Chapitre 24 : Racontez-moi

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Je reprend une respiration descente et essuie mes larmes du revers de la main. Yagi ne bouge pas, attendant une réaction de ma part. Moi-même, je ne sais pas comment réagir. Pleurer, hurler, rire. On m'avait conforté dans l'idée que je n'avais aucune famille et aujourd'hui, j'apprends que j'ai un oncle. Comment je peux réagir convenablement ?

- Assis-toi, je t'en prie. Je m'exécute, désireux d'en apprendre plus. Je sais que cela doit être un choc pour toi, mais sache que pour moi aussi. Je ne pensais ne jamais te revoir. Il baisse les yeux, effaçant une larme invisible. Je t'ai tenu dans mes bras alors que tu n'étais pas plus gros qu'un œuf d'autruche. L'accouchement avait été compliqué pour ta mère, car tu étais venu par les pieds. Elle n'a pas supporté les deux heures de travail mais, jamais, Ô grand jamais, ton père t'en a tenu rigueur. Il s'allonge et regarde la porte fermée. Si tu avais vu son sourire quand il t'a tenu dans ses bras et qu'il t'a donné à moi. Tu n'as pas poussé un seul cri. Tu étais là, les yeux grands ouverts, un sourire sur tes lèvres. Nous avons immédiatement su que tu étais unique.

- Quelle est ma date de naissance ? Je demande en me penchant.

- Tu es né un huit mai, alors que les pétales de fleurs tombaient dans la cour extérieur. Il dépose de nouveau ses yeux sur moi et sourit. C'était il y a dix-huit ans déjà. Le temps passe très vite.

Je baisse moi aussi les yeux. Un père et une mère aimant, un oncle heureux de l'être, et un petit enfant rose, pourquoi ce tableau idyllique semble emplie de noirceur ?

- Que s'est-il passé ensuite ? Il fuit mon regard, regardant lui aussi dehors.

- Rien de bien joli, je le crains. Ton père était un commandant irréprochable et ta mère, une servante sans reproche. Après ta naissance, ton père s'est occupé de toi pendant un mois, mais ensuite, c'est là que le temps s'est gâté. Un silence règne durant lequel nous ne disons rien. Sais-tu au moins qui je suis ? Je fronce les sourcils, pour réponse et il sourit. Ou du moins, qui j'étais ? Devant mon mutisme, il poursuit. J'étais l'aîné d'une fratrie de trois enfants. Ton père était le cadet, et il avait décidé de choisir la voie des chevaliers. Étant l'aîné, j'avais un rôle important à jouer. Je devais prendre la succession de feu notre père, Tomo Toshinori, le roi de Drakna.

Une boule se forme dans ma gorge, tandis qu'il serre la couette avec rage.

- Vous êtes en train de me dire que vous étiez roi ?

- Oui, Izuku. Je suis le roi légitime de Drakna.

- Oboro est-il au courant ?

- Non. S'empresse t-il de dire. Je n'en ai parlé à personne. Par peur, sans doute. Il n'y a que toi qui est au courant.

- Mais... Mais si c'est vous qui devez être sur le trône, qui est l'homme qui l'occupe actuellement ?

Il rit, il rit en toussant, mais il rit quand-même.

- Le troisième frère, bien-sûr. Dit-il amèrement. Il ne savait pas quelle voie choisir, alors il a préféré celle de la traîtrise. À la mort de nos parents, emportés par leur âge, il a commencé à changer. Je venais à peine de monter sur le trône, et tu venais de voir le jour, qu'une rumeur a commencé à tourner. On m'accusait de traîtrise, tout comme ton père. Je n'étais plus apte à monter sur le trône. Il repousse la couette et sort ses jambes, grimaçant légèrement. Il a fait assassiner ton père pour lui avoir dérober la femme qu'il convoitait, puis exilé l'aîné pour obtenir le trône. Il gardait ainsi auprès de lui le bébé comme trophée. Il tape du poing sur le lit et je me rends compte à quel point il est mince. Ce salaud, comment a-t-il pu asservir son propre neveu ?! Comment ? Il passe une main sur ses yeux, et soupire. Exilé seul sur une île au large de Aquariã, je n'ai pas cessé de penser à ce traite mais surtout, à toi. J'avais constamment une pensée pour toi et, c'est ce qui m'a fait tenir. Il plante ses yeux dans les miens alors qu'un voile de tristesse les recouvrent. Oboro m'a trouvé alors qu'ils étaient en excursion. Je m'étais accommodé au climat et à l'environnement, me créant une maison en paille et en terre. Quand ils m'ont trouvés, j'ai immédiatement cru que c'était la fin. Mais quand nos yeux se sont croisés, j'ai su dans l'instant que cet homme était différent. Drākõn ou non, je m'en moquais.

Coeur Ardent - La légende d'AteasOù les histoires vivent. Découvrez maintenant