Sur la plateforme de lancement se pressait et se tassait la foule, à la manière de grains dans un entonnoir. Plusieurs passerelles menaient aux différentes parties du vaisseau Aube, des ouvertures présentes à chacun des niveaux de la future station spatiale.
Bagage en main, Léo sentait le soleil chauffer sa peau et le vent ébouriffer ses cheveux. Il savoura ces sensations une dernière fois, un adieu à la planète qui l'avait vu naître. Avant le grand saut.
- Vous comptez avancer, ou bien rester planté là jusqu'au départ ?
- La passerelle n'est pas assez large pour deux personnes ? soupira Léo.
Il se retourna, vexé d'être interrompu dans ce moment solennel. Un jeune homme à la peau brune le fixait d'une moue moqueuse depuis son fauteuil roulant. Léo passa sa main sur son visage : il était vraiment stupide, parfois.
- Pardon, s'excusa-t-il avant d'avancer dans la structure plus large. Vous allez vers quel département ?
- Étant donné que nous avons pris la même passerelle, comme vous, au pôle scientifique.
Bien sûr. Léo aurait du arrêter de dire des choses encore plus stupides, mais il ne pouvait s'en empêcher. Il y avait quelque chose dans son sourire qui le déstabilisait.
- D'ailleurs, nous devons avoir à peu près le même âge et nous allons sans doute passer pas mal de temps ensemble. Ça vous dirait, de se tutoyer ?
- J'en serai ravi ! Je m'appelle Léonard, mais tout le monde m'appelle Léo. Je suis ingénieur mécanique.
Il lui tendit la main et l'autre s'en saisit.
- Ivan, médecin.
Ils traversèrent le terminal de commande où s'affairaient des techniciens, vérifiant une ultime fois les jauges et voyants de l'imposante machinerie. Un tableau de bord était affiché sur la totalité des murs de la pièce circulaire. Sur la carte cosmique, plusieurs lignes s'entrecroisaient : trajectoire de planètes, d'étoiles, de météorites... Et, surtout, le trajet prévu de leur vaisseau.
- Alors, qu'est-ce qui t'a poussé à monter sur une fusée qui n'atteindra pas la prochaine planète vivable avant des dizaines d'années ? plaisanta Léo avec légèreté.
- Qu'est-ce qui aurait pu m'en empêcher, plutôt ! s'exclama le médecin. C'est une opportunité unique de pouvoir voyager dans l'espace, qui plus est pour s'installer dans un endroit jamais foulé par l'humain ! Est-ce que ce n'est pas grandiose ?
Ses yeux sombres s'étaient agrandis sous l'excitation, et son enthousiasme eut raison des derniers doutes de Léo.
- Sans doute, approuva-t-il.
Ils virent l'une des personnes en blouse blanche appuyer sur un bouton, et l'alarme résonna.
"L'appareil est désormais prêt au départ. Les techniciens restants sont priés d'évacuer les lieux. Les voyageurs doivent rejoindre leur capsule de sommeil pour la durée du décollage. L'appareil est désormais prêt..."
L'équipe technique commença son évacuation, coupant court à leur discussion avec le message répété en boucle par la voix électronique.
- On ferait mieux d'y aller, remarqua Ivan en se couvrant les oreilles de ses mains.
Léo approuva et ils se mirent en route. Les paumes sur ses tympans, il vit l'autre jeune homme serrer les dents, les mains sur ses roues pour avancer. Il eut un éclair de génie et fouilla son bagage à main, avant de tendre son précieux casque anti-bruit.
Le jeune homme, d'abord surpris, le remercia d'un sourire. Ils continuèrent leur route jusqu'aux capsules de sommeil, la plupart déjà closes sur leurs occupants. Léo se sentit tiré par la veste avant de baisser les yeux sur Ivan. La sonnerie était déjà plus supportable dans cette partie du vaisseau.
- Je vais devoir te laisser ici ! lui cria le jeune homme par-dessus l'alarme. Je peux le garder pour l'instant ?
Il pointait son doigt vers le casque et Léo secoua la tête.
- Bien sûr ! On se revoit juste après !
Le médecin lui fit un petit signe de la main, avant de continuer à avancer entre les habitables. Il fallut encore quelques messages stridents à Léo pour se souvenir que ce n'était pas le meilleur moment pour fixer béatement le couloir vide.
Il s'empressa de déposer ses effets personnels dans un coffre à côté d'une des capsules et il s'allongea tout contre la planche inclinée derrière les portes, presque debout. Après quelques secondes, les battants se refermèrent sur lui, l'isolant dans un cocon silencieux à la lumière tamisée. Une odeur de lavande flottait dans l'air et il eut un vague sourire aux lèvres.
Puis il sombra.
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A l'Aube du Temps
Science FictionL'Aube, le plus ambitieux vaisseau spatial de l'humanité à ce jour, a pour mission de rejoindre une planète habitable pour fonder une colonie. Mais quand Léo monte à bord, le brillant jeune homme ne se doute pas dans quoi il embarque. Le temps pas...