, dépité. J'ai toujours pu parler de tout avec lui. Mais cette fois-ci c'est différent. Impossible pour moi de me livrer avec honnêteté, tant je crains sa réaction. La façon dont il évince systématiquement Jimmy dès qu'il tente quoique ce soit est assez édifiante sur le sujet : pas touche à sa sœur.

Pour la première fois depuis que je le connais, j'ai peur de le décevoir. De lire en lui l'incompréhension. Mais Flavie est toujours là, quelque part dans un coin de ma tête. Je ressasse sans cesse, et je ne parviens pas à mettre la distance qui serait de rigueur entre elle et moi.

Ces vacances promettent d'être plus compliquées que prévu...

À deux pas de chez toiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant