Scène 11 - Une visite inopinée

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Une jeune fille au teint d'ébène courait droit devant elle en regardant par derrière son épaule; on la poursuivait; ou alors, elle le croyait simplement, car aucun bruit n'était audible dans les rues des bas-fonds, aucun si ce n'est le frappement de ses bottines sur le sol, aucun si ce n'est son soufflement haletant, irrégulier, elle s'époumonait et ce qu'on aurait pu prendre pour de la peur, de la frayeur, devint très vite un grand sourire, plusieurs fois confirmé tandis qu'elle regarder derrière pour vérifier une dernière fois que personne ne la suivait. Elle était libre ! Sautillant, comme si la fatigue de ce sprint n'avait plus aucune valeur, ses grands yeux dorés scintillaient de milles feux tandis que ses cheveux noirs, coiffés sur le côté, se faisaient tant valser qu'ils en devenaient hirsutes. Enfin libre. Enfin....


- Yo.

D'un bond bien plus haut que les autres, la gamine sortait son pistolet parfaitement à sa taille, le pointant vers la terrible voix d'un homme qu'elle qualifiait mentalement de plutôt jeune. Se demandant de qui il s'agissait de sa petite voix tremblotante, criant pour se faire plus grande qu'elle ne l'était, elle tomba sur une ombre rieuse, moqueuse au-dessus d'elle. Hiro !

- En chair et en os, Hiro les bonnes affaires, de l'eau pure, de l'oxygène potable, ou peut-être l'inverse, disponible même dans les bas-fonds ! Et toi tu dois être.... Hmm... Phenyxia je dirais ? Tu sais que fuguer en boucle n'est pas vraiment la meilleure des solutions en ce qui concerne "se faire respecter en temps qu'adulte ? Ajouta-t'il de son timbre joueur et tenor.

- Qu'est-ce que ça peut bien te foutre ? T'es pas mon père à ce que je sache.

- Non, et dieu merci, déjà qu'il me cramerait moi et tout le quartier s'il savait que je t'avais vue sans faire ma balance, littéralement tout le monde sait que c'est, ton père.

- Non-non-no... Non j't'en supplie, balance pas, j'ferais tout ce que tu veux st'eeeeeuplait.

Phynexia était presque à genoux, implorant la pitié de son interlocuteur, refaisant bien sortir son côté enfant pour espérer l'attendrir du mieux qu'elle le pouvait; sans réussite, tout ce que ce pseudo-marchand souhaitait, c'était des Vs, des Vindies, de l'argent en sommes. Mais heureusement, la fille en avait pas mal sur elle, suffisamment pour qu'il tienne sa langue pour la journée affirmait-il en rajoutant qu'une "dame" ne pouvait rester sans accompagnateur digne de ce nom, dans les bas-fonds. Certes, elle y était sûrement plus à l'aise que lui mais ils étaient dans le quartier sud, éloigné du territoire RK et à deux-pas de la grande décharge Trash'n'Crap ou de la zone de non-droit.

Ils "visitèrent" donc l'endroit gaiement, en soit, Phynexia ne faisait que profiter du fait de n'avoir personne à qui rendre des comptes; en temps que fille de Krayn, elle avait toujours été surprotégée à cause des atrocités profanées par son père; qui sait qui pourrait vouloir se venger de lui en assassinant sa fille. Ils passèrent devant des Sanos, une bande de huit ou neuf aux visages blafards, ils ne remarquaient même pas le duo tant ils demeuraient sans vie, sans âme; ils erraient, tout simplement, sans aucune possibilité d'amélioration, ou de "soin" pour ce qu'ils étaient devenu; des coquilles vides attendant patiemment une mort atrocement lente car ils se rendaient incapables de venir la chercher eux mêmes, mangeant et dormant instinctivement, comme un réflexe, juste de quoi survivre dans la grande décharge non-loin. Cela dégoutta suffisamment la fille et son protecteur pour les faire décider de monter de quelques mètres, sur le territoire d'Hiro, entre les tuyaux de métal, les toits effondrés, les citernes délabrées et les squats inutilisés. Ils admiraient le paysage d'en haut, au sommet d'un bâtiment de plusieurs dizaines d'étages. La puanteur demeurait, elle s'intensifiait même, mais, ne pouvant rien y faire, Phynexia accepta son sort.

- Toi aussi tu penses qu'il n'y a aucune manière de les sauver ?


- Quoi, tu parles des Sanos ? Peut-être que si, mais à quoi bon ? Si ta motivation est égoïste, parce que ça te rend triste de voir ces... larves, alors cette quête ne te satisfera jamais car il y aura toujours de nouveaux Sanos, et si cette motivation provient d'un profond besoin à aider les autres, alors pourquoi aider des gens qui ne ressentent plus rien plutôt que ceux dans le besoin ? Sans même parler des Trashers, t'imagines le nombre de personnes utilisées par Lumenar, la Fermerie, Vindicta'Sellers et tout ce beau monde ? Les corporations aussi détruisent le monde. Et, tu es une Élue non ? Pensent à tous ceux dans ton cas qui n'ont pas eu la chance de naître avec un père terrorisant la CVVT, ce qu'ils vivent à devoir être marqué au...

- C'est bon, j'ai compris. J'ai compris. C'est ça la maturité ? ça a l'air horrible. J'veux dire. Tu dois avoir deux ans de plus que moi, à peine et t'es incapable de rêver, de te brider à ta réalité ? Je sais que c'est égocentrique, mais même si c'est pour moi-même, si j'aide ces neufs Sanos, là en bas, eh bien j'aurais quand même fait du bien à quelqu'un non ? Même si dans l'absolue ça change rien... Et que rien ne dit qu'aider quelqu'un est quelque chose de bien.

- T'as tout compris gamine... M'enfin, te prends pas trop la tête, personne n'aime voir des Sanos dans cet état, t'inquiète, fais juste ce que t'as envie de faire, de toute façon personne t'en empêchera.

Ce simple échange laissa pensive l'adolescente, elle était assise sur le bord et ses yeux flamboyants fixaient le sol à des centaines de mètres plus bas. Voilà donc ce que voulait vraiment dire "liberté". Jamais elle ne l'avait vu comme ça. Faire ce qu'on voulait, faire les choix qu'on désirait, tout ça impliquait d'abandonner une autre chose, définir ce qui était plus important. Phyenxia avait toujours souhaité aider les autres, avec son pouvoir qui pouvait soigner n'importe quoi. Mais en ce jour, elle se rendait compte de l'immensité de sa tâche, elle se sentait toute petite devant son ennemi. Mais c'était quoi son ennemi exactement ? La souffrance ? Non, non, la preuve avec les Sanos, ils ne souffraient pas et pourtant... La vie en elle-même alors ? Après tout, c'est elle qui fonctionnait de cette manière, pourquoi était-elle faite ainsi ? Aucun sens !

Voyant sa compère nouvellement acquise, Hiro souffla un sourire avant de sortir de son sac une sorte de bouteille d'air étrange avant de la tendre à la femme: "Respire dedans." Il s'agissait bien évidemment d'air pur, plutôt rare quoique pas si cher en comparaison des fibres d'invuls, surtout sur le marché noir.
C'était un vrai miracle se disait Phynexia, pas d'envie de vomir en respirant, une odeur agréable, vive, saine, et l'air qui lui remplissait entièrement les poumons. Simplement en respirer lui faisait oublier tous ses problèmes. Elle ne pouvait plus s'arrêter, surtout après avoir zieuté vers Hiro pour attendre la confirmation qu'elle pouvait continuer encore un peu. Cet air sentait bien plus la liberté que ce qu'elle venait de ressentir avec les Sanos.

- J'pense que je vais avoir besoin d'une bonne nuit de sommeil, j'me suis jamais sentie aussi fatiguée mentalement. Sont ses premiers mots après de nombreuses heures de silence pendant lesquelles Hiro était resté à ses côtés sans rien dire. Lui non-plus.

- Ahah, pauv'chou. J'connais un hangar safe dans la zone de non-droit si tu veux. À moins que tu préfères rentrer chez-toi, bien entendu.

- Nan, nan, c'est trop tôt, je sens que quand je vais rentrer je pourrais plus réfléchir autant que je voudrais. Mon père m'engueulera, XSanders va me passer un savon avant de me forcer à faire de même sur le sol de son foutu bar. Puis la vieille Gem' va m'entraîner... Argh je sens déjà la douleur de son bâton qui se fracasse contre mon dos... Roh et toutes ces corvées... Enfin bref, j'te suis.

Un rire non dissimulé le couple amical sauta de toit en toi, de conduits d'aérations en balcons, sans manquer plusieurs fois de tomber sur une tuile incertaine les faisant glisser à travers les toitures, mais heureusement, à chaque fois, l'un était là pour rattraper l'autre. Ce qui d'ailleurs surpris pour le moins Hiro, la femme au teint d'ébène pouvait le soulever sans aucun mal malgré sa faible carrure.

- Vous êtes vraiment des monstres au RK. À croire que vous vous bourrez de Stim, même si c'est impossible vu que vous détruisez tout ce qui touche aux substances alternant la pensée.

Finalement, les deux arrivèrent au hangar. Un petit somme bien mérité était de mise, mais avant, ils devaient trouver de quoi s'allonger. Hiro chopa une magnifique pile de cartons tandis que Phynexia lui vola son hoodie beaucoup trop grand pour elle, pour s'en servir comme protection pour s'allonger sur une motte de terre végétale qui avait grossi à l'étage supérieur. Elle était juste en dessous des fenêtres, qui, magiquement, n'étaient pas brisées. C'est ainsi qu'elle put le voir.

Alors que ses yeux se fermaient doucement, un projectile à la courbe arquée traversa son champ de vision, pour atterrir au sol juste en bas. Le premier la réveilla en sursaut, puis un second passa, cette fois, elle l'avait admiré pleinement. Elle ferma les yeux d'instinct en se mettant en boule sur le côté du mur avant de crier: " GRENADE".

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