Chapitre 31 : Dévorez-moi

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Assis, le dos droit comme un piquet, je regarde Keigo dans le miroir malmener mes cheveux sans vergogne. Je sais qu'ils sont indomptables, mais sûrement pas à ce point. La pauvre brosse semble perdre de plus en plus d'épines alors que mon crâne commence à me faire souffrir.

- Le but est de le coiffer, pas de lui arracher les cheveux. Vocifère Yuga assis sur le lit blanc. À cette allure, il n'aura plus un seul cheveu sur le caillou d'ici la cérémonie.

- Ne dis pas n'importe quoi. Je te ferais rappeler que j'ai eu trois enfants, je suis le mieux placé pour savoir comment coiffer une tignasse rebelle. Il agrémente ses paroles d'un nouvel essai, alors que la brosse se fixe dans mes mèches. Tu aurais dû voir Toya à sa naissance, trois cheveux sur la tête et maintenant il est comme toi, impossible de faire quoi que ce soit avec.

Je rigole discrètement, ne voulant pas attirer leur foudre, mais c'est peine perdue puisque Yuga me dévisage d'un drôle d'air.

- Ne rigole surtout pas. Ma tenue sans tes cheveux ne vaudra plus grand chose.

Derrière moi, Keigo pousse un énième soupire avant de rendre les armes. Il s'assoit sur la chaise en bois et dépose la brosse, où du moins ce qu'il en reste, sur la coiffeuse.

- J'abandonne, impossible de les lisser ou de faire baisser leur volume. Tu as vraiment des cheveux rageants. Je passe ma main dans mes boucles vertes, les remettant comme elles étaient au départ. Tout mon travail jeté aux oubliettes. Il se lève et rejoint Yuga, s'étalant de tout son long sur le drap en soie.

- Ce n'est pas plus mal, en fin de compte. Je n'avais pas envie de ressembler à quelqu'un d'autre de toute façon. Je me lève et tournois avec mon costume. Il est à la pointe de la mode et de la modernité, ce que l'on peut attendre de Yuga pour ce type d'événement. D'une jolie couleur lie-de-vin avec des broderies sur le col et les manches, accompagné d'une courte traîne qui m'arrive aux chevilles, j'ajuste un bouton rebelle en me regardant dans le miroir. Le vêtement est parfait car j'ai vraiment besoin de quelque chose de plus masculin. La qualité est flagrante et j'ai déjà peur de faire une tâche ou pire, un accro. Je n'imagine même pas la réaction de Yuga si je viens encore à déchirer l'une de ses créations. Alors, qu'en pensez vous ? Je demande en leur faisant face.

Keigo porte une main à sa bouche et je vois ses yeux devenir humide. Il secoue sa tête et ne perd pas de temps pour venir vers moi. Ses bras se referment sur moi et il m'enlace avec force.

- Tu as raison, tu es parfait comme tu es. Il se recule et me regarde droit dans les yeux. L'émotion qui les traversent me fait frissonner et je viens moi aussi à me trouver beau à travers ses pupilles bleutées. Je sais que tu n'es pas mon fils mais c'est tout comme à mes yeux. Je ne pouvais espérer mieux pour toi qu'un mariage tel que celui-ci.

- Keigo... Je fourre ma tête dans le creux de son épaule et me sens défaillir. L'émotion me submergeant enfin.

Déjà deux semaines que la bataille est fini et la paix enfin instauré sur Silvania. Drakna et Drākõnia sont enfin reliées, sans barrière pour les séparer. Il n'aura pas fallut attendre des jours pour que les portes de la cité humaine nous soient grandes ouvertes. Grâce à l'intervention de Toya et celles de quelques nobles, nous sommes arrivés bien vite au château pour arrêter les derniers partisans du roi déchu. Quand sa mort a été annoncé, il n'y eu ni larme, ni colère, juste un profond soulagement et même, quelques cris de joie. Il a bien évidemment eu quelques personnes réticentes, dont des chevaliers fidèles à la couronne. Avec l'aide du peuple de Féliame, ils n'ont pas tardé à changer d'avis et je ne veux pas savoir comment ils ont procédés. Il a fallut une semaine entière pour instaurer le calme et Yagi savait qu'il faudrait plus de temps pour qu'un climat de confiance prenne place dans la capitale. Il a, au plus grand étonnement de tous, accepté la couronne d'or. Il est désormais le nouveau roi de Drakna, le roi légitime. J'ai eu une bref larme en le voyant prendre place sur ce trône. Il m'a fallut prendre mon courage à deux mains pour franchir le portail, tant de mauvais souvenirs m'ont assaillis au même moment. Je sais désormais que tous ceci est derrière moi et que maintenant, je dois aller de l'avant. Je suis heureusement bien entouré et je n'aurais jamais pu rêver mieux comme famille. Je sais que tout là haut, quelque part dans les cieux, mes parents et Ateas me regardent, et il ne m'en faut pas plus pour être comblé.

Coeur Ardent - La légende d'AteasOù les histoires vivent. Découvrez maintenant