4. Rencontre des grands esprits

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   Une jeune femme venait d'entrer et se stoppa dans sa course à la vue de Léo. Ce dernier avala sa bouchée avant de faire un sourire poli à la personne. Il ne l'avait jamais vue, mais c'était peu étonnant : elle devait avoir dans la vingtaine. Elle portait une blouse blanche, des lunettes plastiques relevées sur ses cheveux châtains et des yeux clairs. Qui ne se détachaient pas de lui.

- Enchanté, salua-t-il. Je m'appelle Léo.

  Elle ne répondit pas, immobile. Ivan sembla se rendre compte de la gêne grandissante de l'ingénieur face à la jeune femme.

- Léo, je te présente Ondréa, ma fille. Elle travaille au pôle « Recherche » de la station.

   Son prénom sembla ramener la jeune femme à ses esprits et elle tendit sa main, que Léo serra :

- Ondréa, c'est original.

- Mes parents aimaient bien, commenta-t-elle. Si vous trouvez ça moche, c'est à eux qu'il faut se plaindre.

   Léo pouffa : elle n'avait pas sa langue dans sa poche. Au même moment entra une autre personne, un jeune homme en bleu de travail et aux jambes trempées jusqu'aux genoux. Ses longs cheveux bruns emmêlés tenaient tant bien que mal dans une queue de cheval.

- Ondréa, on peut y aller ?

   Il s'arrêta à la vue de l'ingénieur, qui lâcha la main de la jeune femme pour tendre la sienne. Il semblait aussi jeune que la scientifique, un autre enfant de l'Aube.

- Je m'appelle Léo, enchanté.

  Mais il ne réagit pas, ses sourcils froncés et la mâchoire serrée. Léo abaissa son bras, mal à l'aise.

- Salim... Commença Ondréa.

  Il leva la main pour l'arrêter, avant de se passer la main sur le visage. Il prit une grosse inspiration et rouvrit ses yeux sur ceux de Léo. Il ne lui semblait pas en colère, comme il l'avait d'abord cru. Non, il n'avait pas l'air agacé, mais effrayé.

- Je vous ai dit plusieurs fois que ce n'était pas naturel, ce genre de choses. Je vous l'ai dit plusieurs fois, et vous n'avez pas écouté. Et maintenant...

- Salim, répéta Ivan avec toute la douceur du monde. Il faut que tu te calmes.

   Le jeune homme secoua la tête, pris d'un rire nerveux.

- Oh non, ce n'est pas à moi de me calmer. Je pense qu'ici, c'est moi qui suit le plus raisonnable, actuellement. Vous pouvez jouer aux dieux si vous voulez, mais sans moi. Maintenant si vous voulez bien m'excuser, j'ai une plomberie à réparer dans le sas 44.

   Il prit un stéthoscope sur la table et partit pour quitter la pièce. Mais alors qu'il allait sortir, il se tourna une dernière fois vers Léo : il avait les yeux rougis.

- Vous devriez être mort.

   Sa voix était blanche. Il quitta la pièce sans ajouter un mot. Un silence suivi son départ, avant qu'Ondréa ne bouge :

- Je vais voir comment il va.

   Léo resta légèrement secoué. Il avait été inconscient pendant une trentaine d'années, il se doutait que les réactions ne seraient pas toutes aussi positives que celle d'Ivan. Mais de là à créer autant de répulsion, il se sentait nauséeux.

- Désolé, finit par lâcher le médecin. Salim a toujours été très cartésien. En général, il est plus aimable.

- Ce n'est pas grave, assura Léo.

Mais son mensonge du se lire sur son visage, s'il en croyait la tête d'Ivan. Ce dernier se redressa, comme pris d'une illumination soudaine.

- Et si je te montrais le reste du vaisseau ? J'adore passer des heures dans mon laboratoire, mais il va sans dire que l'Aube entier vaut le coup !

- Sûr ! essaya de s'enthousiasmer Léo. Allons-y maintenant.

   Il suivit Ivan qui le mena à une porte et, juste avant qu'ils ne la traversent, le médecin lui tendit une casquette.

- Juste au cas où.

A l'Aube du TempsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant