Chapitre 8 : Pillages

27 3 2
                                    

Je n'avais pas le courage d'aller lui parler, mais je devais la trouver. Comme chaque matin, elle préparait le pain avec sa mère tandis que son père s'en allait au marché pour commencer à vendre ce qu'ils avaient produit durant la nuit. Je la regardais depuis les murs du château et à chaque fois qu'elle sortait je me cachais pour ne pas qu'elle me prenne pour un fou. Mais les murs étaient friables, vieux et mal entretenus. Et là, le drame. Le sol s'écroula sous mon poids pourtant léger de ma jeunesse. Je me retrouvai avachi au pied de ma belle Jade, le nez dans sa robe blanche que je venais de salir. Un nuage de poussière me protégea de l'humiliation, mais pendant de très courtes secondes seulement. Je me retrouvai très vite à devoir affronter son regard et ses reproches. Une fois la poussière dissipée, je n'osai regarder rien d'autre que mes pieds et je serrai les dents. Un petit rire sorti tout droit du paradis me fit lever la tête. Je faisais face à un ange amusé par ma bêtise plutôt qu'en colère face à mon irresponsabilité.


— Il me semble que Dieu a fini par vous punir, dit-elle en rigolant. M'espionner tous les matins vous aura finalement rapporté plus de poussière que prévu, mais il me semble que vous avez réussi à m'atteindre malgré tout mon bon seigneur.


Elle s'épousseta la robe tandis que je restais tel un pantin accroché à sa langue en suivant minutieusement chaque mouvement de sa bouche.


— Je... je suis désolé, je m'excuse, pardon ma dame je suis confus pardonné moi je... je ne vous espionnais pas je...


Je me relevai tant bien que mal en essayant de retirer le gris qui avait taché mes habits, elle me tendit sa main pour m'aider. Ses doigts étaient si doux que même la soie semblait rugueuse après l'avoir touchée. Mon cœur battait bien trop vite pour que je puisse y survivre. 


Une femme d'âge mûr sortit de la petite maison aux pieds de la muraille détruite, elle courra dans ma direction pour voir si tout allait bien.


— Mon bon seigneur, êtes-vous blessé ? Ô mon Dieu ! Je vais vous ramener à votre père immédiatement mon seigneur, je vous en prie, j'espère que ce n'est pas la faute de ma sotte de fille ayez pitié, seigneur ! Je la punirais.


— Non ma dame, elle m'a aidé. Je suis simplement tombé. Je vous en prie, continuez de travailler. Je rentrerai par moi-même.

— Oh ! vous êtes si bon mon seigneur, je vous remercie. Que la grâce de Dieu vous protège mon seigneur, merci, merci. Et toi, petite ingrate, retourne travailler !


Elle repartit semblant ne pas se préoccuper des reproches de sa mère, je restais bien trop longtemps sans bouger, la tête dans la lune, rêvant d'une vie que je n'aurais jamais.



Les mois passèrent lentement et l'été fut de courte durée. Tristan ne fit plus aucune mention de notre discussion et je ne reçus aucune nouvelle de Fae. La vie semblait avoir repris son cours, une douceur morose régnait désormais. Une rémanence du passé ne voulant pas partir de mon esprit malgré le temps. Je sortais souvent la nuit, mais juste pour réfléchir. Ma vie semblait être une longue attente, je restais de longs moments aussi sur un banc à contempler la douceur des plantes. Je me persuadais moi-même d'avoir vécu un mauvais rêve, un cauchemar qui me manquait terriblement.


L'hiver avait été rude, mais pas seulement par sa froideur. De nombreuses attaques eurent lieu dans la région. La garde tenta désespérément de se défendre, mais les pillages étaient de plus en plus fréquents et les assaillants de plus en plus nombreux. Évidemment, l'abbaye restait une cible facile même avec son enceinte. Le roi décida donc exceptionnellement de laisser des hommes pour défendre Glastonbury. Une trentaine de soldats se sont donc ajoutés à notre humble demeure. Ils dormaient dans des tentes installées dans les jardins. Le général, quant à lui, s'était permis de dormir dans le bâtiment accueillant habituellement les visiteurs. L'abbé Henry ne semblait guère apprécier la présence des troupes dans son domaine sacré, il passait son temps à se plaindre que leurs grosses bottes détruisaient les jardins et que seule la mauvaise herbe poussait après leur passage.

Les Filles du Diable, premier cycle  : GLASTONBURYOù les histoires vivent. Découvrez maintenant