À deux pas de chez toi

Chapitre 21

Ben

Comme chaque matin depuis notre retour, le message qu'elle avait laissé sur le miroir réveille douloureusement le souvenir de cette soirée passée avec elle. Pour autant, je n'ai pas trouvé le courage de l'effacer. Voilà une semaine, jour pour jour, que nous sommes rentrés et que je suis sans nouvelles. Plus de son, plus d'image, comme si je l'avais rêvée.

Si elle n'a pas eu le temps de prendre une décision, de mon côté j'ai usé mon parquet à force de l'arpenter en réfléchissant. Avant d'engager quoique ce soit, je cherche une preuve que Flavie tient encore à moi en lui envoyant la photo de mon miroir :

Ben : Tu me manques...

Par chance, la réponse ne tarde pas :

Flavie : Toi aussi tu me manques...je suis désolée...

Il ne m'en faut pas plus pour décider qu'il est temps que j'entre en jeu. Flavie se croit dans l'obligation de gérer cela seule avec son frère, mais il s'agit aussi de mon meilleur ami. Je donne rendez-vous à Romain le soir même dans notre bar habituel, l'esprit désormais libre de tous les doutes que j'ai pu avoir. Son amitié compte énormément pour moi, mais je ne veux pas laisser passer ma chance avec Flavie. Maintenant que j'ai goûté au bonheur d'être avec elle, je ne veux plus m'en passer.

D'un pas décidé, je quitte mon appartement pour rejoindre Romain au bar d'à côté, comme au bon vieux temps. Comme une ironie du destin, la seule table encore libre en terrasse est celle à laquelle nous étions installés quand Flavie a déboulé dans ma vie avec sa jupe crayon. En le voyant approcher, je suis plus déterminé que jamais. Il me salue et s'installe face à moi, l'air détendu. J'échange des banalités avec lui, attendant le bon moment pour déballer ce que j'ai sur le cœur.

- Et comment va ma sœur ? me demande-t-il soudain.

Je plante mon regard dans le sien, conscient que tout peut déraper, mais je n'ai pas l'intention de reculer :

- Je n'en sais rien, et la vérité c'est que ça me rend dingue, avoué-je en jouant nerveusement avec le ticket de caisse de nos boissons.

- Comment ça ? s'inquiète-t-il les sourcils froncés.

- Écoute, ça ne va sûrement pas te plaire, mais Flavie et moi on s'est rapprochés ces derniers temps. Et je suis tombé amoureux d'elle. Ça s'est concrétisé en vacances, je suis désolé de t'avoir caché ça jusqu'à maintenant.

L'exprimer à haute voix fait s'envoler le poids imaginaire qui m'oppressait la poitrine, avant de revenir comme un boomerang quand je lis l'incompréhension dans son regard.

- Mais alors comment ça se fait que tu ne saches pas comment elle va ? Tu as merdé quelque part ? m'interroge-t-il tout à coup suspicieux.

Dans un petit mouvement de recul, je m'étonne de sa question. Ce n'est clairement pas celle à laquelle je m'attendais.

- Euh, disons qu'elle a préféré qu'on garde ça secret, avant de finalement se rendre compte qu'elle ne voulait rien te cacher. Et de là en a découlé un tas de questions sur comment tu réagirais, vis-à-vis d'elle et vis-à-vis de moi. Elle ne voulait pas te prendre ton meilleur ami en somme. Alors elle m'a plus ou moins plaqué, je crois. Et depuis j'en bave.

Quitte à tout avouer à mon pote, je décide d'étaler ce que j'ai sur le cœur.

- Attends, quoi ? s'exclame-t-il. J'y comprends plus rien là. Que vous vous plaisiez, merci mais j'avais remarqué tout de même, je vous connais bien. Mais je pensais que tu m'avais fait venir ce soir pour m'annoncer que vous étiez ensemble, pas le contraire...

Je ris en constatant qu'il avait tout compris depuis bien longtemps et je me sens bête tout à coup d'avoir cru pouvoir le berner.

- Et ça te fait marrer toi ? ajoute-t-il en riant avec moi. Mais vous m'avez pris pour qui tous les deux enfin ? Elle est bien mieux avec toi qu'avec l'autre blaireau de Rémi. Pourquoi je m'y serais opposé ?

- Tu m'as demandé de prendre soin d'elle comme si elle était ma propre sœur. Et tu as recadré plusieurs fois Jimmy, alors comprends que ça ait semé le doute.

Il lève les yeux au ciel avant d'enchaîner :

- Bon du coup c'est quoi le problème ? Elle veut juste être sûre que ça ne me dérange pas ?

J'acquiesce, pour confirmer que, finalement, ce qui nous prend la tête depuis des semaines est aussi simple que ça.