Chapitre 4 : Une rose dans la nuit

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— Ta mère est partie, Randall ! Elle est loin et ne reviendra jamais ! Peux-tu s'il te plaît arrêter avec tes questions stupides ? Tu n'es plus un enfant, tu dois comprendre par toi même désormais ! Va rejoindre ton frère.


Le courroux de père n'avait aucun ennemi et quiconque se trouvait sur son passage était balayé. Les faibles larmes perlant sur mes joues ne semblaient avoir aucun effet sur le monstre sans cœur. J'appris donc à me taire et garder mes questions pour moi-même. Seul Eric supportait d'entendre mes plaintes et questionnements d'enfant. Il me répondait toujours avec un calme et une gentillesse qui lui était propre.


— Je n'en sais pas plus que toi, père a dit qu'elle était partie rejoindre Dieu. Je pense que tu es assez grand pour comprendre, mais je ne sais pas comment cela est arrivé ni quand. Mon frère ce n'est pas de ta faute si elle est partie, n'écoute pas Charles, il ne raconte que des mensonges.


— Qu'a dit Charles ? Eric, je dois savoir.


— Rien. Ne l'écoute pas, c'est tout.


— Eric s'il te plaît...


Je savais qu'il ne pouvait rien me refuser et la curiosité d'un enfant est puissante. Mais ce jour-là, me taire aurait été une bien meilleure idée.


— Il a dit que c'était de ta faute... Je ne sais pas pourquoi il raconte ça, je te le promets. Mais... mais il en sait plus qu'il n'en laisse savoir et cela m'énerve aussi, petit frère. Une fois que nous aurons l'âge de Charles, père nous racontera tout, j'en suis certain. Ne pleure pas Randall... je suis sûr que ce n'est pas de ta faute.



Les prières matinales envahissaient l'église alors que mes yeux sombraient dans le vaste infini d'une bonne nuit de sommeil. Se tenir debout face à l'abbé devenait une peine immense et je commençais à tituber comme ivre des saintes paroles de mon maître. Luttant contre ce sommeil si précieux je pus apercevoir autour de moi les regards inquisiteurs de mes confrères. Lorsque la prière prit fin, David me rejoignit, et s'assit lourdement à mes côtés. Il avait l'air paisible, comme à son habitude. Il semblait attendre la mort avec un fatalisme qui en effraierait plus d'un. Et, le connaissant, je pensais que c'était son but, purger sa peine en mourant seul.


— Tu sembles fatigué, Randall. Ton apprenti ne serait-il pas à la hauteur ? Est-il turbulent ? Ou est-ce seulement l'odeur de renfermé de l'église qui te fait somnoler ces derniers jours ?


Je ne pouvais lui en vouloir de se douter de quelque chose, il me connaissait tant qu'il pouvait interpréter chacun de mes regards, mais cela sans jamais me juger. Malgré tout, il était trop dangereux de lui révéler mes virées nocturnes et en outre, je pense qu'il savait très bien ce que je mijotais le soir venu.


— Ne t'inquiète pas, je m'en fais juste pour mes frères et j'ai de la peine à dormir la nuit. Cela fait trop longtemps que je n'ai pas reçu de nouvelle. Et j'attends encore désespérément leur visite. De plus, j'ai cru entendre qu'Eric se parcourait la région avec sa bande de mercenaires. J'aimerais beaucoup le revoir, tu sais.
— Je m'en doute bien, fiston, me répondit David.


Je vis Tristan arriver au loin, fier comme un paon. Il s'approcha de nous et salua mon ancien mentor.


— Bien à toi David, j'espère que tout va bien, dit-il d'une voix grave.


— Aussi bien que je puisse être. Randall m'a annoncé que tu avais réussi ta première potion hier. Peut-être bien que tu finiras alchimiste et non forgeron comme le désir l'abbé. Répondit David.


— J'en doute. L'abbé Henry ne laisserait jamais un ancien guerrier participer à des tâches réservées aux nobles. Il se tourna dans ma direction et hocha la tête.

Les Filles du Diable, premier cycle  : GLASTONBURYOù les histoires vivent. Découvrez maintenant