harlem

29 1 0
                                    

Lorsque je suis arrivé dans le bar, Louie était perchée sur les genoux de Dwayne.

- Allen ! S'est enthousiasmé Stuart en me voyant arriver.

Toutes les têtes se sont tournées vers moi. Randall m'a servi une accolade et je me suis assis devant une grande chope de bière. Louie fixait le jeu de cartes de Dwayne d'un air morose, les yeux sombres.

- On pensait à se rendre au Scene grâce à l'amie de Louie, m'a expliqué Harvey en posant son appareil photo sur la table poisseuse.

Stuart s'est moqué de mon air hagard et a entreprit de m'expliquer l'histoire du lieu.

- C'est l'endroit où il faut être en ce moment. J'ai entendu dire qu'Andy Warhol et toute sa clique de péteux s'y rendaient chaque soir ! Jimi Hendrix s'y est produit, a-t-il ajouté.

J'étais ébahis de leur projet.

- Comment vous comptez faire pour rentrer là-dedans ?
- Lux, la journaliste de la demoiselle.

Un petit cri a résonné. J'ai levé la tête pour voir Louie bondir des genoux de Dwayne et tenter d'échapper à ses mains baladeuses.

- Fais pas ta chieuse, reviens joli cœur !
- Qu'est-ce qui se passe ? S'est enquit Harvey.
- Dwayne l'a pincé.

Ce dernier a finit son verre avant de beugler :

- Elle est toujours casse-couilles après qu'elle appelle sa mère !

La clochette a résonné derrière Louie, à travers le brouhaha du bar. Quelques minutes plus tard, Dwayne s'échappait à son tour pour la rejoindre, et les deux revenaient s'asseoir sur la banquette tâchée. En observant le ras de ses cils bordés de noirs, j'ai pu constater qu'elle avait sûrement pleurer. Dwayne l'a serré contre lui avant de plaquer un baiser sur sa joue mais elle est restée inerte. Je ne l'avait jamais vu aussi peu enjouée. Je me demandais si cet incident avait un rapport avec la première nuit où je l'avais aperçu, quittant une cabine téléphonique en pleurs. Téléphonait-elle à sa mère, ce soir-là ?

- Arrête ton char, tu bougeras pas d'ici !

La voix de Randall m'a sorti de ma torpeur et je me suis détourné de Louie à contrecœur.

- Faut dégager d'ici mon vieux, c'est de moi que tu l'auras entendu le premier.

 Stuart a avalé une grande lampée de bière, sûre de lui.

- La Californie c'est plein de tapettes et de hippies !

Quelques rires ont résonné autour de la table et j'ai décidé d'entamer ma bière pour mieux faire passer cette discussion.

- C'est plutôt à Londres que tu devrais te barrer.
- Tu parles, le rock est même pas légal sur les stations de radio !
- C'est  ce qui rend les choses excitantes. Finalement peut-être que l'Amérique manque de puristes !

De nouveaux éclats de rire ont retentit.

- Si tout est accepté, y'a plus de rébellion, à poursuivi Randall. Plus de rébellion, plus de rock n'roll.

Ce discours m'a arraché un rictus, ce qui n'a pas échappé à Stuart.

- Ah, on dirait qu'Allen désapprouve !

Un mouvement de curiosité et d'enthousiasme a secoué le groupe mais j'ai gardé le silence.

- Aller, Allen, a insisté Randall -je commençais à percevoir de l'animosité derrière son air détaché. Toi qui lit tant, éclaire nous de ton génie.

J'ai précautionneusement avalé une nouvelle gorgée de bière avant de m'expliquer platement.

- Il y a toujours un tas de choses contre lesquelles se rebeller.
- Comme quoi ? L'alcool coule a flot, y'a qu'à toquer chez le voisin pour trouver un peu d'herbe. Qu'est-ce qui te semble difficile là-dedans ? Je me rappelle même pas la dernière fois que j'ai croisé un flic, tiens !
- Peut-être parce que t'es un type blanc dans une grande ville, l'a sèchement interrompu Louie avant qu'il n'aille plus loin.

les enfants de minuitOù les histoires vivent. Découvrez maintenant