Scène 16 - La Fuite

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Phynexia arriva donc dans la succursale et une voix intérieure lui cria de se cacher alors qu'elle était sur le point de se ruer vers la sortie. Elle entendit alors ses parents, guignant par delà sa cachette dans l'obscurité d'un couloir sans lumière. Un nouveau réflexe qu'elle ne put contrôler la fit rétracter la tête, manquant de se faire repérer par son père aux sens aiguisés.


- Écoute-moi Krayn.
- Oui, oui, tu disais quoi ?
- Hmm... Je ne dis pas que je suis dans ta tête et que je sais ce que tu veux. Et je sais que Phynexia était aussi très importante pour toi. Mais par pitié ne fait pas à une autre femme ce que tu m'as faite.
- C'est pas à la première chose que je pense pendant le deuil de ma fille, t'sais ?
- Oui, je sais, mais ça risque fortement de te traverser l'esprit. Je te donnerai autant de descendances que tu voudras, alors ne recommence pas, s'il te plait.
- Tss... Qu'est-ce que tu veux que je réponde à ça, et pourquoi tu me prends la tête maintenant même ?
- Tu sais combien de temps ça fait qu'on s'était pas vus ? Tu me l'as prise à 7 ans. Enfin bref, tout ce que je veux dire, c'est qu'il est hors de question que tu refasses les mêmes erreurs qu'avec ma pauvre Phynexia.
- J'aime pas ce nom.
- J'en ai rien à faire, c'est celui qu'elle a choisi, tu ne nous enlèveras jamais ce seul souvenir que j'ai de ma fille adulte, tu as compris ?
- Hmm.. Mouais ça n'empêche qu'elle était ma raison de vivre cette gosse...
- Dis son nom.

Phynexia n'entendit aucune réponse de la part de son père, simplement des bruits de pas qui s'éloignaient. Elle s'était mordue la main pour s'empêcher de pleurer; elle n'avait jamais été à ce point à fleur de peau avant, mais en cette soirée, elle ressentait un flot inexplicable d'émotions incontrôlables.

"Tu ne devrais pas gâcher tes larmes, petite, tu en as en quantité limitée maintenant." "Tu peux pas me laisser tranquille un peu, j'ai l'impression que mon corps m'appartient plus." "Tu finiras par t'habituer, ne t'inquiètes pas, et puis bon, je t'ai sauvé la vie, alors je mérite bien quelques récompenses.. Même si t'es excessivement étroite." "J'ai pas encore fini ma croissance... Et puis je sais même pas encore comment tu t'appelles." "Bouge, c'est le moment, prends à droite et sors par la petite porte. Tu peux m'appeler ᚺeᛉãᛁ, même si ça m'étonnerait que tu sois capable de le prononcer."

Tout cela s'était passé dans la tête de la jeune réanimée, rien n'était visible de l'extérieur si ce ce n'était quelques tressaillements et un profond sentiment antagonique, comme si la demoiselle était en conflit intérieur, prête à se déchirer en deux parties manichéennes. Finalement, l'inactivité cessa et la fille s'élança à corps perdu en suivant les instructions de son "subconscient". Elle arriva finalement dehors, prenant une grande inspiration de cet air vicié des profondeurs, qui lui avait presque manqué. Mais pas le temps de savourer l'instant, il fallait fuir, se dépêcher pour ne pas être retrouvée, pas encore, personne ne devait savoir, c'était comme un besoin vital, son instinct lui ordonnait de ne pas être vue, sous aucun prétexte. Alors, elle emprunta des ruelles qu'elle n'avait jamais pris, prit des raccourcis qu'elle n'avait jamais emprunté, s'enfonça éperdument dans les bas-fonds, par delà le territoire du RK Gang, esquivant celui des Tigers Operational, évitant Trash'n'crap et les centaines de Sanos qui y erraient; peut-être Helly y été passé, voulant récupérer quoique c'eût été. Mieux valait ne pas risquer après tant d'efforts. Mais que faire alors ? Elle ne pouvait pas non-plus passer par chez les Gent's et elle commençait à manquer de recoins inexplorés. Phynexia connaissait la réponse, mais la peur, ou plutôt l'instinct de survie qui l'habitait la retenait de se tourner vers la droite, de regarder vers les mines anciennes, de s'aventurer en dehors de la ville, dans les souterrains inconnus, noirs, aveugles, habités par toutes sortes de créatures monstrueuses. "Ce ne sont même pas des Kiels, de quoi t'as peur ? Aller, bouge, j'entend que ça arrive."

Les ordres étaient clairs, et, à contrecœur, Phynexia fit un premier pas avant d'être à nouveau paralysée, il lui fallut encore de nombreuses et profondes respirations de cet air lourd avant d'amorcer une foulée de quelques mètres, mais encore une fois, elle fut arrêtée. Un grondement profond et lourd que le tunnel avait menacé en direction de la jeune Élue.

La colocataire de son esprit gronda alors plus fort; de plus grands dangers attendaient la fille; celle-ci avait reçu la chance d'une nouvelle vie et il lui était formellement interdit de ne rien en faire. Un autre pas, et encore un autre, encore un, jusqu'à ce que la peur soit devenue une habitude, un premier fardeau à porter pour la suite de sa vie.

Phynexia entra alors dans la mine abandonnée. Elle tâtonnait le mur de pierres froides pour avancer à un rythme acceptable et sans risquer de tomber au premier détour. En en parlant, voilà qu'arrivait une intersection. À gauche. Phynexia suivit la route qu'on lui indiquait tout en sentant son corps descendre à chacun de ses pas, la température des pierres changeait peu à peu, si bien qu'elles commencèrent à devenir chaudes. Heureusement, la maîtresse des flammes demeurait totalement immunisée à ce genre d'incommodités.

- C'est bon, tu es assez loin, tu peux allumer.

Il fallait dire que Phynexia était devenue entièrement aveugle; pas une seule lumière n'émettait à cette profondeur. Sans s'en rendre compte, la fille avait parcouru des centaines de mètres dans sa descente vers l'inconnu. Elle commanda alors à ses yeux de luire, et à ses mains de montrer la voie, et la lumière fut.

Le paysage choqua alors la nouvelle-née; c'était bien plus immenses que ce à quoi elle ne s'attendait, pensait être presque à l'étroit et menacée de tomber sur un cul de sac à tout moment, elle se retrouva au milieu d'un gigantesque espace mort au plafond invisible tant il était haut, semblant sans fin ainsi que juxtaposé au souterrain qu'avait emprunté jusqu'ici la fillette. Cette dernière se dit à elle-même qu'il était temps de se reposer et se recentrer sur elle-même. Personne ne pourrait bien la déranger si bas sous les trashers. Enfin, sauf ᚺeᛉãᛁ.

- Non, non, tu le prononces mal. Dis simplement Heyald, c'est très bien, j'te jure.

La fille pouffa alors en cherchant un endroit où s'asseoir de manière suffisamment confortable. Soudain, une nouvelle terreur l'embrassa entièrement. Elle sentait quelque chose toucher son corps, quelque chose de mou. La chose avait des bras, elle reniflait à son oreille, elle la serrait contre elle, comme un câlin venu de derrière elle. La fille sentait même quelque chose qui se pressait contre son dos, une poitrine ? Et elle parlait.

- Pourquoi tu rigoles petit tropipou, tu es perdue mon enfant ?

Phynexia ne savait pas quoi répondre, c'était la première fois depuis qu'elle était revenue à la vie qu'elle devait parler autrement qu'à travers sa pensée, et encore, si c'était le seul problème, clairement, elle n'avait ni la force ni l'audace de s'enfuir de cette douce emprise. La femme qui l'avait attrapé semblait pouvoir l'écraser en un seul instant.

- Oh ? C'est ta langue tu as perdu, c'est ça ? La femme à la poitrine excessive se gaussa avec la manière avant de reprendre d'une voix plus sérieuse. Non, je rigole. Je sais ce que tu es Phynexia, et surtout, que tu es morte. M'enfin, faudrait pas que ça s'ébruite, alors fais ce que je te dis et ne bouge pas trop, compris ?

La fillette vomit son acquiescement, réussissant à flancher en seulement trois lettres avant d'être finalement relâchée, hyperventilante, tombée au sol, genoux et mains à terre en tentant de reprendre son souffle du mieux qu'elle le put.

- Aller, dépêche toi, je ne vais pas me mettre en danger pour une faible.

Phynexia compris bien vite qu'il s'agissait de sa seule et unique chance. Elle appela alors toutes ses forces à la rejoindre, poussant sur ses jambes de toutes ses forces pour finalement réussir à se relever. Après quelques instants à admirer le sol et toute la honte qu'elle ressentait, la réanimée prit à nouveau son courage à deux mains pour tenter de confirmer une peur qu'elle avait profondément ancrée en elle depuis qu'elle avait sentit la femme se coller à elle. Des talons riches, des jambes élancées et dénudées, presque parfaite, une robe noire qu'on ne pouvait même pas qualifier d'opaque, une poitrine proéminente, des bras fins quoique rudement proportionnés à la perfection, dont les bouts finissaient en mains délicates et en longs doigts sans aucune blessure. Sa peau était claire, salmonée, presque beige, elle avait un long cou, orné de magnifiques bijoux. Les craintes de Phynexia avaient été confirmées, pas même besoin de zieuter le visage positionné quelques centimètres au-dessus d'elle de la nymphe, la petite fille savait très bien qui était à côté d'elle. Cette mystique oracle qui semblait savoir tout sur tout et dont même son père avait peur; Mel. Pourtant, la fille ne put empêcher ses yeux de continuer leur chemin, elle était attirée par la beauté extrême du délice visuel qui été posté juste là. Elle avait peur, mais ses yeux observèrent le petit menton, la mâchoire droite mais pas carrée, les petits grains de beauté, la bouche fine mais pulpeuse, amoureuse. Le danger qu'elle représentait, aussi, était attirant, il faisait hérisser les poils et battre le cœur avec intensité, les sueurs froides perlaient sur le visage de la fille d'ébène tandis qu'elle ravalait sa salive avant l'ascension finale de l'inspection visuelle du corps de Mel. Cependant, quelque chose arrêta instantanément ses envies; une aura écrasante était arrivée non-loin. Phynexia ne se sentait même plus vivre tant la présence demeurait omniprésente alors que son épicentre ne s'était même pas encore montré. S'attrapant le cœur, elle remarqua alors que même la sirène terrestre n'était plus absolument à l'aise, elle aussi se préparait à l'arrivée de la bête.

- Tu fermes ton clapet et tu te fais la plus discrète possible. Lança la femme sans aucune forme de beauté, contrairement à son habitude.

La présence arrivait d'en face, il revenait d'encore plus profondément. Il. Ses pas faisaient sentir son immense masse, lente, il ne se dépêchait pas, sachant pertinemment que personne ne pourrait jamais le fuir. Finalement, sortit de l'ombre un immense lupine, une créature de plus de cinq mètres sur ses pattes arrières, nyctalope, au corps sans poils mais à la tête comparable à celle d'un loup, bien plus grande cependant, avec des crocs gigantesques, faisant aisément la taille d'un avant-bras pouvant sûrement déchiqueter quoique ce soit. Phynexia n'en avait jamais vu mais jamais n'avait-elle pu imaginer qu'ils étaient aussi imposants. Les SAVs, ces animaux sauvages que l'Androginity avait oublié de craindre. La fille était trop happée par son admiration pour remarquer un ultime détail. La bête se trainait. Et d'un seul coup, elle sauta, ou plutôt, elle fut lancée, projetée à l'autre bout de la grotte, dévoilant alors son chasseur. Il. Un homme fin en comparaison que l'ombre finit de cacher tandis qu'il s'avançait jusqu'à Mel pour lui faire la bise, simplement. Pourtant, il semblait être le seul à l'aise avec une telle action.

- Hey.. S-salut Jyoradim ! Comment va ?

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