Chapitre 16

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Balgor

Après le combat, les deux hommes avaient mangé en silence. Balgor essayait en vain de décrypter les mots que son mentor avait prononcé à la fin du duel. Ton hésitation te tuera. Il observa Givelorn.

L'homme était assis sur une pierre, dos courbé, les coudes sur les genoux et son menton reposait entre ses mains calleuses. Ses cheveux emmêlés gisaient dans son dos, caressant ses épaules. Ses yeux sombres et fermés par des sourcils froncés étaient perdus dans le néant, analysant des situations inconnues. Son épée, rangée dans son fourreau usé, était adossée à ses côtés. Il ruminait de sombre pensées qui projetaient une ombre sur son visage fatigué.

- Pourquoi es-tu toujours  si fermé ? Demanda soudain Balgor.

Givelorn releva la tête pour le regarder, mais sans pour autant se dérider.

- Pardon ? Dit-il.

- Tu souris si peu... Plaida Balgor. Tes rires se comptent sur les doigts d'une main.

- Oh !

Givelorn afficha un air surprit. Personne ne lui avait jamais dit cela, mais il devait avouer que son compagnon avait raison. Rares étaient chez lui les moments de joie, et depuis très longtemps maintenant, il ne connaissait plus le bonheur.

- Pourquoi ? Demanda à nouveau Balgor.

- Il y a très longtemps, raconta Givelorn, après la chute de Numenor, quelques Numenoréens se sont installés en Terre du Milieu, au Nord-Ouest. Là ils ont fondé le Royaume d'Arnor. Les hommes qui régnaient là étaient doté d'une longue vie, et son fondateur était Elendil. Ils sont mes lointains ancêtres. Aujourd'hui, le Royaume d'Arnor est devenu légende, et a même été oublié dans certaines régions plus à l'est. Mais il fut un jour grand et fort, et même si à présent il n'existe plus, ses rescapés vivent aujourd'hui en Eriador. Ils errent pour la plupart, comme moi. On nous appelle les Dunedains. Les peuples de semi-hommes qui vivent à l'Ouest de Bree nous craignent et nous appellent les rôdeurs.

Il fit une pause, pour permettre à Balgor d'emmagasiner toutes ces informations.

- Aujourd'hui, reprit-il, notre chef est Arathorn II. Cependant nous sommes libres de voyager. Mais nous avons prit pour mission la protection de la région. Nous traquons les orcs, et autres vils créatures qui menacent nos contrées. La plupart d'entre nous vivons aux alentours de Fondcombe, voilà pourquoi je t'y conduis. Notre mission est éternelle, car toujours le mal cherchera à mettre un pied dans ce monde. Elle ne change pas, mais aujourd'hui elle devient plus difficile. Les ennemis s'enhardissent, et c'est avec peine que nous faisons en sorte que les chemins restent sûrs de la Houssaye à la Conté.

- Mais... S'étonna Balgor. Si tu vis aux alentours de Fondcombe... que faisais-tu au Gondor ?

- Je voulais voir la cité blanche, avoua Givelorn. Tout les rescapés de Numenor ne se sont pas installés en Arnor comme tu le sais probablement. Je souhaitais voir Minas Tirith pour compléter le puzzle de mon passé. Nous autres Dunedains, sommes les vestiges d'un âge passé, nous sommes fantômes errants, esprits décharnés... Nous n'avons plus de pays. Alors nous nous efforçons de protéger ceux des autres.

Balgor comprenait, et il compatissait. Les Dunedains agissaient dans l'ombre, sans jamais recevoir de reconnaissance, seulement mépris et dégoût. Un bien lourd fardeau à porter.

Le silence revint. Petit à petit, le  soir passa, puis la nuit. Le calme régnait. Au matin les deux hommes reprirent la route, dans ce qui commençait à devenir une routine. Mais ils approchaient. Ils passaient en ce moment même la Trouée du Rohan, évitant l'escalade des Monts de Brume. Bientôt ils arriveraient en Eriador, et prendraient la direction du Nord en suivant la Bruinen. Jusqu'à  arriver à Fondcombe.

Mépris et faiblessesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant