Chapitre 10

255 43 59
                                    

Le second jour, j'ai pu récupérer la lame de Jared. J'ai mis une heure à la retrouver, entre les murs et couloirs interminables du palais, le nombre incalculables de pièces. Son épée était dans une vitrine dans la bibliothèque, entre deux étagères. Je n'y avais jamais fait attention.

Comment en dix-huit ans d'existence, n'avais-je jamais vu la beauté de cette épée ? Elle était lourdes, certes, mais était faite de dorures et brillait sous le soleil étincelant.

J'ai dû attendre le soir avant de pouvoir rejoindre Jared, puisqu'un repas de famille interminable m'avait maintenue à table. On ne faisait que parler pour peu dire, au final, et ma mère ne m'aurait jamais laissé sortir de table. Olay faisait état de toutes ses victoires, mon père le félicitait et moi, moi je me faisais petite.

C'est seulement quand le soleil s'est couché que j'ai pu rejoindre ma chambre. Je gardais l'épée sous mon lit et les gardes mettraient du temps avant de se rendre compte de sa disparition. Alors, je me suis dépêchée de me changer. Jared m'avait intimé la veille de le rejoindre à la plage. J'ai enfilé ma tunique blanche et j'ai foncé hors de ma chambre. J'ai dévalé les escaliers, et ai rejoint le jardin royal. J'ai emprunté le petit sentier qui menait à la plage et c'est là que je l'ai vu.

De toutes les choses que j'avais pu voir dans ma vie, Jared demeurait la plus belle création de Dieu. Ses cheveux s'envolaient sous l'air marin, et il se tenait là, au loin, posté comme un conquérant sur la plage de ma demeure. Je l'ai rejoint.

J'ai couru, j'ai couru à en perdre haleine, j'ai couru, le sourire aux lèvres, un sourire qui ne faiblissait pas, j'ai couru jusqu'à sentir ses bras se refermer autour de moi. J'ai senti son cœur battre fort, et la chaleur de son corps m'a immédiatement réchauffée.

J'ai ensuite reculé pour admirer son visage, et il m'a souri. Son sourire était resplendissant. Je le connaissais à peine depuis quelques jours et pourtant, j'avais l'impression de le connaître depuis une éternité. Alors, il a fourré la main dans sa poche et mon cœur a bondi quand je l'ai vu sortir un nouveau coquelicot.

— Je ne peux pas t'offrir un champ d'étoiles comme au-dessus de nos têtes, alors laisse-moi au moins t'offrir un champ de fleurs.

— Et pas n'importe lesquelles, ai-je souri.

J'ai accepté ce qu'il me tendait.

— Pourquoi des coquelicots et pas des roses ? ai-je repris. La première fois que tu m'en as donné un, tu as dit que c'était en l'honneur du Jeu des Roses.

Son sourire s'est élargi et il m'a offert un clin d'œil.

— Les roses sont pour tout le monde. N'importe qui pourrait t'en offrir. Tandis que mes coquelicots seront à jamais gravés dans ton esprit. Et puis, j'aime faire les choses différemment.

Il m'a tendu sa main pour que je m'assois près de lui. Au sol, il y avait une petite couverture. Je me suis blottie contre lui et il a ramené la couverture sur nous. Alors, mes yeux se sont perdus au loin, sur les vagues qui se fracassaient contre le sable, et la voix de Jared a résonné contre moi :

— Le coup d'État est avancé.

Mon cœur a flanché. J'ai froncé les sourcils en relevant les yeux vers lui.

— Comment ça ? Et le soutien qui devait arriver dans une semaine ?

— Ton père se méfie. Il suspecte déjà deux de mes compagnons. Nous ne pouvons plus attendre.

— Comment comptez-vous réussir un coup d'État à huit ? me suis-je exclamée. C'est totalement absurde !

— Avec ton aide, je suppose. Et puis, nous sommes des soldats expérimentés.

Un silence s'est abattu entre nous. J'ai réfléchi, cherchant quelque chose à dire pour le faire changer d'avis, puis je me suis ravisée.

— Quand ? ai-je fini par murmurer ?

— Demain soir. Quand le soleil sera au plus bas. Nous passerons à l'attaque.

— Tu vas mourir, Jared.

Je ne savais pas encore qu'à ce moment-là, je disais vrai.

— Je sais. Et tu vas te marier, Danïa.

Je me suis levée d'un coup d'un seul, les poings sur les hanches.

— Qu'est-ce que tu racontes !

— J'ai entendu ton père parler. Il veut t'imposer un mariage.

— C'est hors de question, ai-je ri amèrement.

La vérité, c'est que j'allais bel et bien me marier. Et Jared allait bel et bien mourir. Nous avions eu cette discussion sans même réaliser que l'un comme l'autre, nous disions vrai. Et quand j'y repense, cela me fend le cœur en deux.

J'hésitais entre pleurer et rire de nerf à ce moment-là. Je n'ai pas eu à me décider. Jared s'est agenouillé et mon cœur a bondi de nouveau quand il a fouillé dans sa poche. Ce n'était pas une bague. C'était un coquelicot. Sauf que celui-ci était blanc.

— Épouse-moi, Danïa.

Je l'ai longuement observé, et la seule chose que j'ai réussi à dire était :

— N'est-ce pas un peu présomptueux de ta part de m'ordonner de le faire ?

— Ce n'est pas un ordre. C'est un conseil que j'offre à ton cœur. Épouse-moi, Danïa. Je m'adresse à toi, la femme que tu es, la femme que tu deviendras, celle qui hante mes nuits depuis bientôt une semaine. Je peux mourir demain, je serais éternellement reconnaissant des moments que j'ai passé avec toi, en ta compagnie.

— Nous nous connaissons à peine.

— Danïa, je pensais que tu l'aurais compris. Je n'ai pas de bague à t'offrir et ton père n'accepterait jamais notre mariage. Ce que je te propose, c'est l'union de nos cœurs. Aujourd'hui, maintenant, demain et pour les jours qu'il nous restera.

Je me suis laissée tomber à genoux. Jared était comme une évidence. Le fruit du destin, du hasard qui nous aura mené jusque-là. J'ai alors glissé mes mains dans les siennes, et j'ai plongé mon regard dans le sien. Le vent soufflait, la terre accueillait notre union comme une vérité qui se devait d'exister.

Aujourd'hui, maintenant, demain et pour tous les jours à venir.

𝐋𝐞 𝐉𝐞𝐮 𝐝𝐞𝐬 𝐑𝐨𝐬𝐞𝐬 | BONUSOù les histoires vivent. Découvrez maintenant