Chapitre 4

311 58 34
                                    

Je vous admire, Danïa.

Qu'avais-je fait pour mériter son admiration ? C'était ce que je me suis demandée tout le long de la première épreuve du tournoi. Cette épreuve était ridicule. Les deux derniers sortis du labyrinthe étaient éliminés. Alors, certes, le labyrinthe était assez grand mais je n'étais pas une potiche ! Je saurais m'en sortir sans aucun problème.

Le coup de klaxonne a résonné et je me suis engouffrée à l'intérieur. Les dames riaient et s'étaient mises à courir tandis que j'avançais d'une démarche tranquille le long des rangées d'arbustes. J'ai tourné à gauche, puis je suis partie à droite. D'un pas lent et maîtrisé, je me dirigeais tout droit vers la sortie.

Enfin, cinq bonnes minutes s'étaient écoulées et toujours aucune trace de la sortie. J'ai douté de ma capacité à m'orienter à ce moment-là. Si je prenais encore à gauche, je devrais bien arriver à destination ?

Une main s'est alors enroulée autour de mon bras. J'ai reçu comme une décharge électrique, et je me suis vivement retournée. Mes yeux ont dû, une nouvelle fois se lever pour observer mon interlocuteur –ou agresseur.

— Nous devrions faire équipe.

Jared me souriait. Je lui ai rétorqué d'un ton froid sans équivoque :

— Et votre femme ? Où est-elle ? Vous ne deviez pas participer avec elle ?

— Elle est tombée malade.

Je plissai les yeux. Il y avait bien quelque chose de louche chez lui, mais quoi ? À ce moment-là, je n'y ai pas prêté attention.

— Je ne pense pas que faire équipe avec vous est une bonne chose. Je saurai retrouver mon chemin.

— Nous sommes les derniers à ne pas être sortis, remarqua-t-il avec un sourire resplendissant comme si c'était la blague de l'année.

— Comment pourriez-vous le savoir ?

— Je sais où est la sortie. J'ai vu toutes les dames et gentilshommes se ruer à l'extérieur, mais une jolie demoiselle manquait à l'appel. Je vous ai enfin trouvée.

Il me prenait toujours par le bras. Je n'avais pas réalisé jusque-là qu'il ne me lâchait pas. Il y avait quelque chose d'intense chez Jared. Quelque chose de nouveau. D'une quelconque manière, et par je-ne-sais quel moyen, j'ai eu l'impression que lui et moi étions faits du même bois.

— Et vous osez prétendre que vous ne me courtisez pas ? Quelles sont donc vos manières, Jared ?

— Je ne vous courtise pas, mademoiselle. Je vous apprivoise.

— Je ne suis pas un animal sauvage !

— Non, vous êtes un bien curieux personnage à vous-même. Et c'est ce qui me pousse à vous approcher.

— Je n'ai pas besoin de vous. Est-ce donc là votre alliance ? Ne vous rappelle-t-elle pas la femme que vous chérissez tant ?

Je lui ai attrapé la main et il a baissé les yeux vers la bague à son annulaire. Son sourire s'est étiré et il m'a répondu d'une voix légère :

— Me croiriez-vous si je vous disais qu'aucune femme ne m'attend à la maison ?

— Non.

— Et me croiriez-vous si je vous disais que je ne suis pas l'ami de votre père ? Du moins, pas comme je prétends l'être.

Je l'ai regardé pour la première fois une seconde fois. Son sourire a faibli. Il a cherché dans mes yeux une réponse.

— Non, je ne vous croirais pas.

— Alors je me suis peut-être trompé sur votre compte. Vous n'êtes pas celle que je pensais.

Il m'a relâché le bras et m'a tourné le dos, non sans montrer sa déception au passage. Et moi, j'ai poursuivi, parce que je n'avais pas terminé ma phrase :

— Non, je ne vous croirais pas. Je pourrais tout à fait penser que vous me mentez en ce moment même. Mais deux choses m'interpellent. La première est votre capacité à vous montrer si peu respectueux et loyale envers votre soi-disante épouse, en allant en courtiser une autre. La seconde, ce sont vos mains. Ce ne sont pas celles d'un riche marchand.

Jared s'est figé et quand il s'est tourné vers moi, j'ai cru que mon cœur allait défaillir. Il s'est approché, et a saisi ma main. Quand sa peau est entrée en contact avec la mienne, j'ai compris mon erreur. Cet homme était un charlatan.

— Je me suis leurré une seconde fois, semblerait-il. Vous êtes encore plus surprenante que ce que j'osais croire.

— Allez-vous me dire qui vous êtes, Jared ?

— Il est bien trop tôt pour me dévoiler de la sorte.

— Qui vous fait penser que je n'irais pas courir dans les jambes de mon père pour lui annoncer la nouvelle ? Jared n'est pas vraiment Jared, et il a l'intention de... Quelles sont vos intentions ? Vous n'avez aucune femme, et vous n'êtes pas riche. Comptez-vous escroquer ma famille ?

— L'escroquer ? Je ne suis pas cet homme-là, ma douce.

Son sourire s'est effacé et son expression n'avait jamais été aussi sérieuse.

— Vous pouvez allez vous plaindre à votre père, Danïa. Je sais pertinemment qu'il ne vous croirait pas.

— Pourquoi me l'avoir avoué, dans ce cas-là ?

Il a haussé les épaules. Je n'arrivais pas à y croire ! Jared n'était pas celui qu'il prétendait être !

— Peut-être car je lis dans vos yeux la même détermination qui m'a porté jusque-ici. Ne vous faites pas de souci, je ne compte pas faire de mal à votre famille. Loin de là l'idée.

Il ne m'a pas expliqué la suite.

— La sortie est sur la droite, puis sur votre gauche. Mes salutations, mademoiselle.

Il a tourné les talons après un dernier sourire. Avant de disparaître au bout de la rangée de fleurs, il s'est tourné une dernière fois.

— Oh, j'oubliais. Je ne vous courtise pas, Danïa.

— Alors je me demande encore ce que vous faites, ai-je rétorqué.

Il a haussé un sourcil comme pour réfléchir, puis a lâché d'une voix grave :

— Je vous regardais jusque-là. Maintenant, je vous contemple. La différence est subtile, j'espère que vous la comprendrez. Je ne me fais aucun souci là-dessus.

𝐋𝐞 𝐉𝐞𝐮 𝐝𝐞𝐬 𝐑𝐨𝐬𝐞𝐬 | BONUSOù les histoires vivent. Découvrez maintenant