LE GRAND MAITRE

14 4 0
                                    

Les yeux toujours fermés, Sine sentit sous lui un sol mou, et une odeur qui ressemblait à celle de la terre envahit ses narines. Il ouvrit alors les yeux et constata qu'il n'était visiblement pas mort, qu'il se trouvait allongé à plat ventre sur un lit de végétation sèche. Il se redressa, retira les feuilles accrochées à ses cheveux et regarda autour de lui. Il se trouvait au beau milieu d'une forêt, en pleine nuit. Il alluma la lumière de sa montre, elle indiquait quatorze heures.

— Où suis-je ? Et comment j'ai pu survivre à une telle chute ? se demanda-t-il à voix haute, en espérant que quelqu'un lui répondrait.

Sine se mit à marcher lentement à travers les arbres, dans une direction aléatoire, ne pouvant se repérer. Il faisait nuit noire et rien ne lui était familier. Après avoir parcouru seulement quelques mètres, il se sentit soudain épié et décida de s'arrêter pour regarder autour de lui, mais tout était calme et sombre. Jusqu'au moment où il entendit un petit bruit vif, comme des foulées précipitées d'un écureuil, sur des feuilles sèches, à quelques mètres de lui. Sine sursauta de peur et s'adossa à un tronc d'arbre pour se cacher, se protéger, et se rassurer surtout. Deux petites lumières jaunes apparurent au loin, près du sol, puis quatre, six, et enfin dix, qui semblaient le fixer dans l'obscurité, rapidement suivies de petits grognements. Sine ne réfléchit pas une seconde et prit ses jambes à son cou. Il trébucha à de nombreuses reprises par la faute des nombreuses racines et broussailles qu'il ne pouvait distinguer dans la pénombre. Derrière lui, les grognements se rapprochaient de plus en plus vite. Sine accéléra la cadence et continua sa course folle sans regarder derrière lui, distinguant de mieux en mieux les arbres, qui se trouvaient de plus en plus espacés les uns des autres au fil de son avancement. Au loin, il aperçut un espace éclairé par la lune et, dans un dernier effort, il traversa la lisière de la forêt en dépassant les derniers arbres avant de se retrouver dans une immense plaine. Essoufflé, les mains sur les genoux, Sine se retourna vers la forêt. Les petites lumières étaient là, derrière les arbres, à l'observer en grognant, mais elles ne bougeaient plus ; il ne put voir ce que c'était, et n'était pas sûr de vouloir le savoir.

La lune était pleine et le ciel entièrement dégagé, une chance pour lui. Il marcha quelques minutes, doucement d'abord, le temps de reprendre son souffle, puis, ayant aperçu au sommet d'une colline un gigantesque saule pleureur, il reprit un pas plus rapide pour vite aller s'y réfugier.

Sine arriva en seulement quelques instants en haut du monticule. Le tronc de l'arbre n'était pas visible, les feuilles le recouvraient entièrement. Il s'enfonça prudemment à travers l'épais rideau de branches légères pour se cacher, au cas où les créatures de la forêt changent d'avis et se décident à venir le chercher. Passé la ramure épaisse du saule, il découvrit l'énorme tronc, centenaire au moins, sur lequel se trouvait une étonnante poignée argentée. Stupéfait, il saisit l'anse ronde de la main et la tira. Un léger cliquetis se fit entendre et une partie de l'écorce commença à pivoter. Sine n'en croyait pas ses yeux : sur cet énorme tronc se trouvait une porte ! Il l'ouvrit entièrement et s'y engouffra.

Il se retrouva dans une petite pièce étroite face à laquelle se trouvait un escalier en bois qui descendait vers un espace plus grand et duquel provenaient une douce lumière et un agréable parfum boisé. L'adolescent se demanda alors s'il n'était pas en plein délire. Il ressortit et fit un tour complet du saule, mais c'était bel et bien un arbre !

— Mais comment est-ce possible ? se demanda-t-il, l'air ahuri.

Sine retourna à la porte, franchit de nouveau le seuil et referma cette fois-ci derrière lui. La pièce n'offrait rien de bien intéressant à observer, alors il se dirigea vers la rassurante lumière et commença à descendre lentement les escaliers.

1/SINE : Le royaume d'AfradourOù les histoires vivent. Découvrez maintenant