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Je suis resté longtemps près d'une fontaine papa avait l'habitude de venir me chercher après le sport. Je pleurais :

'' J'm'en fous du collège, des profs, de la racaille. J'm'en fous du procès, du voyou, du pompier. C'est pas mon affaire. Je ne dirai rien. C'est pas mon affaire''
      Je ne supportais plus de vivre comme ça et je n'en te revoyais aucune autre solution, sinon celle de fuguer, de partir très loin en sautant dans n'importe quel train pour fuir ce cauchemar, aller dans un pays où personne ne me connaîtrait.

     À midi, papa est passé. Je suis monté mécaniquement dans la voiture. Il m'a regardé de la tête aux pieds.

-   Qu'est-ce qu'il t'est encore arrivé, Vincent ?
- Rien.

Mais tu as un trou à ton survêtement et tu saignes ! Et où est ton sac de sport ?
Roule, papa...
Il est resté silencieux et a pris la direction de la maison. Ma mère nous attendait, affolée. J'ai tout de suite compris que le collège l'avait prévenue.

- Où étais-tu ? On t'a cherché partout...
Mon dieu, mais tu es couvert d' éraflures!

Elle a tendu les mains vers moi. Je les lui ai repoussées violemment. Papa s'est dirigé vers le téléphone :
     J'appelle le principal du collège point on aurait sûrement évité toutes ces hist....
          Je lui ai coupé la parole :

- je ne retournerai pas au collège, pas question. J'en peux plus d'être la tête de turc de toute la racaille du collège. Vous ne savez pas ce que c'est d'être traité de Balance toute la journée point c'est horrible, horrible.

     J'ai amorcé une fuite vers ma chambre en ajoutant :

-Je ne sais rien ! Je ne témoignerai pas ! Vous entendez, JE NE SAIS RIEN!

Mon père a essayer de me retenir :

-Vincent, viens ici.
J'ai cru qu'il allait me rattraper, mais j'ai vu la main de maman se poser sur son bras pour l'arrêter.

Tout l'après-midi, je suis resté enfermé dans ma chambre. Le Marsupilami en peluche de mon enfance, accroché au plafond par son interminable queue, se balançait au rythme des gifles que je lui donnais. Il encaissait tous les coups que j'étais bien incapable de rendre a ceux qui m'insultaient. Ma décision était prise:

'' Je ne témoignerai pas. Je ne dirai rien. Est ce qu'une condamnation redonnera la santé au pompier? Est ce que je vais me pourrir la vie pour une histoire qui ne me concerne pas ? ''

     J'ai essayé de me persuader que je n'avais pas bien vu, que d'autres aussi avaient frappé le policier, que la blessure la plus importante avait peut-être été provoquée par la chute. J'ai cherché tous les arguments qui pouvaient justifier ma lâcheté. À cinq heures et demie, maman a frappé à ma porte.

- Tu as de la visite , mon Vincent. Des camarades de classe sont là. Elles veulent te parler...

Je n'avais envie de voir personne, mais je n'ai même pas eu le temps de réagir. Salomé est entrée, suivie de Lorène et Nadia, les déléguées de notre classe , deux filles très reservées qui ne m'adressaient que rarement la parole. Pour une fois, c'était à qui serait la plus bavarde.

- On a apporté tes leçons et tes affaires.
- Tout était resté par terre, dans les vestiaires.
- Au début, le prof a piqué sa crise.

   Il voulait demander une exclusion de trois jours au principal. Là, une moitié de la classe a explosé : on a expliqué au prof que ce n'était pas juste. Te punir parce que tu n'en pouvais plus , c'était donner raison a ceux qui t'avaient poussé à bout:

- Le prof n'y comprenait plus rien. Tout le monde parlait en même temps... Sauf ceux de la bande. Ils n'en menaient pas large.
- On ne va pas s'arrêter là. Regarde, a alors ajouté Nadia en me tendant une feuille, on a préparé une lettre pour le principal. On lui explique que ce n'est pas juste.
  

    J'ai jeté un coup d'œil sur la feuille.
Presque tous les élèves de la classe avaient déjà signé, mais aussi des élèves d'autres classes que je ne connaissais pas. J'éprouvais une curieuse sensation. Salomé a ajouté:

- On va continuer à demander des signatures. Tu n'es pas tout seul, Vincent. En plus, le prof de gym a prévenu les autres profs et il paraît qu'il y a une grosse discussion entre eux. Monsieur Maréchal, le prof de maths, les a engueulés et leur a dit d'ouvrir les yeux.

    Salomé c'est assise sur la moquette, près de moi. Elle a posé sa main sur mon cou et elle a dit :

-Tu vois, tu n'es pas tout seul, Vincent !

Parmi les livres et les leçons qu'elle m'avait apporté, salomé avait glissé un magazine dans lequel on rappelait une fois de plus la fameuse agression. Je compris immédiatement la photo de couverture avait été prise quelques minutes après le lynchage, au moment où on montait la civière dans une ambulance. Le bras inerte du pompier bandit sur le côté. À l'intérieur du journal, quatre pages de photos raconter ce qui était désormais son quotidien de handicapé. On le voyait assis dans un fauteuil roulant, en compagnie de son petit garçon qui lui tenait la main pour le soutenir, en famille, chez le kiné. Il ne parlait plus et sa femme devait l'aider à manger, à se laver, à s'habiller. Une photo le montrer dans sa salle d'eau et la légende rappelait qu'il lui fallait au moins une demi-heure pour se raser point les images étaient terribles.
     

            Et si j'étais le petit garçon des photos ? Et si cet homme était mon propre père ? Pourquoi Salomé avait-elle glissé ce magazine ? n'avait-elle pas deviné que j'étais sur le point d'abandonner ? Ne voulait-elle pas me soutenir, m'encourager ?

    J'ai regardé la photo du présumé coupable et, aussitôt, l'image de la godasse militaire shootant dans la tête du pompier inconscient à ressurgit dans ma mémoire. J'ai revu le visage et ne du voyou au moment de son passage sous mon arbre.... L'homme qui était en prison était bien celui qui avait massacré le pompier point je n'avais aucun doute.  J'avais pensé renoncer et j'en ressentais maintenant une grande honte....

Unique témoin (TERMINÉ)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant