Chapitre XI - Découverte

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Difficile de dire ce qui l'avait rendu malade, si c'était le riz au curry dans sa barquette en plastique reconstitué ou les nombreux remous que l'avion avait subis en traversant une zone de turbulences, mais Pol passa une bonne heure barricadé dans les toilettes, se vidant bruyamment, si bien que la tension chez les hôtesses et les stewards était à son comble quand l'avion passa au-dessus des restes de banquise du Groenland :

- S'il vous plaît monsieur, il va falloir sortir. Nous avons des médicaments pour soulager votre ventre, mais veuillez ouvrir la porte pour qu'on vous les donne.

Il finit par ouvrir après que le commandant de bord en personne vînt le menacer d'être accueilli par les forces de police à l'arrivée du vol à Chicago et il faut reconnaître que ces petites pilules blanches qu'on lui administra presque de force le soulagèrent plus qu'il ne l'aurait espéré, et il put admirer quelques heures plus tard la baie d'Hudson sans aucune gêne. Anna s'était endormie devant un film d'animation qui tourna en boucle pendant tout le temps où Pol avait quitté sa place, si bien qu'elle ne se rendit compte de rien lorsqu'elle se réveilla. Il faisait clair dehors et il était facile de suivre le tracé des côtes délimitant les grands lacs. Ils durent avant d'arriver à destination remplir un petit formulaire fourni par le gouvernement américain où ils affirmèrent en autres qu'ils n'étaient liés à aucun mouvement terroriste et qu'ils n'avaient jamais eu d'activités génocidaires durant la seconde guerre mondiale. Ensuite les hôtesses prièrent les passagers de mettre leurs ceintures et on put bientôt admirer le reflet du soleil sur les tours du centre-ville de Chicago qui se rapprochait de plus en plus.

Pol et Anna avaient peine à croire qu'ils étaient enfin arrivés dans cette ville qu'ils avaient attendue avec une telle impatience. Les immeubles défilaient sous les ailes de l'avion qui allait bientôt atteindre l'asphalte chaud de la piste de l'aéroport international O'Hare, où le trafic était tel que la nuit les feux d'atterrissages des appareils dessinait des lignes en points tillés dans l'obscurité. Les roues touchèrent le sol sans choc ni crissement et l'avion alla tranquillement se garer en face d'un des nombreux terminaux que comprenait l'aérogare. Pol et Anna purent traverser sans difficulté le contrôle de la douane après s'être à moitié déshabillés pour pouvoir passer sans crainte dans le détecteur de métaux. Ils arrivèrent tant bien que mal à se frayer un chemin dans une foule de voyageurs indisciplinés et atteignirent la sortie de l'immense bâtiment, où ils prirent une navette qui devait les amener au centre-ville. Ils purent prendre enfin le temps de contempler les premiers paysages urbains de leur nouveau « chez eux ».

Les Etats-Unis étaient finalement exactement comme ils se les étaient imaginés. Des 4x4 faisant le plein dans des stations essence géantes, des gens anormalement obèses, des taxis jaunes, des plaques d'égout qui fument, des policiers blancs poursuivant d'innocents noirs, tout était réuni là, sous leurs yeux. Tout était pourtant différent de tout ce qu'ils avaient connus jusqu'alors, le bitume des trottoirs, les feux tricolores, les devantures de magasins, le petit bonhomme vert des passages piétons qui était devenu gris et cohabitait avec une main faisant sa taille, la taille des portions dans les fastfoods, la façon de dire bonjour, bref, tout. Il était tout à fait fascinant de voir tous ces gens, dont l'apparence n'était pas forcément très éloignée de celle des gens qu'on pouvait croiser en France, mais qui devenaient véritablement des étrangers lorsqu'ils commençaient à parler. Anna et Pol n'avaient aucun repère dans cette ville, et ils se laissèrent promener par le bus dans des quartiers pittoresques qu'il fallait traverser pour rejoindre le centre de la ville. A mesure qu'ils se rapprochaient les bâtiments se faisaient plus hauts, plus larges, plus imposants et plus clinquants. Ils traversèrent également un grand parc qui longeait le rivage, où on pouvait apercevoir des promeneurs profiter de cette journée ensoleillée. L'agitation du centre commençait à se faire ressentir sans équivoque dans la densité du trafic.

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