Les rochers de la rivière étaient glissants, mais j'aimais tellement ce lieu, le bruit de l'eau rendait la vie apaisante et lui donnait un côté bucolique que j'appréciais énormément. La plupart de mes lectures se passaient là-bas, sous le soleil d'été, mais protégées par les branches de la dense forêt. La luminosité était parfaite pour m'entraîner à lire ces textes qui me suivront toute ma vie.
Mais, un après-midi de printemps, la forêt me chuchota. Un bruit de broussaille me sortit de ma ligne et je sursautai. Tout en regardant derrière moi, je ne vis rien. Mais en tentant désespérément de retrouver où je m'étais arrêté, un nouveau bruit survint. Je reculai vivement en dégainant une dague de ma ceinture tout en menaçant là le fantôme qui m'espionnait. Une sauvage des forêts se tenait devant moi, elle semblait inoffensive. Mais père m'a souvent prévenu qu'ils pouvaient être dangereux. Son corps frêle avait de la peine à supporter le poids des lourdes fourrures qu'elle tenait sur son dos. Elle portait un crâne de corbeau comme pendentif ce qui me fit penser que j'avais affaire à une sorcière, ou une druidesse selon leurs coutumes. Avec un regard de bonté, elle ouvrit sa bouche ornée de quelques dents jaunes et se mit à parler dans un langage approximatif
— Moi, ami. Je ne veux pas de mal à enfant. Moi offrir. Paix, manger, bon, fruit du Dieu de la forêt. Fruit de Lug. Cadeau !
La vieille femme me tendait des baies que je connaissais bien, elles étaient parfaitement mangeables et avaient même très bon goût. Leur rareté en faisait une denrée très précieuse et très prisée dans les marchés du nord. Je m'avançai lentement et ne ressentant aucun danger, je rangeai ma lame. Elle s'approcha aussi pour que je puisse goûter aux baies. Mais juste avant que je puisse les prendre, une flèche vola en plein dans le corps de la femme. Elle s'effondra en hurlant de douleur et tomba dans la rivière. Son corps fut emporté par le courant laissant une trace rouge dans l'eau cristalline. Les hurlements continuèrent quelques secondes avant de cesser et de laisser le cadavre de la sorcière couler. Je me retournai et vis mon frère Richard, un arc à la main avec un air déterminé. Sous le choc, je me mis à crier.— Mais qu'as-tu fait ? Elle voulait simplement me donner des baies !
— On ne parle pas aux sauvages.
Le regard apeuré d'Oliver s'effaça peu à peu rejoignant les ténèbres de la grotte. Tristan prit une épée et vola le dernier souffle de l'homme suffoquant devant ses yeux. D'un coup sec entre les côtes le prêtre rendit son âme au seigneur. D'un mouvement maîtrisé, Tristan essuya la lame de son épée sur la manche de sa tunique avant de la ranger.
— Randall ! Es-tu blessé ? cria-t-il en se jetant sur moi pour m'aider, pensant que le sang dans lequel je baignais était le mien.
— Je n'ai rien. Mais Tristan, ton épaule ! Il te faut un bandage !
Fae assistant à la scène intervint.
— J'ai de quoi te soigner mon frère, juste en dehors de la grotte. J'ai installé un campement en vous attendant...
— Tu nous as sauvés, dit Tristan en l'interrompant.
Il la prit dans ces bras et ils échangèrent un sourire comme si cela faisait des années qu'ils ne s'étaient pas vus.
— Je vous ai condamné pour m'amener ces armes, je vous dois tout désormais... Et Randall, je t'en supplie...
— Nous devons partir d'ici Fae, une immense armée arrive pour tous nous décimer. Ils vont attaquer la forêt peu après la fin de l'hiver, vous devez vous préparer. Vous devez creuser des fosses et entraîner les jeunes, tout le monde devra se battre sinon tous vont mourir.
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Les Filles du Diable, premier cycle : GLASTONBURY
Ficción históricaRandall, troisième né d'une puissante famille du royaume d'Angleterre se retrouve forcé à rejoindre les frères de l'abbaye de Glastonbury pour y passer une vie longue et monotone. Enfermé entre quatre murs, la solitude va le ronger lui faisant prend...