Chapitre 1.4-Émilie

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Le reflet renvoie l'image de l'âme... Mon reflet est horrible.


Émilie Newton-John, blonde, était assise contre le sol carrelé des toilettes. Ses mains tremblaient, secouées par un sanglot. Elle était recroquevillée sur elle-même, la tête enfouie dans le creux de ses cuisses.

Sa main tenait un objet blanchâtre, ses sclères étaient teintes d'un rouge vif. Elle pleurait en essayant de se faire la moins bruyante possible, car, si elle savait bien faire une chose, s'était étouffé sa peine dans le silence.

Mais jamais, jusqu'à aujourd'hui, elle n'avait versé de larmes à ce sujet. Elle avait toujours su se contrôler, mentir, le sourire aux lèvres. Elle avait su sourire alors que la réalité aurait voulu qu'elle soit terrée à jamais, dans l'humiliation, la dépression... Son quotidien. Elle avait honte, elle avait peur, elle était seule.

Émilie passa une main courante dans ses cheveux, parcourant chaque parcelle de sa tignasse avant de les lisser, de les redonner un air à peu près normal. Elle essayait de recoiffer sa touffe ébouriffée, jugeant suffisant les dix minutes qu'elle avait gaspillées dans les WC du centre commercial pour pleurer.

Elle nettoya son visage, ses larmes avec le bout de sa longue manche blanche et ne put s'empêcher d'adresser une pensée à l'enfer, son enfer qui la consumait de l'intérieur... Un sourire fugace, un éclat de rire puis, l'émoi et la dépression. Une mélodie, des sifflotements sadiques, puis cette même sensation. Elle était pathétique, hystérique.

Mais, au fond, elle avait toutes les raisons de l'être...

Émilie se redressa maladroitement, trop longtemps à terre, trop longtemps à la merci de ses émotions enfouie, qu'elle croyait enterré, six pieds sous terre. Les gens avaient l'habitude de dire que la vérité rattrapait tous ceux qui l'étouffaient. Il en était de même avec l'enfer... Elle vous tient fermement dans sa bulle, vêtit vos rêves de son manteau flamboyant et les asphyxient, jusqu'à vous faire perdre espoir. Et elle en était malheureusement victime.

Inconsciemment, son regard était tombé sur le miroir scotché contre le mur, sa silhouette s'était dessiné sur le dispositif, son regard, ses traits de visage... Une nouvelle personne, un reflet moribond, vide, tout ce qu'elle était devenue. Tout ce qu'elle avait toujours été.

Ses yeux étaient gonflés, ses joues brûlaient, d'un rouge salace. Elles avaient perdu leur teint clair, dû aux répétitions des gestes qu'elle affectait sur celles-ci... Émilie avait une sale mine et son regard, autrefois bleu, était grisonnant, presque vide. Cette fois, il lui serait difficile de faire comme ci de rien était.

"Ressaisi toi !" S'était-elle murmuré

Elle se racla la gorge, passa de l'eau sur son visage puis inspira une grande bouffée d'air et sortit.

Émilie était l'aîné des Newton-John, une famille nantie qui résidait à Villeray depuis vingt-six ans déjà. Les habitants la connaissaient pour sa joie de vivre, son grand cœur et son esprit de partage. On lui promettait un avenir dans le marketing, elle souriait tout le temps et avait des belles fossettes. Depuis petite, elle avait toujours voulu être styliste, souhaitant rendre le monde meilleur à sa façon. Elle rêvait d'une grande entreprise, tenue par une femme indépendante, qui n'aurait pas besoin d'un homme pour exister. Elle rêvait d'un chiffre d'affaires ahurissant, d'une piscine d'argent et surtout, elle disait qu'elle voulait créer le bonheur chez ses acheteurs, qu'elle voulait voir chaque femme sourire lorsqu'elle sera vêtue d'une de ses tenues.

Fille de riches, elle n'était cependant pas matérialiste ou encore possessive. Elle avait tendance à s'imaginer dans une autre vie, où elle ne serait pas riche, loin du bling-bling et de la perfection que cela exigeait. Oui, Émilie avait beaucoup de rêves.
Même adolescente, cette flamme ne s'était pas éteinte malgré les remarques qui fustigeaient sa personnalité. Sa mère la qualifiait bien des fois de rêveuse, ses frères de prétentieuse, son père de tête en l'air, mais eux, il ne l'avait jugé, ni elle, ni ses rêves.

Hypnose (En Pause)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant