1/SINE : Le royaume d'Afradour

LE ROYAUME DE SKOURIA

Le premier jour du mois d'août, Sine fut réveillé bien plus tôt que d'habitude par le grand maitre. Le soleil n'était pas encore levé, le calme régnait aux abords de l'habitation.

— Debout mon garçon ! dit le vieil homme en le secouant. Il faut nous hâter, une longue route nous attend, rejoins-moi dans le salon. Et ne te rendors pas !

Sine bondit de son lit, s'habilla en vitesse, se lava le visage et les mains dans la petite pièce face à sa chambre et monta les escaliers en courant, pressé de découvrir de nouvelles merveilles.

— Où allons-nous, maitre ? fit-il en avalant en vitesse ses œufs et deux tranches de pain.

— Au royaume de Skouria. Il nous faut rencontrer les maitres nains forgerons pour qu'ils te confectionnent ton épée. Les elfes et les nains sont les meilleurs forgerons du continent. J'en profiterai pour faire changer les fers d'Ombre et rendre visite au roi Burdrin.

Après cinq très longues heures de cheval, le vieil homme annonça à son disciple qu'ils arrivaient aux portes de Skouria. Sine ne comprit pas comment ils pouvaient être arrivés. Il n'y avait aucune construction apparente, rien qui n'indique la présence d'une quelconque civilisation. L'horizon était limité à une muraille naturelle infranchissable, haute de plusieurs centaines de mètres. Quatre gigantesques montagnes se dressaient face à eux, serrées et compactes, faites de roches grises et rougeâtres, des lieux désertiques, sans la moindre présence de végétation ou du moindre petit animal.

Ils se rapprochèrent et Sine put apercevoir deux gardes, de petites tailles, en armures gravées d'étranges symboles. L'un portait une masse, qui avait l'air plus lourde que lui, l'autre une large hache, démesurée vis-à-vis de la taille de son porteur, qui ne devait guère dépasser les cent trente centimètres. Tous deux ne semblaient composés que de cuir, de métal, et de poils tant leurs barbes étaient développées. D'un brun aussi foncé que leurs yeux noirs, elles traineraient certainement au sol si elles n'étaient pas tressées et arrangées. Ils se tenaient fiers devant une grande porte en pierre, taillée à même la roche, directement dans la montagne.

— Mes salutations, gardiens, dit amicalement le vieil homme. Je suis le grand maitre lumière du royaume d'Afradour, je viens voir votre roi. Il a déjà été prévenu de mon arrivée par corbeau.

— Nous vous saluons, grand maitre, dit l'un d'eux en se rapprochant. Nous vous attendions. Je suis Orgat, j'ai été chargé de vous accueillir vous et votre élève. Entrez, je vais vous conduire au roi.

Sine et son maitre descendirent de cheval et suivirent le nain qui s'engouffrait déjà dans la montagne, tenant fermement les rênes d'Ombre. Ils marchèrent le long d'un profond tunnel pendant plusieurs centaines de mètres. Le boyau était éclairé par de nombreuses torches qui étaient fixées çà et là, à même la paroi lisse comme l'eau d'un étang oublié. Sine se demanda comment et combien de temps il avait fallu pour arriver à ce résultat. Mais lorsqu'il sortit enfin du couloir, il conclut que c'eût dû être vraiment très simple comparé à ce qu'il avait maintenant devant les yeux. Le grand maitre qui le suivait put se redresser en débouchant auprès de l'adolescent ; sa grande taille n'était pas adaptée au royaume des nains.

— Voici le royaume de Skouria, expliqua le grand maitre. Ce domaine souterrain s'étend sur des dizaines de kilomètres, vois comment le peuple nain a bâti cette forteresse imprenable.

La montagne avait été entièrement creusée, il n'en restait qu'une « fine » couche qui reposait sur de gigantesques piliers décorés d'or et d'argent. Cette toile de tente naturelle était, à l'intérieur, agrémentée de milliers et de milliers de pierres précieuses, ce qui donnait presque l'impression d'une nuit étoilée. Si Sine n'était pas rentré à travers la paroi de la montagne, jamais il n'aurait pensé être à l'intérieur. L'architecture était concentrée autour d'un immense bassin de marbre où se déversait une cascade bruyante qui résonnait dans tout ce qui faisait penser à un palais, d'une taille inégalable et d'une incalculable richesse. Sine put apercevoir de nombreux nains se diriger vers le bassin, munis de seaux en bois, cerclés d'un métal sombre.