Chapitre 9

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Notre histoire n'aura duré que cinq jours. Cinq jours, cinq nuits où Jared et moi nous sommes retrouvés.

Notre histoire aura été une idylle de courte durée. Un voyage fini trop tôt. Laissez-moi vous conter ces étapes, où jour après jour, je suis tombée un peu plus amoureuse de lui.

• • •

— Je suis fan du Capitain Howges. On raconte qu'il se balade toujours avec une canne, à laquelle au bout est raccrochée une petite lame. Au moindre ennemi qui l'attend, il dégaine sa canne et frappe ses ennemis.

Jared a éclaté de rire. Allongée dans l'herbe, je fixais le ciel, mes lunettes de soleil posées sur le bout de mon nez. J'avais réussi à accrocher mon ombrelle au sol de manière à nous protéger tous deux des rayons.

Le Jeu des Roses poursuivait le lendemain, mais en heureux perdants, nous nous étions enfuis au fin fond du jardin, loin du brouhaha et des regards appuyés.

— Et tu trouves cela fascinant ?

— Pas fascinant. Incroyable, oui ! Il n'a aucune arme, aucun pistolet ou même épée. Il est vieux et ridé mais se défend avec un vieux bout de bois.

— Je vois, je vois. Et ce capitaine, il est une légende pas vrai ?

— Dans les livres, oui. Mais cela ne veut pas dire qu'il n'existe pas. Il est bien réel dans mon esprit.

— Personne ne réussirait à survivre avec une canne. Pas un bon soldat, du moins.

Je me suis redressée et je lui ai accordé un regard noir.

— Un jour, je te prouverai le contraire, Jared. Et ce jour-là, tu t'agenouilleras devant ma grandeur.

Une nouvelle fois, il a éclaté de rire. Il s'est redressé à son tour, et a plongé ses yeux dans les miens.

— Je suis déjà bouche bée, et agenouillé pour toi, princesse.

Nos regards se sont liés. Je l'ai trouvé tellement charmant que j'aurais voulu l'embrasser, mais je ne l'ai pas fait.

Au lieu de cela, je me suis détournée et j'ai rétorqué :

— Tes tentatives pour me séduire sont vaines, mon cher ami.

— Ami ? Outch.

— Tu pourrais me courtiser tout autrement.

Je lui ai jeté un regard. Ses yeux se sont mis à briller de malice et il s'est enquis :

— Et comment, ma chère ?

J'ai fait une petite moue avec la bouche en entortillant une mèche de cheveux à mon doigt.

— J'aime bien tes coquelicots.

Et comme par magie, il en a sorti un de sa poche.

— J'en ai toujours un en réserve pour la dame qui fait battre mon cœur.

Il me l'a placé derrière l'oreille et mon sourire n'avait jamais été aussi resplendissant.

Avec Jared, les choses étaient faciles et naturelles. Rien n'était forcé. Nous étions sur la même longueur d'ondes. Je le connaissais à peine, mais j'avais l'impression que cette étape n'était pas nécessaire pour l'apprécier pleinement.

— Un jour, je t'offrirai un champ de coquelicots. Non, encore mieux ! Un immense jardin avec un tas de coquelicots. Tu pourras t'y promener, les cheveux au vent, dans ta robe blanche, ta peau brune brillante sous le soleil. Quand j'imagine cette vision, je me dis que... je me dis que...

Il n'a pas fini sa phrase. Moi, j'ai saisi sa main, j'ai glissé mes doigts dans les siens.

— Tu te dis que... ?

— Je l'ignore, Danïa. Mais j'ai cette image de toi en tête, et elle ne quitte pas mon esprit. Comme si je savais que cela allait se réaliser.

Mes joues ont commencé à chauffer. Je n'avais jamais ressenti autant d'émotions pour un garçon. Il n'y en avait pas eu beaucoup, à dire vrai, mais ce n'était pas le fait que Jared était le premier.

C'était cette maudite et constante impression qu'il était celui que j'aurais choisi un millier de fois. Ce n'étaient pas ses jolis mots, ou bien même son beau visage. C'était peut-être la façon qu'il avait de m'observer. Avec douceur et tendresse. Ou encore la façon dont ses yeux me scrutaient avec compréhension.

Comme si chaque mot qui sortait de ma bouche était une prière sacrée. Jared était une évidence. Il était là, devant moi, sous mes yeux, à mes côtés pour un temps bien trop court.

Et j'en profitais pleinement. À quoi bon mettre des barrières dans la vie, si ce que je désirais se trouvait à ma portée ? Le désir était encore chose confuse dans mon esprit, mais en voyant Jared, tout me paraissait moins... flou.

Je me suis penchée. J'ai fait le premier pas, et je m'en rappellerais toute ma vie. Jared n'a pas semblé surpris. Il était captivé.

Mon cœur battait si fort quand nos lèvres se sont effleurées. Aujourd'hui encore, je suis capable de me souvenir de cette sensation.

C'était comme une tension persistante entre nos deux corps. C'était un feu qui me brûlait la poitrine, un feu ardent et dévastateur qui m'empêchait de réfléchir.

Il n'y avait que lui dans mes pensées, dans ces pensées emprisonnées par la douceur de sa peau, quand ma main s'est posée sur sa joue, que la sienne a touché mes cheveux, quand nos lèvres se sont rencontrées, j'ai perdu pieds, je n'avais jamais autant vécu, je me noyais dans les profondeurs, et mon souffle était si court, si court, si...

Jared était mon premier baiser.
J'aurais aimé qu'il soit le dernier.

Entre mes rêves, mes attentes et mes espoirs, il y a eu autre chose. La désillusion. Fracassante, déroutante, elle est venue détruire les premières briques que Jared et moi venions de poser.

Pour le moment, il n'y avait que nos lèvres scellées. Mais au loin, la tempête arrivait. Doucement. Lentement.

𝐋𝐞 𝐉𝐞𝐮 𝐝𝐞𝐬 𝐑𝐨𝐬𝐞𝐬 | BONUSOù les histoires vivent. Découvrez maintenant