Chapitre 3 : Moine

35 6 0
                                    


La sueur perlait sur mon front, la chaleur du foyer réchauffait ma chambre et sa lumière vacillante formait de terrifiantes ombres sur les murs. Je refusais de m'assoupir à nouveau de peur de retrouver ces terribles cauchemars. La nuit me hantait, je devais l'affronter. Je me levai de mon lit l'esprit embrumé par mes nuits agitées. Le sol était chaud, mais l'air d'automne restait froid et me fit frissonner. La porte s'ouvrit dans un léger grincement qui, je l'espérais, n'allait pas réveiller mes frères. En descendant les escaliers, je vis père assis à la table alors qu'il parlait au maître de maison.


—Ils sont à nos portes maîtres, nous ne sommes pas assez nombreux pour les retenir, nous avons besoin de l'aide du roi

— Nous ne nous laisserons pas faire rétorqua père. Ces Pictes ne nous prendront pas la moindre parcelle, nous allons nous battre. Je refuse de fuir, mais vous avez raison, Steven. Sans les hommes du roi, nous ne pourrons rien faire, envoyer un messager.


Père savait parler, sa voix était façonnée pour les ordres. Il était dur, mais juste, cruel, mais efficace, dangereux, mais sage. Je passais inaperçu et réussis à sortir. La nuit était lumineuse, la lune éclairait le chemin, mais mes pas n'étaient pas sûrs. Les gardes m'avaient vu, mais ne virent aucune menace à ma présence et continuèrent donc leur ronde tranquillement. Lorsque je trouvai enfin le bon emplacement, je pris mon épée de bois. Les coups volaient contre le pauvre sac de grain que j'avais pris comme ennemi. Mes mouvements étaient incorrects et mes placements désordonnés ce qui donnait un résultat pour le moins ridicule. Mais au fond de moi, je me sentais tel un vrai héros, pourfendant de ma lame les ennemis de notre petit royaume. Mais mon entrain fut stoppé. Le coup allait atteindre sa cible, mais fut arrêté d'un coup net. Mon frère Eric prit mon épée et se mit à rire.


— Non ! Tu t'y prends mal petit frère, fais face à ton adversaire. Tes pieds doivent le regarder, sois fluide, non ! Ne te crispe pas, détends ton corps, utilise ton bassin.


Je suivis tous ses conseils à la lettre et je pus sentir mes coups atteindre l'ennemi plus facilement et avec plus de force. Chaque compliment de mon cher frère faisait grandir le sourire qui envahit bientôt l'entier de mon visage



Je me réveillai le corps engourdi, la tête enfouie dans les nuages et les jambes flasques. Les gouttes d'eau perlant sur la toiture tombaient en plein sur mon front, ce qui avait tendance à légèrement perturber mon sommeil. Cela faisait huit ans que j'étais enfermé dans ces lieux, mais je semblais avoir vieilli d'une cinquantaine d'années. Tous mes os grinçaient comme une cabane sous une puissante tempête, mes articulations me faisaient mal et mon corps s'était ramolli par le manque d'activité.


La garde royale arriva avec une colonne de prisonnier, une trentaine comprenant femmes et enfants. Ce n'était certes pas la première fois que nous utilisions le bûcher, mais nous n'avions jamais eu autant de gens. Tous étaient des paysans affamés et leur condition était pitoyable. La pitié m'envahit, mais je ne leur étais d'aucune aide, ils avaient choisi leur destin et étaient désormais entre les mains de Dieu. Les gens avançaient en direction de leur destin. Étaient-ils des bandits ? Ils n'en avaient point l'allure.


— Mon père, qu'ont-ils fait pour mériter la colère de Dieu ? avais-je demandé à l'abbé Henry.


— Comprends-tu, mon fils, que certaines personnes dans ce monde ne se préoccupent que peu de la bonté et de la protection de Dieu ? Ces gens vivent par eux même sans penser à leurs semblables. Leurs perversions nuisent à la bonne société que notre Seigneur a mise en place depuis bien des années. Il est donc de notre devoir de faire comprendre aux gens qu'aider et aimer leurs prochains est nécessaire dans leur chemin vers le paradis. Ces hérétiques ont renié la foi de notre Seigneur, ils sont perdus. Et, comprends-tu Randall, que nous sommes leurs guides ?

Les Filles du Diable, premier cycle  : GLASTONBURYOù les histoires vivent. Découvrez maintenant