le lendemain

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Le lendemain était un dimanche, pourtant la nouvelle s'était répandue dans la ville dès la première heure. Le pompier avait été transporté dans un hôpital parisien. Il était entre la vie et la mort, plongé dans un coma profond. On n'en savait pas davantage.

- Vous vous rendez compte ? S'attaquer à un pompier qui était là pour soigner des blessés !
-  S'il s'agissait de voyous entre eux, on pourrait encore comprendre, mais un pompier !
- Une violence pareille, c'est...

Les gens étaient consternés et ne trouvaient pas de mots pour qualifier cette agression.
Dans la matinée, une équipe de télévision est venue dans notre rue et a filmé le trottoir où subsistaient les éclats de verre du pare-brise de l'ambulance et une énorme tâche de sang noir. Au journal de 13 heures, au cours du reportage, une journaliste a interviewé les médecins qui s'occupaient du pompier à l'hôpital : ils ne pouvaient pas se prononcer sur ses chances de survie qui leur semblaient minces. Puis un commissaire de police a expliqué que l'enquête été ouverte mais que, malgré les moyens exceptionnels mis en œuvre, l'agresseur n'avait pas encore été identifié. Aucun témoin ne s'était signalé et le policier ne cachait pas que dans ces conditions, il serait particulièrement difficile de retrouver le coupable.
Moi, après la nuit épouvantable que je venais de passer, je flottais. Je ne savais plus si les images qui tournaient dans ma tête relevaient du cauchemar ou de la réalité. Il m'a fallu beaucoup de temps pour que mon esprit redevienne clair. J'étais donc le seul a avoir assisté a l'agression et à avoir vu le voyou de près.

- La femme du pompier, a dit mon père au milieu du repas, est caissière dans la supérette de la place Saint Georges.

Ma mere a voulu le faire taire.

- Michel, tu ne devrais pas...

Elle était inquiète. Cette nuit, j'avais piqué une sorte de crise de nerfs qui m'avait donné de la fièvre et elle redoutait une conversation qui risquait de me replonger dans le même état. Mon père, lui, guettait mes réactions. Mais je me sentais calme maintenant, presque soulagé. La crise de la nuit m'avait permis de partager avec mes parents ke poids d'un fardeau énorme, beaucoup trop lourd pour moi tout seul. Il a mis sa main sur celle de maman, a fixé son regard bleu dans ma direction et a poursuivi:
- Son petit garçon a neuf ans. Il est en CM1 a l'école Pablo Picasso...

Je n'ai pas long a comprendre, sans doute à cause de l'image de ce petit garçon a peine plus jeune que moi qui devait trembler pour la vie de son père en ce moment.
Mon pere voulait me faire prendre conscience que j'étais l'unique témoin, la seule personne qui pouvait reconnaître l'agresseur. Pourtant, lui aussi craignant que la perspective d'un témoignage me rende malade. Je l'observais à mon tour. Il était devant moi, fort, droit et je pouvais lire dans ses yeux bleus : ''Compte sur moi, Vincent, je te soutiendrai.''
C'est à ce moment que j'ai pris ma décision : je raconterai tout ce que j'ai vu à la police.

Unique témoin (TERMINÉ)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant