Chapitre 26

26 4 25
                                    


Amdir


Amdir se sentait en décalage avec les elfes de Fondcombe. La plupart d'entre eux étaient gentils, et appréciaient les invités, avec qui ils conversaient avec une courtoisie distinguée, mais l'elfe n'arrivait pas à s'intégrer dans son nouvel environnement.

L'atmosphère de Fondcombe avait cependant un calme qu'il manquait à la Forteresse de la Foret Noire. Y séjourner était aussi reposant pour le corps que pour l'esprit, et Amdir appréciait cela, d'autant plus qu'il avait son frère à ses côtés pour lui tenir compagnie. Peut-être était-ce le rire franc d'Adenil qui lui manquait, ou ses longues rondes autour d'un camps, ses heures de méditation dans l'environnement végétal des sous-bois, le doux son du crissement d'un pas léger.

La vérité, c'était que depuis qu'il avait achevé son voyage, Amdir s'ennuyait. Et son trop nombreux temps  libre avait permis à ses cauchemars de croître et de se fixer dans l'esprit de l'elfe d'une telle façon que leurs images le hantaient dès qu'il fermait les yeux.

Toujours les mêmes, un même souvenir répété en boucle. Puis les quelques autres qui avaient suivis le premier et qui attestaient de ses horribles conséquences.

Amdir avait déjà fait des cauchemars de ce genre. Jusqu'à assez récemment, il revivait encore, chaque nuit, ce souvenir glaçant. Ce souvenir qui datait de quelques années après sa naissance.

Personne de savait quel acte odieux avait commis Amdir.

Personne mis à part Legolas et Adenil.

Elle était là, la véritable raison de son dégout, ou plutôt de sa peur absolue des armes, et plus particulièrement des arcs.

Elle était là la source de ses plus profondes angoisses, de ses peurs les plus ancrées...

La seule fois où il avait tenu un arc depuis, c'était à l'exercice de la chasse. Mais quand il avait tué ce sanglier, Amdir avait revu de la même manière ce cauchemar terrifiant, et il en avait été anéanti.

Mais aujourd'hui c'était un autre souvenir qui revenait hanter. D'autant plus terrible qu'il n'était récent.

Quand il fermait les yeux à présent, c'était Adenil qu'il voyait. Adenil qui se faisait mutiler tandis qu'Amdir restait spectateur de la scène, sans réagir. Ses membres ne réagissaient plus, sa langue ne voulait plus crier tandis que le sang giclait d'un moignon sanguinolent.

Chaque fois, Amdir se redressait en criant, et son manque de sommeil commençait à inquiéter Legolas, qui surveillait avec anxiété le comportement maladif de son frère.

Ce jour là, Amdir parcourait les allées de Fondcombe tel un spectre, tant son épuisement était grand, accru par ses cauchemars qui revenaient sans répit. Il croisa alors, sans pour autant immédiatement s'en rendre compte, un grand seigneur elfe qu'il n'avait pas aperçut depuis le premier dîner avec Elrond.

- Vous semblez bien macabre, retentit la voix du seigneur elfe avec une dur gravité. Ou vous ne laissez aucun répit à votre corps, ou d'inutiles tourments n'en laissent aucun à votre esprit.

- Vous ne savez rien de mes tourments et de leur gravité. Répondit froidement Amdir, quelque peu indigné par les propos du seigneur. Je ne vous connais même pas.

- Je suis Glorfindel, répondit posément l'elfe. Et ce n'est pas la gravité de vos tourments que j'ai évoqué, mais leur futilité.

- Puisqu'ils ont si peu d'importance selon vous, demanda sèchement Amdir. Peut-être pourriez vous m'indiquer comment m'en débarrasser ! Si facile dû-ce être !

Amdir commençait à s'énerver, du fait de sa fatigue ajoutée aux durs propos du Seigneur elfe que son esprit était trop faible pour interpréter.

- Si il y a un moyen de vous en séparer, c'est à vous de le déterminer. Tonna l'elfe. Mais souvenez vous que le passé est inchangeable, et que le futur reste à écrire. Vos tourments, quels qu'ils soient, ne vous mèneront nul part.

- C'est bien facile pour vous de dire cela, répliqua amèrement Amdir. Vous ne les apercevez pas chaque fois que vos yeux se ferment...

Il n'attendit pas la réponse de Glorfindel. Il lui tourna le dos et s'en alla, encore plus malheureux qu'auparavant.

Mépris et faiblessesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant